De la monarchie pontificale – Neuvième préjugé

NEUVIÈME PRÉJUGÉ CONTRE LE LIVRE DE MONSEIGNEUR DE SURA.

L’auteur n’est pas toujours exact sur les faits historiques.

    Je n’ai nullement l’intention de relever ici tous les endroits du livre de Mgr de Sura, dans lesquels il me semble qu’il a pris le change sur les faits qu’il allègue. Je me bornerai à quelques points, et je commencerai par les passages de son livre où il rend compte de l’institution de la hiérarchie dans l’Évangile.

    Mgr de Sura réunit dans une même série les textes évangéliques dans lesquels JésusChrist assigne à saint Pierre ses prérogatives personnelles, et ceux où il conféra aux apôtres leurs divins pouvoirs. Il ajoute ensuite quelques lignes de saint Paul sur l’Église et ses privilèges sacrés, et il désigne cet ensemble de citations sous le nom assez inconvenant de Charte constitutionnelle de l’Église 1 . Après cet exposé, il engage son lecteur à remarquer « qu’une partie des pouvoirs souverains est étendue aux autres apôtres. » Ailleurs il dit : « Le Sauveur n’a pas révoqué sans doute les privilèges particuliers qu’il avait déjà accordés à Pierre seul ; mais quand il a étendu aux apôtres réunis les pouvoirs souverains, les promesses souveraines, il a déclaré d’une manière bien évidente son intention de fonder un corps souverain sous un chef unique 2 .» Et ailleurs encore : « Si le Seigneur avait voulu donner à Pierre une souveraineté absolue et indivisible, auraitil étendu une partie des pouvoirs souverains aux autres apôtres ? auraitil donné aux autres apôtres réunis avec Pierre, et sous sa primauté, les pouvoirs qu’il avait accordés à Pierre ? se seraitil servi, dans ces concessions, des mêmes paroles qu’il avait adressées à Pierre 3 ».

    En présence des faits évangéliques, ces assertions, malgré les précautions du langage, ne se soutiennent pas. JésusChrist n’a pas conféré aux apôtres les pouvoirs souverains qui constituent la monarchie de saint Pierre. Il n’a point dit aux apôtres : « Vous êtes Pierres, et sur ces pierres je bâtirai mon Église » Il ne leur a point dit’ : « J’ai prié pour vous tous, afin que votre foi à tous ne défaille pas. » Il ne leur a pas dit : « Tous vous confirmerez vos frères. » Il ne leur a pas dit : « Tous paissez mes agneaux et mes brebis. » Ce serait alors qu’en effet le Sauveur eût fait part aux apôtres des dons qu’il avait conférés à Pierre, dans le but d’établir son Église sur l’unité ; mais dans ce cas il eût eu autant d’Églises qu’il avait d’apôtres.

    Il faut donc reconnaître que la souveraineté donnée à saint Pierre par les paroles auxquelles je viens de faire allusion, n’a été communiquée, ni en tout, ni en partie aux apôtres ; mais je conviendrai volontiers avec Mgr de Sura que JésusChrist qui a dit à saint Pierre

    « Tout ce que tu lieras et délieras sur la terre sera lié et délié au ciel, » a dit aussi à ses apôtres : « Tout ce que vous lierez et délierez sur la terre sera lié et délié au ciel. » Et il en devait être ainsi ; mais il n’est pas question ici de la monarchie. Les âmes qui devaient être liées ou déliées étaient répandues par le monde entier : elles ne pouvaient toutes recourir à Pierre. Il fallait donc que ce divin pouvoir de lier et de délier reposâten d’autres mains encore que les siennes. La souveraineté, au contraire, qui consiste pour Pierre à être le fondement unique, à confirmer ses frères, à paître tout le troupeau, cette souveraineté qui était le moyen de I’unité, ne pouvait être communiquée à d’autres, et ne le fut pas en effet, ni en tout ni en partie.

    En vain, Mgr de Sura veut voir dans ces paroles adressées à tous les apôtres (Pierre étant avec eux) :

    « Allez, enseignez toutes les nations ; je suis avec vous jusqu’à la fin des siècles, » une extension de la souveraineté de Pierre faite à ses frères les apôtres. Il n’est pas question ici de souveraineté ; c’est la mission qui est donnée à tous de porter la parole dans le monde entier. Le Seigneur envoie qui il veut, de même qu’il a fait chef de ses envoyés qui il lui a plu.

    Mgr de Sura remarque avec raison que l’unité collective de Pierre et des .autres apôtres forme l’Église ; .personne, ne le lui contestera. Nous ne lisons pas dans l’Évangile que Pierre soit l’Église ; mais nous y lisons les textes qui nous enseignent que Pierre est le Chef de l’Église : rien de plus aisé à comprendre.

    Je regrette que le respectable auteur, pour soutenir sa thèse, ait cru devoir emprunter un argument qu’on avait jusqu’à présent laissé aux protestants, lorsqu’ils veulent attaquer la primauté de saint Pierre. Pour enlever à cet apôtre la qualité de fondement unique de l’Église, ils allèguent le passage de l’Épître aux Éphésiens où saint Paul dit aux fidèles « qu’ils sont surédifiés sur le fondement des Apôtres. »Mgr de Sura a recours à ce même texte pour établir que la souveraineté de Pierre a été étendue à ses frères. Il y a donc lieu de faire la même réponse, et elle est bien simple. Saint Paul parle aux Éphésiens, non de la constitution de l’Église, mais de l’adoption divine, à, laquelle nous arrivons par la foi qui repose sur l’enseignement que nous ont donné les apôtres. Il suffit de lire jusqu’au bout : « Vous êtes surédifiés sur le fondement des Apôtres et des Prophètes. » En effet, les apôtres, dans leur enseignement, prenaient à tâche de montrer l’unité entre la doctrine des prophètes et la leur. A moins donc que Mgr de Sura ne veuille placer les prophètes parmi ceux qui ont reçu aussi une extension de la ;souveraineté de Pierre, je lui conseillerai de ne plus rapprocher le passage de saint Matthieu da celui de l’Épître aux Éphésiens. Parce que Notre Seigneur a donné à Simon le titre et la qualité de Pierre, on ne peut pourtant interdire ni à saint Paul ni à personne la liberté de se servir du mot fondement, même lorsqu’il s’agit de toute autre chose que de la constitution de l’Église.

