De la monarchie pontificale – Cinquième préjugé

CINQUIÈME PRÉJUGÉ CONTRE LE LIVRE DE MGR DE SURA

L’auteur ne semble pas posséder la notion complète du Concile œcuménique.

    La première conclusion qui s’impose à l’esprit d’un homme qui a étudié sérieusement l’histoire ecclésiastique, c’est que les Conciles œcuméniques appartiennent à l’ordre de fait, et ne sont nullement dans l’Église l’expression du droit. L’Église pourrait se passer du Concile œcuménique. Son divin fondateur l’a organisée sur des bases assez solides, pour qu’elle puisse suffire à sa mission sans la nécessité de cette réunion des membres du corps enseignant, rassemblés pour délibérer et prononcer des décrets dans tel ou tel lieu déterminé. Les Conciles œcuméniques ont été amenés par des circonstances qui ont rendu utile et même moralement nécessaire, soit pour confondre l’erreur, soit afin de pourvoir plus efficacement aux besoins du gouvernement de la société chrétienne, cette réunion de toutes les forces de la hiérarchie de l’Église

    De là est advenu que la théorie des Conciles ne fut pas d’abord formulée dans l’Église. Ils ont recueilli le respect et la soumission des fidèles, parce qu’on voyait en eux une manifestation solennelle du pouvoir de l’Église enseignante et régissante dans les matières de dogme, de morale et de discipline ; mais il a fallu de longs siècles pour que l’on songeât à examiner scientifiquement dans l’École les conditions auxquelles une assemblée ecclésiastique peut se donner pour un Concile œcuménique. Jusquelà, la pratique de l’Élise avait tout réglé en cette matière, comme en celle des jugements doctrinaux du Siège apostolique. Il avait suffi que la chrétienté sentît que l’autorité de l’Église enseignante et régissante s’était manifestée dans tel ou tel synode, pour que l’on s’inclinât devant les arrêts de ce tribunal auguste dont l’infaillibilité est l’une des prérogatives. Au lieu d’avoir à interroger en détail la foi de toutes les Églises, on avait été heureux de les entendre témoigner toutes dans l’unité d’un décret formel et précis.

    Mais il arriva que les docteurs Scolastiques qui se mirent en devoir de déterminer l’essence et les conditions du Concile œcuménique, s’attachèrent plutôt à la notion générale de l’Église représentée dans ces saintes assemblées, qu’aux circonstances de fait dans lesquelles plusieurs conciles avaient eu lieu. Ils exigèrent pour la tenue essentielle du Concile œcuménique qu’il eût été convoqué par le Pape, que tous les évêques du monde y eussent été invités, qu’il fût présidé par le Pontife romain ou par ses légats, et enfin confirmé par l’autorité apostolique. Ces conditions expriment parfaitement l’essence d’une assemblée destinée à représenter l’Église enseignante et à en exercer tous les droits ; mais il faudrait convenir en même temps que, parmi les anciens Conciles, il en est au moins deux qui sont reconnus pour œcuméniques, et auxquels ces conditions ne peuvent pas toutes être appliquées.

    Le premier est le deuxième Concile général, premier de Constantinople, convoqué dans cette ville par Théodose, sans aucun concours du pape saint Damase, sans la présidence de ce Pontife ni de ses légats, sans la présence d’aucun évêque de l’Occident : il n’est donc par luimême qu’un concile particulier. Lorsqu’il fut terminé, les évêques qui le composaient sollicitèrent de saint Damase qui tenait au même moment un concile à Rome, l’approbation de ce qu’ils avaient décrété, et le Pontife l’ayant accordée, sauf, entre autres, pour ce qui regardait l’élévation du siége de Constantinople au second rang dans l’Église, consentit à ce que cette assemblée et la confession de foi qu’elle avait dressée contre l’hérésiarque Macédonius, jouissent du même honneur et de la même autorité dont jouissait le Concile de Nicée. La seule des conditions du concile œcuménique qu’ait remplie le premier concile de Constantinople est donc la confirmation par le Pape ; d’où il suit que cette confirmation suffit à faire d’un concile particulier un concile œcuménique. Oseraiton nier après cela que la principale condition du Concile général ne soit dans l’approbation apostolique, qui seule donne valeur à tout le reste et peut à ce point suppléer à ce qui manque ?