    Certes, les Apôtres sont une admirable création dans l’économie de l’Église, et par suite l’Épiscopat qui tient la place du Collège apostolique ; mais pour glorifier le Collège apostolique et l’Épiscopat, il n’est pas nécessaire de les confondre avec Pierre qui est à part. De même fautil encore distinguer le Collège apostolique de l’Épiscopat sous plusieurs rapports essentiels. Les apôtres reçurent de JésusChrist la mission d’enseigner toutes les nations : le Pontife romain a seul aujourd’hui ce pouvoir. Tout autre évêque ne jouit que d’une juridiction circonscrite dans les limites du diocèse. Les apôtres reçurent au jour de la Pentecôte le don personnel de l’inspiration et l’infaillibilité dans l’enseignement : aujourd’hui, nul évêque ne possède l’infaillibilité, mais le corps de l’épiscopat uni au Pontife romain est infaillible dans la foi. Les apôtres étaient inspirés ; le Pontife romain ne possède pas l’inspiration, mais quand il enseigne l’Église, son enseignement est divinement garanti de toute erreur.

    Mgr de Sura ne se borne pas à prétendre vainement que la souveraineté de Pierre a été étendue à ses frères ; il poursuit ce Prince des apôtres, en cherchant à montrer que la prière du Sauveur n’a pas été efficace pour lui. Elle devait le protéger dans sa foi, et nonobstant cette prière divine, Pierre n’en a pas moins fait une chute profonde en reniant son Maître. Mgr de Sura part de là pour infirmer le droit que Pierre a reçu de confirmer ses frères 4 . La réponse n’est pas difficile à donner. L’office de Pierre ne devait commencer qu’après le départ du Sauveur. Le Vicaire n’est pas nécessaire, lorsque celui qu’il doit représenter est. présent encore. Ainsi Notre Seigneur parle d’abord au futur, comme il a fait pour l’Eucharistie : « Le pain que je donnerai, est ma chair pour la vie du , monde ; puis à la dernière Cène : « Prenez et mangez : ceci est mon corps. » Il dit donc à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; » elle n’était donc pas bâtie encore. « Je te donnerai les, clefs du royaume des cieux ; » il ne les lui donne donc pas encore. « Lorsque tu seras converti, confirme tes frères ;», ce privilège ne devait donc s’exercer qu’à une époque postérieure à la chute et à la conversion de Pierre. Le don merveilleux. de cette foi qui ne doit jamais manquer, était donc. réservé pour le temps où la parole du Verbe incarné cesserait de se faire entendre d’une manière sensible. Aussi estce seulement après sa résurrection, que le Sauveur, ayant par une triple interrogation constaté devant les apôtres la conversion de Pierre, le met enfin en possession du pouvoir promis,, en lui disant, non point au futur mais au présent : « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » Le Pontificat suprême va commencer ; jusquelà il n’a encore existé qu’en promesse. Mgr de Sura n’a donc pas raison de voir la chute du Pontife dans la chute de Pierre avant la passion de son Maître.

    Il n’est, pas plus d’accord avec la vérité historique dans la manière dont. il parle de l’assemblée des Apôtres qui se réunirent à Jérusalem avec les prêtres, de cette élise, pour décider la question des observances mosaïques. A entendre Mgr de Sura, il semble que le Collège apostolique s’y trouvait rassemblé tout entier, et il est de fait qu’il n’y avait que saint Pierre, saint Jacques et saint Paul, puisque saint Barnabé n’est qu’improprement appelé apôtre. On y voyait en outre les prêtres de Jérusalem, et ils figurent collectivement avec les apôtres sur la lettre qui décide la question. Mgr de Sura veutil aussi admettre que nonseulement les évêques, mais aussi les membres du second ordre, ont été admis en participation de la souveraineté donnée à saint Pierre ? Il triomphe de ce que saint Pierre ayant déclare ; son avis, saint Jacques dit ensuite le sien, comme si la question n’était pas terminée 5 . Mais pourquoi saint Jacques, qui était infaillible dans la doctrine tout aussi bien que saint Pierre, n’eûtil pas jugé à son tour, lorsque nous voyons dans Ie Concile les évêques qui ne sont pas individuellement infaillibles, accomplir un même acte indivisible d’infaillibilité, en jugeant simultanément avec le Pape qui les confirme ? On ne voit pas quel avantage le système gallican peut retirer du fait rapporté dans les Actes des Apôtres. Le concile de Jérusalem diffère essentiellement des conciles œcuméniques. Le Collège apostolique ne fut pas convoqué, trois apôtres seulement se trouvèrent réunis accidentellement, les apôtres étaient tous infaillibles, . la décision fut rendue au nom des apôtres et au nom des prêtres. Il faut donc voir .dans ce précieux épisode de l’histoire apostolique un fait de haute gravité par la question qui y fut soutenue et décidée, par les termes si importants du décret, et reconnaître l’action du SaintEsprit sur l’assemblée de Jérusalem ; mais il serait impossible d’en faire sortir la théorie complète du Concile œcuménique.

    Saint Irénée, au troisième livre adverses Haereses, enseigne avec l’autorité d’un docteur qui témoigne de la tradition primitive, « que toute église, c’estàdire les fidèles en tous lieux, doivent se tenir réunis à l’Église romaine à cause de son excellente principauté ; à cette Église en laquelle les fidèles qui sont « partout ont constamment gardé la tradition qui vient des apôtres : Ad hanc enim Ecclesiam propler poliorem principalitatem, necesse est omnem convenire Ecclesiam, hoc est cos qui suni undique fideles : IN QUA semper ab his qui sunl undique, conserrata est ea qui est ab apostolis iraditio. Voici la traduction de ce texte par Mgr de Sura : « Il est nécessaire que toute église se réunisse à cellelà (l’Église romaine), à cause de sa principale puissance ; c’estàdire que de tous les côtés les fidèles reçoivent la tradition venue et conservée depuis les apôtres 6 . » Ainsi saint. Irénée nous enseigne que les fidèles du monde entier sont tenus de garder la tradition de la foi qui vient des apôtres en adhérant à l’Église romaine, et que c’est par cette adhésion. à l’Église honorée de la Principauté qu’ils gardent en tous lieux la doctrine enseignée par les apôtres ; et Mgr de Sura fait disparaître le sens de la seconde partie du passage, en y substituant des mots qui ne sont pas fondés sur le texte, mais qu’il destine à effacer le pronom in qua qui désigne l’Église romaine ; pour nous dire : « De tous les côtés les fidèles reçoivent la tradition venue et conservée depuis les apôtres. » Ce texte a toujours beaucoup incommodé les gallicans ; mais ce n’était pas une raison suffisante pour lui faire dire tout autre chose que ce qu’il exprime.

    Saint Irénée nous mène tout naturellement aux quartodécimans, en faveur desquels il s’intéressa auprès du pape saint Victor. Mgr de Sura prétend que, malgré la condamnation du Siège apostolique, l’erreur de ces sectaires ne fut reconnue pour hérétique qu’après le concile de Nicée qui la proscrivit 7 . Les documents de cette époque sont rares ; mais ce serait une raison de plus pour prendre acte de ceux que la science découvre de nos jours. Mgr de Sura n’est pas sans avoir connaissance du célèbre manuscrit des Philosophumena apporté du Mont Athos par M. Mynoïde Mynas, et publié par M. Miller, à Oxford, en 1851. S’il veut prendre la peine de le consulter, il y verra qu’au temps de l’auteur de cet écrit, c’estàdire dans la première moitié du Ille siècle, les quartodécimans étaient comptés entre les hérétiques., L’auteur, dans la notice qu’il leur consacre, les place entre Hermogène et Montan.

    L’année suivante (1852), Dom Pitra publiait l’opuscule d’un anonyme du Ille siècle, intitulé : De Solemnitatibus, Sabbalis et Neoniemis, dans lequel l’auteur enseigne que l’Épouse élue et aimée du Christ, l’Église universelle, anathématise ceux qui célèbrent la fête de Pâques le XlV de la lune avec les Juifs, et qu’en,. cela elle garde le Décret Auctoritatem) du Siége apostolique 8 . »

    La cause était donc finie, et finie par l’autorité du Siège apostolique. Que le concile de Nicée ait jugé à propos de les anathématiser encore, rien de plus légitime ; ne futil pas réuni pour anathématiser solennellement les ennemis de la divinité du Verbe, et la divinité du Verbe n’étaitelle pas déjà le premier article de la foi du chrétien, avant qu’il fût question de convoquer le concile de Nicée ?

    Mgr de Sura se trouvant gêné par la célèbre parole de saint Augustin, lorsque le saint Docteur dit que la cause était finie, après l’approbation des deux Conciles de Carthage et de Milève par le pape saint Innocent Ier, a recours à un moyen facile, mais peu sûr, de se débarrasser de ce formidable argument en faveur de l’infaillibilité papale. Il s’avance jusqu’à dire : « La cause était finie, parce qu’il y avait accord de toutes les églises adhérant aux sentences portées par divers conciles et confirmées par le SaintSiège 9 . » Il suffit de peser les termes dont se sert saint Augustin pour voir avec évidence que sa pensée, comme son expression, n’a en vue que les deux conciles d’Afrique et la décrétale confirmatoire de saint Innocent. Mgr de Sura veutil une contre épreuve ? Nous sommes en mesure de la lui fournir. Saint Augustin, dans toute la controverse contre les Pélagiens, ne cesse de s’appuyer sur la décision romaine comme ayant été la solution tout entière. Répondant à Julien qui lui reprochait de n’alléguer que des autorités puisées dans l’Église latine, il s’exprime ainsi : « Tu te crois en droit de les mépriser, parce qu’ils sont tous de l’Église d’Occident, et que nous n’avons allégué aucun évêque de l’Orient. Qu’y faire ? Eux sont Grecs, et nous sommes Latins. Il me semble que cette partie du monde devrait te suffire, dans laquelle le Seigneur a voulu couronner d’un très glorieux martyre le premier de ses Apôtres. Que n’écoutaistu le bienheureux Innocent qui préside à cette Église ? Tu aurais alors arraché du filet des Pélagiens ta jeunesse si exposée au péril. Que pouvait répondre cette homme saint aux conciles d’Afrique, sinon la doctrine que de toute antiquité le Siège apostolique, l’Église romaine, professe sans interruption avec les autres églises 10  ?

    Il est triste d’avoir à défendre contre un évêque le sens de ces belles paroles de saint Augustin tant de fois alléguées aux hérétiques condamnés par le Saint Siége. Que Mgr de Sura consulte les Mandements des évêques de France contre les opposants à la Bulle Unigenitus. Il y verra avec quelle insistance ils pressent contre ces hérétiques l’argument que fournit le texte de saint Augustin : Causa finita est. Le lecteur est donc à même de reconnaître, par le passage contre Julien, que c’était bien la sentence du Pape, et du Pape seul, que l’évêque d’Hippone alléguait comme un jugement irréfragable dans la question. On a vu plus haut le langage de saint Innocent luimême, lorsqu’il répondait aux Pères de Milève, et les avertissait que la sentence qu’il allait porter ferait loi dans toutes les églises. Les deux conciles, selon la supputation de Tillemont, se tinrent en juin 416 ; la lettre confirmatoire de saint innocent est datée du mois de janvier 417 ; et les paroles de saint Augustin annoncent la récente arrivée de cette réponse qui finit tout. Pas un mot dans toute cette affaire qui montre que le saint Docteur se préoccupât du consentement de l’épiscopat du monde entier, qui ne pouvait sitôt avoir connaissance du jugement apostolique. Tout son appui est dans l’Église romaine, dont le Pape ne peut manquer d’exprimer, dans ses sentences, le doctrine immuable, qui est infailliblement celle de toutes les autres églises.

    Les évêques français au XVIIIe siècle, répondant aux jansénistes qui s’efforçaient, par l’argument de Mgr de Sura, d’éluder la portée du mot de saint Augustin directement applicable à !a Bulle Unigenitus, développent dans leurs Mandements les considérations que j’allègue ici en passant. On peut voir les pages éloquentes de ces prélats réunies et publiées dans un recueil spécial par les catholiques à cette époque orageuse, et spécialement les Mandements de Messieurs de Mailly, archevêque de Reims, de Tencin, archevêque d’Embrun, de Saint Albin, archevêque de Cambrai, Languet, archevêque de Sens, de Belzunce, évêque de Marseille, de Fleury, alors évêque de Fréjus, etc. Je me contente de citer Fénelon qui figure avec honneur dans cette précieuse collection : « Saint Augustin, ditil, tranche en deux mots par pure autorité les plaintes des pélagiens. On a envoyé, ditil, au Siège apostolique . les actes des deux conciles d’Afrique sur cette cause. Il est venu des rescrits de Rome : la cause est finie. Rien n’est plus clair, mes très chers frères ; loin de u nous toutes les vaines subtilités. Avant les rescrits qui vinrent de Rome, les deux conciles d’Afrique ne finissaient point la cause ; mais elle fut finie dès le. moment que les rescrits de Rome furent venus. Dès ce moment, le jugement devient infaillible, final, suprême, irrévocable. Voilà une date précise : la cause ne fut finie ni plus tôt ni plus tard 11 »

    Mgr de Sura est amené par son sujet à s’occuper du formulaire de foi qui fut souscrit par tous les évêques de l’Orient, au temps da saint Hormisdas. Nous reviendrons sur ce document qui est un des titres les plus imposants de l’infaillibilité du Siège apostolique ; mais il m’est impossible de ne pas réclamer, avec la Revue catholique de Louvain 12 , contre la manière dont Mgr de Sura a traduit l’un des passages les plus importants de ce formulaire de foi. Il y est dit :

    Sequentes in omnibus apostolicam Sedem. Mgr de Sura traduit : fidèles en tout à la foi apostolique. Deux fois il reproduit cette traduction qui fait disparaître le sens capital de la phrase où il s’agit de la foi, non au point de vue de son origine apostolique, mais comme étant enseignée infailliblement par le Siège de Rome 13 . Cette distraction est trop forte pour n’être pas relevée.