    Le second concile compté parmi les œcuméniques, bien qu’il n’ait pas rempli les conditions requises pour ces solennelles assemblées, est le cinquième général, deuxième de Constantinople, tenu sous le pape Vigile. Il fut convoqué par l’empereur Justinien qui en attendait la confirmation de l’édit de condamnation qu’il avait porté luimême contre les Trois Chapitres. Chacun sait que l’on désignait sous ce nom certains écrits de Théodore de Mopsueste, de Théodoret et d’lbas, entachés de nestorianisme. Le théologique empereur avait fait venir de Rome à Constantinople le pape Vigile, afin d’obtenir de lui l’adhésion à son édit et le sceau de l’autorité apostolique. Le pontife crut devoir lancer une condamnation contre ces écrits véritablement dignes de censure ; mais la crainte, mal fondée d’ailleurs, que cette condamnation ne préjudiciât à l’autorité du, concile de Chalcédoine, amena des réclamations contre l’ordonnance apostolique en Italie, en France, en Illyrie, en Espagne et en Afrique. Cette opposition donna à réfléchir à Vigile. La foi n’était pas en péril, puisque ceux que son décret avait inquiétés reconnaissaient la personne unique et les deux natures en JésusChrist. Il s’agissait donc uniquement de la flétrissure imprimée à trois auteurs qui avaient abondé dans le sens de l’hérésie condamnée par le concile d’Éphèse.

    Cependant Justinien qui s’était permis de rendre un second édit contre les trois Chapitres désirait ardemment obtenir jusqu’à la fin le concours de Vigile. Celuici craignant de troubler l’Église par une mesure dont on pouvait à la rigueur se passer, se montrait peu dispos, à abonder dans le sens de l’empereur. Désirant rassurer les esprits et calmer les agitations qui s’étaient élevées dans l’Occident, il avait demandé à Justinien de lui laisser tenir en Sicile un concile auquel les latins pourraient se rendre plus aisément. Sur le refus de l’empereur, il s’était rabattu à demander simplement qu’on lui laissât du moins réunir à Constantinople un nombre d’évêques occidentaux égal à celui des prélats grecs que Justinien avait rassemblés. Ces derniers, d’accord avec l’empereur, n’en furent pas d’avis, et le Concile s’ouvrit avec cent soixante évêques. Vigile n’y parut pas, et Eutychius, évêque de Constantinople, présida. Ce fut alors que Vigile retiré à part donna sou décret appelé Constitutum, par lequel il défendait expressément de rien décider au sujet des trois Chapitres. L’assemblée n’en continua pas moins ses séances, et finit par condamner de la manière la plus expresse et la plus dure les écrits de Théodore, de Théodoret et d’Ibas, après quoi elle se sépara. Justinien irrité de la résistance de Vigile, l’envoya en exil ainsi que les quelques évêques qui avaient adhéré à son Constitutum, et il poussa l’audace jusqu’à faire effacer des diptyques le nom du Pontife.

    Quelques mois après la clôture du concile, Vigile ayant réfléchi sur la confusion que sa variation de conduite pouvait amener dans l’Église, considérant due les écrits condamnés étaient mauvais, et se sentant plus éclairé sur la question de l’opportunité, rendit loyalement un décret de condamnation contre les trois Chapitres et confirma le décret du concile. Ce fut ainsi que cette assemblée qui n’avait rien eu d’œcuménique, ni la convocation, ni la présidence par le pape, ni probablement la liberté, étant sous la puissance de Justinien, obtint par l’assentiment du Pontife romain l’œcuménicité pour le décret qu’elle avait porté. Beaucoup d’Églises de l’Occident, craignant, quoique à tort, qu’il n’en résultât une attente indirecte au Concile de Calcédoine, résistèrent quelque temps ; mais bientôt le malentendu ayant cessé, elles finirent par se rendre, et le Concile de Constantinople fut accepté comme le cinquième général, malgré son défaut de canonicité, mais grâce à la confirmation du SaintSiège.

    Mgr de Sura dans tout le cours de ses deux volumes ne cesse d’alléguer le cinquième Concile comme un argument invincible en faveur de son système. De ce que Vigile a fini par accéder très librement à la mesure qu’avait prise le concile, il conclut que celuici a eu la haute main sur le pape, et l’a amené à son sentiment. C’est trop oublier que ce concile d’abord n’était qu’une assemblée d’évêques qui ne représentait pas l’Église universelle ; en second lieu que la définition de la foi n’y était nullement en question, puisque pape et évêques n’avaient qu’une même doctrine, celle des conciles d’Éphèse et de Calcédoine ; qu’il s’agissait simplement de savoir s’il était opportun de censurer certains livres infectés d’une erreur déjà condamnée : que les évêques se gardèrent de toute attaque et de toute procédure contre le Pontife qui refusait de les suivre, et qui n’accepta aucune présidence sur eux dans le cours de leur réunion ; enfin que le concile était déjà dissous, lorsque Vigile, agissant dans l’indépendance de son autorité, mais cédant aux anxiétés de sa conscience, révoqua le décret de suspension qu’il avait rendu pendant le concile, pour rentrer dans l’esprit de celui qu’il avait donné d’abord.

    On se demande comment ces faits peuvent venir en aide à l’utopie gallicane, et comment Mgr de Sura a pu voir un Concile œcuménique dans l’assemblée d’évêques grecs, présidée par Eutychius de Constantinople. A son avis, cependant, la principale force de son livre réside dans cet incident, dont, ce me semble, il n’a pas considéré suffisamment la véritable portée. Oui, lui diraije, le cinquième Concile est œcuménique, mais il ne l’a pas été durant sa tenue. Comme le second Concile, il ne l’est devenu que par la volonté du Siège apostolique.

    Mgr de Sura ne paraît pas avoir saisi non plus le sens de saint Grégoire le Grand, lorsque ce Pontife écrit au Patriarche de Constantinople, qu’il reçoit et vénère les quatre conciles de Nicée, Constantinople, Éplnèse et Calcédoine à l’égal des quatre Évangiles, ce qu’il professe un semblable respect pour le deuxième de Constantinople. Le mot Concile employé ie’n par le saint Pape, ne se rapporte pas à la discipline conciliaire, comme le pense Mgr de Sura. Les questions agitées dans son livre n’avaient pas encore été soulevées, et ne devaient pas l’être de longtemps. C’est de la foi proclamée et définie dans nés vénérables assemblées, de leurs symboles et décrets doctrinaux que parle saint Grégoire, et c’est pour cela qu’il les rapproche des Évangiles, dont ces Conciles ont élucidé la doctrine, en statuant la foi que tout chrétien doit professer sur la consubstantialité du Fils avec le Père et du SaintEsprit avec le Père et le Fils, sur l’unité de Personne et la dualité de Natures en JésusChrist. Aussi le saint Docteur terminetil cette confession de foi par ces paroles : « Quiconque pense autrement, qu’il soit anathème ! Quiconque tient la foi des susdits Conciles, la paix soit sur lui 1  ! » Il ne faut donc pas chercher dans ce texte du saint Docteur la ,confirmation d’une théorie quelconque des conciles, et d’autant moins que sur les cinq Conciles allégués, deux n’avaient dû leur œcuménicité qu’à l’autorité du SaintSiège.

    Une autre idée de Mgr de Sura, à propos du Concile œcuménique, me semble demander quelque attention à cause de sa nouveauté. Le prélat enseigne que la sainteté et l’infaillibilité sont essentiellement unies dans celui ont ceux dont l’enseignement serait infaillible, en sorte que la seconde supposerait toujours la première. il conclut de ce principe que le Pape n’étant pas nécessairement saint, ainsi qu’il le montre par l’histoire avec un luxe exagéré, ne peut jouir du privilège de l’infaillibilité dans l’enseignement de la foi.

    Le Concile, au contraire, est assuré de cette infaillibilité, attendu « qu’il n’y a pas de doute qu’un concile général qui représente l’Église universelle, ne renferme aussi des saints ; et ce n’est pas un vain titre que celui de saint et de sacré, que l’on donne toujours à ces assemblées 2 . »

    Je ne m’arrêterai pas à relever ce que cette doctrine pourrait avoir de commun avec certaines propositions réprouvées par l’Église, et dans lesquelles on soutenait que la présence du .péché dans les âmes enlevait toute efficacité au caractère sacerdotal, toute autorité au magistrat, tout droit de propriété à l’individu ; je me bornerai à faire remarquer que cette doctrine a pour conséquence directe la noninfaillibilité du Concile œcuménique, si par hasard il ne possédait pas de saints parmi ses membres. Combien doitil en posséder ? Un seul suffitil, ou en fautil plusieurs Par quel moyen s’assurer de la présence de cet élément, sans lequel l’infaillibilité des décrets de foi portés par le concile périclite tout aussitôt ?