    Sur l’affaire des Trois Chapitres, Mgr de Sura n’est pas non plus toujours exact. Ainsi il nous dit sans façon « qu’il n’est pas possible de nier la condamnation du pape Vigile par le cinquième Concile 14 . » Rien cependant n’est plus légitime que de la nier, et je vais prouve : la vérité de mon assertion. D’abord le cinquième Concile n’était pas œcuménique lorsqu’il porta son décret, et il faut que la chose soit bien évidente, puisque Mgr de Sura en convient luimême, quand il dit que « l’adhésion de Vigile aux ,décisions « du cinquième Concile lui acquit une autorité entièrement incontestable 15 , » et que « si Vigile n’avait a pas fini par accepter le cinquième Concile, l’autorité « de ce concile serait restée douteuse 16 . » Prenons acte d’abord de l’aveu que fait ici Mgr de Sura sur la nécessité de la confirmation apostolique pour qu’un concile soit œcuménique ; et examinons les conditions dans lesquelles se trouvait cette assemblée. En premier lieu, elle ne représentait point l’Église universelle. Ce concile de Constantinople, a dit Mgr de Sura luimême, ,« était composé de cent cinquante et un évêques, parmi lesquels il y avait cinq Africains, les «seuls occidentaux qui y assistèrent 17 . Ajoutons que Vigile avait demandé un nombre égal d’évêques latins et un lieu où la liberté du concile fût mieux garantie qu’elle ne pouvait l’être dans la ville impériale, où l’empereur Justinien prétendait tout diriger. J’avoue que je m’étonne un peu de voir Mgr de Sura, si porté pour ce qu’il appelle chez Bossuet le libéralisme ecclésiastique visàvis du Pape, en faire si peu de cas visàvis de l’empereur. On est stupéfait quand on l’entend dire avec un sangfroid imperturbable : « Ces variations de Vigile lui attirèrent un « jugement sévère. Un commissaire impérial lut un « décret de l’empereur qui, pour punir le Pape de son « refus d’assister au concile et de la versatilité de sa conduite dans cette affaire, ordonnait que le nom de Vigile fût ôté des diptyques sacrés. Cet énorme abus de la puissance impériale n’excita pas les réclamations du concile. Mais en laissant exécuter l’ordre césarien, et en abandonnant la personne du Pape, « il déclara qu’il restait toujours uni au Siège apostolique 18 . »

    La lâcheté de ces évêques qui laissent ainsi excommunier un Pape par un empereur (car on sait que le retranchement du nom d’un évêque des diptyques sacrés, était une forme de l’excommunication), n’indigne pas Mgr de Sura. Il trouve tout naturel que le concile étant débarrassé par l’empereur de la personne du Pape, se réfugie dans l’adhésion au Siège. Certes, si jamais le Pontife romain a représenté la liberté dans l’Église, on peut bien dire que ce fut dans cette circonstance, sans parler des autres mauvais traitements que le malheureux pontife eut à subir de la part de la puissance impériale durant son séjour à Constantinople. On ne s’explique pas comment un évêque peut passer sur de telles indignités, ni comment les admirateurs de son livre ont eu le courage de témoigner des craintes sur la liberté du prochain Concile œcuménique, tenu et présidé par Pie IX. Quand on voit Vigile réfugié dans l’église de SaintPierre de Constantinople, entouré de soldats l’épée nue et l’arc bandé, réduit à embrasser les colonnes de l’autel dont il est arraché avec une telle violence que la table se serait écroulée sur lui, si les clercs de l’église ne l’eussent retenue, au milieu des cris du peuple qui voyait en même temps les ministres de l’autel traînés par les cheveux et foulés aux pieds par la soldatesque (et je ne cite ici qu’un trait), on se demande si, à Constantinople, la liberté de l’Église était en grande sûreté. Mais passons.

    J’ajoute que le concile des cent cinquante et un évêques ne fut présidé ni par le Pape en personne, ni par ses légats. Vigile refusa constamment d’y paraître. Ainsi, point de convocation légitime, point de représentation de l’Église universelle, point de présidence par le Pape, influence continuelle de César qui n’épargne pas les voies de fait : voilà ce que la science historique nous révèle sur cette assemblée qui, sans l’adhésion postérieure de Vigile à son décret, serait demeurée au rang des conciles particuliers les moins libres qui se soient tenus. Mgr de Sura, qui a pris la peine de nous donner un tableau éloquent des fautes commises par lés Papes, ne peut trouver mauvais que nous portions la même sincérité dans l’exposé de cet épisode de l’histoire conciliaire.

    Mais enfin le concile atil, comme l’affirme Mgr de Sura, condamné Vigile et son Constitutum ? D’abord il faut bien convenir que ni Vigile ni son Constitutum ne sont nommés dans le décret glu concile. Tout ce que l’on pourrait dire, c’est que le concile dans son décret ne tient aucun compte de ce Constitutum, que Vigile crut devoir abandonner luimême six mois après la conclusion de ce même concile. Or, quelle était la portée du Constitutum de Vigile ? étaitce un décret par lequel ce pape se serait déclaré favorable à, la doctrine des Trois Chapitres, et aurait professé une foi différente de celle qu’enseignait le concile ? non, le Pape et le concile pensaient la même chose. Seulement Vigile, dont le caractère personnel n’est point ici en question et appartient d’ailleurs à l’histoire, après avoir condamné les Trois Chapitres par une première sentence, effrayé du trouble que cette condamnation, par suite d’un malentendu, suscitait dans un grand nombre d’églises en Occident, avait cru devoir imposer silence sur cette matière. Telle est l’intention de son Constitutum.

    Que fit le concile ? A portée de connaître le besoin qu’avaient au contraire les églises orientales d’une sentence doctrinale sur ces trois .écrits remplis d’une mauvaise doctrine, il prit sur lui de les condamner, malgré le refus de concours qu’il éprouvait de la part de Vigile. Quant à la sentence qu’il portait, elle atteignait seulement ceux qui oseraient désormais défendre les Trois Chapitres infectés de l’hérésie nestorienne, et enseigner ou écrire contre la décision du concile. Or, Vigile réprouvait cette doctrine en ellemême, bien qu’il ne jugeât pas opportun de fulminer contre les trois écrits à l’aide desquels on voulait la ressusciter. Il pouvait se faire illusion dans cette question de conduite, dont . il reconnut plus tard la vraie portée ; mais les Pères du concile de Constantinople ne se donnèrent point le ridicule et l’odieux de condamner un Pape et son décret, comme l’affirme si étonnamment Mgr de Sura. Il n’y avait pas lieu à condamnation ; et en eussentils porté une, il est à croire qu’ils se fussent donné au moins la peine de le dire. C’est ainsi que croule l’édifice que Mgr de Sura a bâti à tant de frais ; et il est peutêtre permis de l’en féliciter ; car c’est une règle de la logique, que celui qui prouve trop ne prouve rien. Quel est en effet soir but dans tout son. Livre ? c’est d’établir que le Concile œcuménique est audessus du Pape ; or si le deuxième concile de Constantinople, qui n’a rien eu d’œcuménique que par la confirmation postérieure du Pape, était néanmoins audessus du Pape, il s’ensuivrait que toute assemblée d’évêques est en droit de faire la loi au Vicaire de JésusChrist. Nous faisons bien volontiers à Mgr de Sura l’honneur de croire qu’il repousse une telle conséquence.

    Mais voici maintenant une question de fait assez embarrassante. L’auteur d’un des Trois Chapitres est Ibas, évêque d’Edesse, écrivant au prêtre Maris, et cette lettre est remplie de l’erreur nestorienne. Dans son Constitutum, où il expose très fidèlement la foi de l’Église, Vigile avait voulu sauver de l’anathème cet évêque Ibas, en rappelant que, dans le Concile de. Chalcédoine, on avait reçu sa profession de foi orthodoxe avec le désaveu des erreurs dans lesquelles il était tombé, et on l’avait rétabli sur son siège. Mgr de Sura se donne la liberté d’accuser Vigile d’avoir, dans son Constitutum, approuvé purement et simplement la lettre que l’évêque Ibas avait luimême désavouée. « Au lieu, ditil, de la condamner, Vigile, par une erreur de fait, déclare que cette lettre a été approuvée par le Concile de Chalcédoine, et prenant par ce nouveau jugement la responsabilité de cette lettre, tolérant les expressions et les propositions qu’elle contient et qui furent si sévèrement qualifiées par le Concile, il ordonne et décrète que la prétendue décision des Pères de Chalcédoine touchant ce document demeure en son entier, et reste aussi immuable que les autres définitions du même Concile 19 .

    L’accusation ne saurait être plus grave. Pour l’appuyer, Mgr de Sura se contente de citer ces quelques mots du Constitutum : « Orthodoxa est Ibae episcopi a Patribus pronuntiata dictatio, » donnant à entendre qu’elles signifient d’une manière absolue dans l’intention de Vigile, que la lettre d’Ibas fut déclarée orthodoxe parles Pères. Heureusement, les sources Historiques existent pour tout le monde, et tel n’est pas le sens des paroles de Vigile. Voici donc ce que dit ce Pape : « L’écrit dicté par l’évêque Ibas fut déclaré orthodoxe par les Pères. Quant aux choses injurieuses à Cyrille de bienheureuse mémoire qui étaient dites dans cette « même lettre de l’évêque Ibas, par défaut d’intelligence, les Pères du saint Concile de Chalcédoine, tout « en déclarant l’orthodoxie de la lettre, ne les acceptèrent en aucune façon 20 . » Ceci suffit pour montrer que Vigile, pas plus que le Concile de Chalcédoine, n’approuvait toute la teneur de cette lettre qui renfermait des choses hétérodoxes ; mais que la docilité d’Ibas à se laisser instruire par le Concile, avait porté les Pères à user d’indulgence envers un écrit dont l’auteur désavouait les mauvais sens. Au reste, Vigile, dans son Constitutum, cite au long les discussions relatives à lbas dans le Concile de Chalcédoine, et l’on peut aisément saisir sa pensée qui est sans doute empreinte d’un excès de ménagement, mais n’est pas celle que lui impute Mgr de Sura, qui sans doute a été entraîné par sa préoccupation.

    Les ménagements de Vigile pour Ibas sont partagés jusqu’à un certain point par le concile de Constantinople luimême. Dans son décret de condamnation des Trois Chapitres, il parle avec la plus grande dureté des deux premiers : Si quis defendit impium Theodorum Mopsuestenum etc. Si quis defendit impiaTheodorit conscripta, etc. Arrivé à la lettre d’Ibas, le Concile la condamne aussi comme impie, mais, sans doute par égard pour le Concile de Chalcédoine, il semble éviter de la déclarer authentique comme les deux autres écrits, et s’exprime en ces termes : Si quis de fendit epistolam quam dicitur Ibas ad Marin Persam haereticum scripsisse etc. 21 .

    Vigile se sert des mêmes termes dans sa lettre confirmatif du Concile 22 .

    Personne, au reste, n’a l’intention de donner la conduite de Vigile dans toute cette affaire, comme un modèle de fermeté apostolique. On ne peut nier qu’il n’ait varié, sinon dans sa foi, du moins dans sa conduite. Il faut cependant être juste, pour tout homme, même pour un pape. Vigile jouissaitil à Constantinople d’une liberté suffisante. pour assurer à ses actes l’autorité incontestable de Décrets apostoliques ? Justinien l’avait fait venir à Constantinople de gré ou de force. Cet empereur, entêté de théologie, avait pris l’initiative dans une question qui touchait à la foi ; il se conduisait envers le Pape comme s’il eût été son supérieur dans l’ordre spirituel, et le Concile acquiesçait à ces scandaleuses entreprises. De son côté, Vigile, dépourvu de l’appui de l’épiscopat occidental dont il avait en vain réclamé la présence, accablé de mauvais traitements, tourmenté au souvenir des oppositions qu’avait rencontrées son Judicatum dans plusieurs des provinces de l’Église latine, pouvaitil être regardé comme entièrement libre de ses pensées et de ses actes ? Aton Ie droit de considérer tout ce qu’il put avoir fait sous une telle pression, comme étant revêtu de l’autorité du Pontife romain ?

    C’est une vérité admise de tout le monde, que le Pape et le Concile œcuménique, pour rendre des décrets valables, ont besoin d’être à l’abri de la violence. Or, il est évident que telle n’était pas la situation de Vigile à Constantinople. Il n’est que trop juste d’appliquer à cet infortuné Pontife la clause qui a été insérée dans l’édition officielle du Bullaire de Pie VII, pour expliquer l’omission qu’on a faite, dans ce recueil, de tous les actes de ce Pape, à partir du 30 mai 1809, jusqu’au 4 mai 1814.. Il y est dit que le Pontife, entraîné loin de son Siège et retenu captif, n’a pu exercer aucun pouvoir, ni temporel, ni spirituel, nullam vel temporalem, vel spiritualem emercere poluit jurisdictionem. Le Bref de Savone et le Concordat de Fontainebleau appartiennent, à l’histoire comme le Constitutum de Vigile ; mais on ne peut leur donner une valeur ni théologique ni canonique, à raison des tristes circonstances dans lesquelles ces actes furent produits.