    Il est de fait et de droit que l’Église catholique possède des saints dans l’ensemble de ses fidèles, et c’est là une des applications de sa note de Sainteté ; mais pour s’assurer juridiquement qu’un tel est saint, il faut préalablement attendre sa mort et instruire le double procès de l’héroïcité de ses vertus et de la vérité des miracles opérés par son intercession. Ceci nous entraîne un peu loin. Nous avons bien la grande épreuve de la vallée de Josaphat ; mais on ne peut attendre jusquelà pour connaître si les décrets d’un concile ont été ou n’ont pas été infaillibles. Admettons, à n’en pas douter, et assurément il en a dû être ainsi, que tel ou tel concile ont possédé des saints : qui nous répondra que ces saints, dans les délibérations du Concile, ont toujours figuré dans la majorité, qu’ils ne se, sont point trouvés parfois dans la minorité ? Assurément, au Concile de Nicée, saint Athanase et plusieurs autres saints évêques qui sont sur les autels, comptaient avec honneur dans les trois cent dix huit Pères ; on sait assez que ce n’est pas dans la minorité des dix sept Ariens qu’il les faut aller chercher. Mais où nous entraînerait cette nouvelle théorie, lorsque nous sommes en présence de ces autres Conciles, non moins vénérés jusqu’ici, et dont nous ne trouvons pas un seul des membres au catalogue des Saints ? Non, le Concile œcuménique n’a pas besoin de ce genre de contrôle ; et sans qu’il soit nécessaire de scruter la sainteté de ses membres, il ‘a droit d’être appelé saint et sacré, à cause de sa mission divine et de l’auguste caractère de son chef et de ses membres, à cause de la présence de JésusChrist au milieu de lui, à cause de l’assistance assurée que lui donne l’Esprit Saint. Mais de même, le souverain Pontife a droit d’être appelé le SaintPère, à cause de sa qualité de Vicaire de JésusChrist, de Fondement de l’Église, de Pasteur des brebis comme des agneaux, de Docteur universel, enfin de Source de cette puissance spirituelle qui enfante les saints dans toute l’Église par l’enseignement de la foi et par la dispensation légitime des sacrements.

    Mais c’est pour anéantir, s’il le pouvait, l’infaillibilité personnelle du Pape que Mgr de Sura s’est jeté dans un si étonnant système. Il ne conçoit pas, nous ditil, comment, sans un miracle, un homme qui n’est pas saint pourrait être infaillible ; mais pensetil donc qu’une assemblée de quelques centaines d’hommes auxquels il permet de n’être pas tous des saints, le puisse être davantage sans une intervention divine ? Ce que nous savons, c’est que JésusChrist a prié pour Pierre, afin que sa foi ne manque pas, et qu’il lui a donné grâce et force pour confirmer ses frères 3  ; ce que nous savons, c’est que JésusChrist avait en vue dans cette promesse toute la série des successeurs de Pierre qui, non sous le rapport de la sainteté ; mais quant au pouvoir d’enseigner et de régir, ne forment avec lui qu’uns même personne. Cette confiance que nous donne la parole de JésusChrist, la tradition de l’Église et sa pratique la confirment, et, depuis dixhuit siècles, les décisions dogmatiques du Siège apostolique font loi dans toute la chrétienté aussitôt qu’elles y sont connues.

    « Pour rendre un saint pape personnellement infaillible, nous dit Mgr de Sura, Dieu devra faire un grand miracle dont nous n’avons mesuré l’étendue. Pour rendre un pape pécheur personnellement l’infaillibilité il devra faire un bien plus grand miracle encore ; puisque ce miracle produira l’infaillibilité au sein du péché ; puisque ce miracle séparera la sainteté de l’infaillibilité, c’estàdire amènera un effet sans le concours d’une cause qui semble naturelle à son évolution 4 . » Il suivrait de là que parce que l’on est saint, on est naturellement infaillible. Comment arranger cela avec ce que Mgr de Sura dit quelques lignes plus haut, que « la sainteté, quoiqu’elle paraisse une condition de l’infaillibilité, ne la confère pas par ellemême ; et que un saint n’est pas à l’abri, par sa sainteté seule, d’une foule d’erreurs 5  ? »