    De tout ceci résulte que Mgr de Sura a fait, au sujet du cinquième Concile, beaucoup plus de bruit qu’il n’était à propos pour le succès de sa thèse. Ce Concile, grâce à Vigile, a son rang parmi les Conciles œcuméniques ; mais on doit reconnaître qu’il n’a rien défini de nouveau. Quarante ans après, saint Grégoire le Grand trouvait encore les restes .de l’opposition que Vigile avait tant redoutée dans l’Occident, et consentait à ce que, dans une occasion délicate, on passât sous le silence le cinquième Concile. La reine des Lombards Théodelinde se disposait à rentrer dans l’Église, par les soins de Constantius, évêque de Milan ; mais cette princesse éprouvait des répugnances au sujet de la condamnation des Trois Chapitres. Saint Grégoire intervient en cette manière dans une lettre à Constantius : Quant à ce que vous m’avez écrit, qu’il ne vous u a pas semblé devoir remettre ma lettre à la reine Théodelinde, parce que le cinquième Concile y était nommé ; si vous pensez qu’elle en soit scandalisée, vous avez bien fait de ne pas remettre cette lettre. C’est pourquoi nous écrivons maintenant de nouveau « dans votre sens, de façon à nommer seulement les quatre Conciles, et à ne faire aucune mention du cinquième 23 . » Cette précaution inspirée par la charité n’empêche cependant pas saint Grégoire de dire à un y autre point de vue dans sa lettre à Jean de Constantinople, que j’ai citée plus haut qu’il vénère le cinquième Concile à l’égal des quatre premiers. Ainsi, nonseulement Vigile, mais saint Grégoire le Grand si longtemps après, croyait pouvoir user de ménagements lorsqu’il s’agissait de la condamnation des Trois Chapitres, et cela parce que, sous le rapport de la doctrine, le cinquième Concile n’avait fait que confirmer, sans décision nouvelle, la foi des Conciles d’Éphèse et de Chalcédoine.

    Je me suis un peu étendu sur la question du cinquième Concile et sur les variations de Vigile, parce que Mgr de Sura paraît compter beaucoup sur cet épisode de l’histoire dogmatique de l’Église pour le succès de son système. De la prétendue chute de Libère, il dit assez peu de chose, bien qu’il partage à ce sujet les préjugés un peu surannés des gallicans. Cette question a fait un grand pas dans la seconde moitié du siècle dernier, grâce aux travaux de la critique. On en peut juger par l’excellent article du P. Stilting sur saint Libère, dans les Acta Sanctorum, au 23 Septembre, sans parler des monographies qui ont été publiées depuis. Il résulte de ces savantes recherches qu’il n’y a pas eu de chute de Libère. Avant que la question eût été éclaircie complètement, le plus grand nombre des critiques s’accordait à reconnaître que Libère ne jouissait pas de sa liberté lorsqu’il eut souscrit la formule de Sirmium, et que cette formule d’ailleurs, bien que le terme de Consubstantiel en fût absent, n’avait rien que de conforme à la foi de l’Église.

    Mgr de Sura devait naturellement chercher à appuyer son système de la faillibilité personnelle du Pontife romain, sur le fait d’Honorius. Il y déploie tout son zèle ; mais il ne saurait faire que la lettre particulière de ce Pape à Sergius, toute répréhensible qu’elle soit’ ait été adressée à l’Église universelle, ni même que les termes qu’elle contient sur le dogme ne soient parfaitement explicables dans un sens orthodoxe. Le sixième Concile, en flétrissant l’acte de ce pontife, donna une leçon solennelle aux pasteurs des âmes qui se laissent influencer par des considérations humaines et personnelles dans les questions de la foi ; mais on n’a pas pour cela le droit de placer Honorius parmi les hérétiques. Ce concile, qui n’est complet qu’avec la lettre confirmatif de saint Léon Il, l’inscrivit seulement parmi ceux qui, tout en demeurant orthodoxes dans leur pensée et dans leurs écrits, ont le tort d’exposer la sûreté de la foi par leur silence, lorsque leur devoir est de la proclamer et de la défendre, Le SaintSiège adhéra avec la précision romaine à cette sévère sentence ; mais il était si évident qu’Honorius n’avait pas enseigné l’Église dans cette lettre particulière, où il cherchait même à écarter toute idée d’une définition comme intempestive, qu’il a. fallu être au temps de la controverse gallicane, pour qu’un argument tel quel ait surgi de là contre l’infaillibilité du Pontife romain.

    Les Papes ont pris acte de la condamnation d’Honorius, sans pour cela renoncer le moins du monde à la prérogative que JésusChrist leur a conférée en saint Pierre d’enseigner avec infaillibilité l’Église universelle. Il y a mieux : durant plusieurs siècles, ils ne montaient sur la chaire apostolique qu’après avoir prononcé un anathème dans lequel se trouvait compris le nom de leur prédécesseur, Honorius ! Mais là, Mgr de Sura se permet une liberté qu’il n’est pas possible de lui concéder. Il nous dit que les Papes d’alors « signaient. une profession de foi où ils condamnaient expressément Honorius avec tous les autres hérétiques 24 . » On ne saurait dire plus formellement que ces Papes mettaient Honorius sur la liste des hérétiques ; grammaticalement, le terme qu’emploie Mgr de Sura n’a pas d’autre sens. Consultons donc la formule du serment en question. Or, voici ce qu’on y lit : « Auctores vero novi haeretici dogmatis, Sergium, Pyrrhum ., una cum Honorio qui pravis eorum assertionibus fomentum impendit ., simili etiam nos condemnatione percellimus anathematis
25 . » On le voit avec évidence :

    Sergius, Pyrrhus et les autres hérétiques sont anathématisés ensemble ; Honorius n’est pas compris parmi eux. L’anathème lui est infligé pour avoir seulement donné lieu par ses coupables ménagements au développement de .leurs opinions impies. Il n’y a qu’une très forte distraction qui puisse expliquer comment Mgr de Sura a voulu réunir ce que la formule du serment distingue si expressément, et faire Mettre ainsi par le Siége apostolique Honorius au nombre des hérétiques.

    . De même je me permettrai de réclamer contre une autre traduction de Mgr de Sura. Il s’agit du décret du deuxième Concile de Lyon sur l’autorité du Siège de Rome, et de son Pontife. Le Concile enseigne que s’il s’élève des questions au sujet de la foi, elles doivent être décidées par son jugement : Si quae « de fide subortae fuerint quaetiones, suo debent judicio definiri. » Pourquoi Mgr de Sura traduitil : « C’est surtout par son jugement que doivent être décidées les questions qui intéressent la foi ? » Ce mot restrictif surtout lui appartient en propre ; il .n’est pas dans le texte. De même encore, lorsque le Concile de Lyon définit l’autorité du Siège apostolique en ces termes : Summum et plenum primatum et principatum super universam Ecclesiam, Mgr de Sura en conclut que chaque Église et chaque évêque sont subordonnés au « Pape 26 » Cette interprétation n’est pas plus exacte. C’est l’Eglise universelle, et non chaque Église et chaque évêque, qui est subordonnée au Pape. Je comprends que cette définition gêne un peu le système ; mais comme il s’agit ici d’un décret de foi, il faudrait éviter de telles libertés de traduction qui faussent le sens.

    Mgr de Sura cherche à tirer avantage contre l’autorité doctrinale du Pontife romain de ce que la Bulle de Nicolas Ill, Exiit qui seminat, sur la pauvreté de JésusChrist et des apôtres, eut besoin d’être interprétée et éclaircie par une décrétale de Jean XXIl. Quoi d’étonnant que les documents publiés successivement dans l’Église pour l’exposition de la doctrine, soient complétés l’un par l’autre ? L’essentiel est qu’il n’y ait jamais contradiction. Nonseulement Bellarmin a démontré qu’il n’y avait pas opposition entre ces diverses Bulles ; mais Noël Alexandre, dont l’autorité ne saurait être suspecte à Mgr de Sura, soutient doctement la même thèse.

    C’est avec aussi peu de fondement que notre auteur met en avant les Bulles Unam sanctam et Clericis laicos données par Boniface VIll, prétendant qu’elles ont été expliquées ou révoquées par son successeur Clément V. S’il né s’agit que d’explication, je ne vois pas quelle atteinte en résulterait pour une Bulle doctrinale. N’expliqueton pas tous les jours l’Écriture et les Symboles de la foi ? En effet, Clément V, par le chapitre Meruit insère dans le Sexte, déclare que la France et son roi ne sont pas plus soumis au Saint Siége qu’ils ne l’étaient avant la publication de la Bulle Unam sanctam, dont le dispositif regarde tous les chrétiens dans tous les temps. Cette interprétation laisse subsister la Bulle, et ne l’ébranle en aucune manière. Quant à la Bulle Clericis laicos, qui n’est qu’une Constitution disciplinaire, Clément V crut devoir la révoquer pour complaire à Philippe le Bel. Il en avait le droit, sauf responsabilité de conscience ; mais ce sont là de pauvres arguments contre l’infaillibilité dogmatique du Pape.

    Il en est de même lorsque Mgr de Sura veut tirer avantage pour la prétendue supériorité du Concile sur le Pape, de ce que le sixième Concile a jugé la personne d’Honorius, et le Concile de Vienne celle de Boniface VIlI. On pourrait d’abord répondre que ces deux Pontifes étaient morts lorsqu’ils auraient été ainsi jugés ; ils n’étaient donc plus Papes. Il n’y avait pas d’antagonisme possible entre eux et le Concile ; nous voilà donc hors la question. Examinant ensuite. Les faits, je dirai que ce fut plutôt la mémoire que la personne d’Honorius qui fut condamnée par le sixième Concile.

    Quant à Boniface VIll, il aurait été absous parle Concile de Vienne comme innocent des calomnies portées contre lui. Mgr de Sura le dit ; mais le fait est que le Concile de Vienne ne s’occupa pas de Boniface VIll. Les Actes de cette assemblée n’en disent pas, un mot. Clément V, à Avignon préalablement au Concile de Vienne, avait consenti à mettre en jugement son illustre prédécesseur, et il avait eu le courage, rare dans sa vie, de prononcer une complète absolution de tous les méfaits que Philippe le Bel et ses suppôts imputaient au héros d’Anagni. Cette fable d’un jugement de Boniface VIII au Concile de Vienne, ne repose que sur le témoignage de Jean Villani qui écrivait ,en Italie, et dont la passion contre les Papes d’Avignon est assez connue. Tous ceux qui ont reproduit cette histoire, y compris Binius auquel Mgr de Sura s’est trop fié, n’ont fait autre chose que répéter l’assertion de Villani, ainsi que le démontrent Antoine Pagi, au tome IV de son Breviarium historicochronologicocriticum Pontificum romanorum, et Catalani, au tome IV de ses Concilia generalia.

    Mgr de Sura appuie naturellement son système sur les décrets du Concile de Constance. Il y revient sans cesse : je n’en dirai qu’un mot, et seulement sur la question de fait, que j’entends traiter uniquement dans le présent chapitre. L’auteur dit donc que si l’infaillibilité est un privilège divin du souverain Pontife, les décrets de la IVe et de la V° session du Concile de Constance appelaient nécessairement une protestation« de la part des souverains Pontifes et de la majorité « des évêques. » Puis il ajoute : Cette protestation « nécessaire s’estelle élevée, s’estelle fait entendre ?

    Qu’on en donne des preuves concluantes 27 . »

    La meilleure de toutes les preuves que l’on puisse donner à Mgr de Sura de l’inanité des décrets de Constance relativement à l’infaillibilité du Pape, est la liberté donnée dans toute l’Église, depuis des siècles, par les souverains Pontifes et les Évêques aux théologiens d’enseigner que ces décrets, s’ils ont valeur, se rapportent uniquement au temps de schisme. Il est clair que si leur autorité était réelle comme celle des décrets du Concile de Trente, par exemple’ cette liberté ne serait pas donnée. Il faut donc retourner contre Mgr de Sura l’axiome de saint Augustin qu’il cite à cet endroit même : Ecclesia quae sunt contra fidem non tacet. Toute l’École, sauf une très faible minorité française, enseigne dans un sens contraire à la validité des décrets de Constance ; l’Église garde le silence ; donc les décrets de Constance n’engagent en rien la foi.

    Je ne suivrai pas Mgr de Sura dans tout ce qu’il dit au sujet du concile de Bâle. On est en droit d’appliquer à cette assemblée la parole du Sauveur : A fructibus eorum cognoscetis eos. Un Pape légitime déposé, un antipape intronisé ; tels sont les fruits de la décennalité conciliaire décrétée à Constance et appliquée à Bâle. Quelques évêques réunis en cette ville, n’ayant jamais pu s’élever jusqu’à vingt, et prétendant faire la loi à l’Église universelle, jusqu’à la décapiter de son chef. Le cœur catholique souffre des humiliations qu’eut à subir Eugène IV ; on plaint les faiblesses auxquelles une situation fausse l’entraîna. Dieu le vengea en bénissant son Concile de Florence, où fut rendu ce magnifique décret formulé en grec et en latin, contre lequel viendront toujours se briser les ennemis de la monarchie de saint Pierre.