    J’avoue que je goûte peu cette théologie qui, à part les contradictions et la nouveauté, veut mettre arbitrairement des limites au pouvoir de Dieu sur la créature. Mgr de Sura sait comme moi que l’inspiration est un don supérieur encore à l’infaillibilité. Atil donc oublié que cette inspiration, Dieu l’imposa à l’indigne prophète Balaam, qui était venu pour maudire Israël, et dont la langue dirigée par l’action divine fit entendre les plus magnifiques oracles sur la destinée de ce peuple, et sur l’Étoile sacrée qui devait sortir de son sein ? Atil donc oublié que Caïphe, l’instigateur principal du déicide, quand il eut revêtu l’éphod, et parce qu’il était Pontife cette annéelà, éprouva l’inspiration divine, et annonça que Jésus allait mourir pour son peuple, et nonseulement pour son peuple, mais afin de réunir en une seule société les enfants de Dieu qui étaient dispersés par le monde 6  ?

    L’Église demande moins que cela. L’inspiration ne lui a pas été promise : son divin fondateur a pensé que l’infaillibilité lui suffirait, et soit Pape, soit Concile, n’ont pas droit à autre chose. Certes, le don est assez magnifique ; mais ni Pape, ni Concile, n’en jouissent qu’au moyen d’une influence divine qui fait que le pape, quoique pécheur, prononcera toujours vrai ex cathedra, et ce qui est plus merveilleux encore, que l’épiscopat, dont chaque membre est faillible, sera toujours infaillible comme corps, et ne se séparera jamais de son chef.

    Telle est la vérité catholique ; cependant la théologie n’appellera pas proprement miracle ce divin résultat qu’on nomme l’infaillibilité, pas plus qu’elle ne donne ce nom à l’effet surnaturel produit parles sacrements. L’infaillibilité dans le Pape et dans le Concile, ainsi que l’effet des sacrements, ont lieu en vertu de l’institution divine ; ni l’un ni l’autre ne peuvent manquer, lorsque les conditions établies par Jésus Christ sont réunies. Le miracle au contraire est la dérogation à un ordre préétabli ; ainsi c’est à tort que la question du miracle et mise ici en avant. Il suffit de reconnaître l’action surnaturelle de Dieu dans ces diverses œuvres, où il opère et opérera dans toute la durée de l’Église, moyennant les conditions que JésusChrist a posées.

    Il y aurait encore beaucoup de choses à relever dans la manière dont Mgr de Sura conçoit le Concile œcuménique ; mais il faut se borner. Toutefois il me semble qu’on ne peut s’empêcher de le trouver au moins imprudent dans la tirade si véhémente qu’il croit devoir se permettre contre. une définition possible de l’infaillibilité personnelle du Pape. « Ce serait, ditil, « bouleverser toute l’institution chrétienne, abolir les droits divins et dixneuf fois séculaires de l’épiscopat, changer la constitution de l’Église et changer aussi la doctrine, renier le catholicisme, amener le triomphe de tous les ennemis du christianisme, ce qui nous ensevelirait sous notre honte 7 . »

    Franchement, Mgr de Sura oublie trop que le Concile n’est pas réuni encore. Lorsque le Concile sera ouvert, il y pourra tenir ce langage, si on le lui permet. Mais si pourtant la majorité des évêques était d’un sentiment contraire au sien, si la définition qu’il craint tant venait à être portée, n’auraitil pas quelque regret d’avoir ainsi fourni luimême des armes aux ennemis du christianisme ? Dieu seul sait ce qu’il en sera, et l’on peut se reposer sur l’action du. SaintEsprit qui assistera le Concile. Mais n’y atil pas lieu de s’étonner que Mgr de Sura poursuive avec tant de violence une doctrine soutenue par l’immense majorité des docteurs, au vu et au su. de l’Église durant des siècles, sans parler des saints Pères qui l’enseignent dans leurs écrits.

  1. Epist. XXV, lib. I, indict. IX[]
  2. Tome Il, page 254[]
  3. Luc, XXll, 32[]
  4. Ibid., page 254[]
  5. Ibid[]
  6. Joan. Xl, 51, 52.

    _ 57 []

  7. Tome Il, pages 374378[]