    Il y aurait encore beaucoup de faits ou interprétations de faits à relever dans le volumineux mémoire de Mgr de Sura ; mais il faut se borner. Toutefois il n’est pas possible de laisser passer ce qui es, dit au troisième Livre, Chapitre XlV, que le Clergé de France ne fut pas repris par le SaintSiège pour avoir dans l’assemblée de 1705, procédé à l’acceptation de la Bulle Vineam Domini, avec examen et par forme de jugement 28 . Mgr de Sura a pour théologien en cette matière le chancelier d’Aguesseau qu’il cite avec complaisance ; c’est peu pour l’orthodoxie ; car les écrits de l’illustre magistrat sur les matières ecclésiastiques contiennent bien des choses dignes de censure ; mais nous avons à opposer à l’avis très incompétent du laïque docteur, le Bref aussi sévère qu’éloquent par lequel le saint et savant pape Clément XI censura la conduite de ces prélats, et s’éleva avec une vigueur tout apostolique contre une pratique qui pouvait avoir l’agrément du Parlement mais qui blessait à un si haut degré la prérogative de celui qui est de droit divin le Docteur de tous les chrétiens. A Mgr de Sura a pourtant connu ce Bref qui renverse de fond en comble son assertion ; car il cite la lettre que Fénelon écrivit au cardinal Gabrielli à cette occasion. Pourquoi alors ne l’avoir pas même mentionné ? pourquoi n’avoir pas parlé de la lettre que le cardinal de Noailles, avec six archevêques et cinq évêques, écrivit au Pape, à la date du 10 mars 1710, pour tâcher d’expliquer la conduite de l’Assemblée ? On y lit entre autres que « cette Assemblée n’a point prétend que les Assemblées dit clergé ayant droit d’examiner les décisions des Papes pour s’en rendre les juges ; qu’elle a seulement voulu y confronter les sentiments qu’elle a sur la foi et qu’elle y a connu avec une extrême joie qu’elle a toujours pensé et cru de la même manière que Sa Sainteté s’y est expliquée, ainsi que l’écrivaient autrefois les évêques de France au grand saint Léon 29 . »

    Quant au Bref luimême, on le trouvera dais la collection des Lettres apostoliques de Clément Xl, avec un autre Bref que le Pontife adressa à Louis XlV, pour se plaindre de la conduite de l’Assemblée et protester contre sa prétention. Je ne donne pas ici la traduction du Bref aux Évêques, parce que cette pièce est fort longue. Le lecteur en trouvera le texte tout entier à la fin du présent opuscule.

    Je crois avoir montré suffisamment que de légitimes préjugés enlèvent au livre de Mgr de Sura l’autorité qu’il devrait avoir pour produire l’effet que l’auteur s’est proposé. Mais ce livre ayant été écrit principalement dans le but d’empêcher, s’il est possible, la définition de l’infaillibilité du Pape comme dogme de foi par le Concile du .Vatican, et Mgr de Sura soutenant qu’une .telle définition serait théologiquement impossible, outre qu’elle serait un malheur pour l’Église ; il me sera tout aussi bien permis de placer ici une thèse sur la définibilité de cette vérité, et d’exposer les avantages que l’Église retirerait de sa définition. En 1850, j’osai traiter une question du même ordre relativement à l’Immaculée Conception. La situation est la même aujourd’hui pour l’infaillibilité papale ; en conséquence, j’use avec la même simplicité du droit de tout théologien, soumettant mon travail à la correction du sacré Concile, et acceptant d’avance, avec une entière soumission, tout Décret que l’Esprit Saint lui suggérera de rendre en quelque matière que ce soit.

  1. Tome I, page 136[]
  2. Tome Il, page 101[]
  3. Tome Il, 346[]
  4. Tome Il, page 92[]
  5. M. le Prévôt Doellinger, dans les Considérations proposées aux Évêques du Concile, ose dire que le décret du Synode ne fut pas c formulé conformément au vote du premier des Apôtres, mais d’après celui de saint Jacques. n Le livre des Actes est entre les mains de tout le monde, et chacun peut constater la plus parfaite identité de sentiment entre les deux apôtres. Dans quel but une telle assertion atelle été émise ? quand il est si aisé de voir qu’elle s’évanouit comme la fumée, à la simple lecture du texte[]
  6. Tome I, page 152[]
  7. Tome Il, page 109[]
  8. Spicilegium Solesmense. Tome I, page 11[]
  9. Tome I, page 515[]
  10. An ideo contemnendos putas, quia occidentalis Ecclesiae sunt omnes, nec ullus est in eis commemoratus a nobis Orientis Episcopus ? Quid ergo faciemus, cum illi Graeci sint, nos Latini ? Pilto tibi eam partem orbis sufficere debere, in quâ primum Apostolorum suarum voluit Dominus gloriosissimo martyrio coronare. Cui Ecclesiae praesidentem beatum Innocentium si audire voluisses, jam tuam periculosam juventutem tuam Pelagianis laqueis exisses. Quid enim potuit ille vir sanctus Africanis respondere conciliis, nisi quod antiquitus Apostolica Sedes et Romana cum caeteris tenet perseveranter Ecclesia ? Contra Julianum Pelagianum, Lib. I, § Xlll[]
  11. Recueil des Mandements, page 502[]
  12. Livraison du 15 novembre 1869[]
  13. Voir tome Ier, page 319, et tome Il, page 143[]
  14. Tome Il, page 318. Ailleurs, Mgr de Sura dit encore : Le cinquième Concile général avait condamné et le pape Vigile et son « Constitutum. Ibid., page 124.[]
  15. Tome Ier, page 266[]
  16. Ibid., page 271.[]
  17. Ibid., page 253[]
  18. Tome 1er, page 259[]
  19. Tome I, page 257[]
  20. Orthodoxa est Ibae episcopi a Patribus pronuntiata dictatio. llla vero quia in ipsa Ibae sacerdotis epistola in injuriis beatae recordationis Cyrilli, per errorem intelligentiae dicta sunt, Patres in sancta Chalcedonensi synodo episulam pronuntiantes orthodoxam, nullatenus receperunt. LABBE, Concilia, tom. V, col. 370.[]
  21. LABBE, Concilia, tom. V, col. 578[]
  22. Ibid., col. 596[]
  23. Quod scripsistis, quia epistolam meam reginae Theolelindie minimè transmittere voluistis, pro eo qucd quinta Synodus in ea nominabatur ; si eam exinde scandalizari posse credidistis, reçte factum est ut minime trans mittatur. Unde nunc ita facimus, sicut Vobis placuit, ut quatuor Synodos solummodo laudaremus, et quinta ; Synodi nullam mentionem faceremus. Ad Constantium Mediolanensem. Epist. XXVIl, lib : Ill.[]
  24. Tome I, page 292[]
  25. Liber diurnus Romanorum Pontificum. Édition Migne, page 52[]
  26. Tome I, page 369[]
  27. Tome Il, page 136[]
  28. Tome I, page 529[]
  29. D’AVRIGNY. Mémoires, Tom. IV, page 269.

    Le Bref sévère de Clément XI aux évêques de l’Assemblée du clergé de France en 1705, à l’occasion du droit de jugement qu’ils avaient prétendu exercer sur la Bulle Vineam Domini, donna sujet à Fénelon d’écrire au cardinal Gabrielli, en 1707, une lettre dans laquelle le prélat entend maintenir chez les évêques la qualité de juges en face d’une Constitution dogmatique du SaintSiège. On sait que Fénelon admettait l’infaillibilité du Pape, et qu’il l’a même défendue savamment dans un traité spécial. Sa pensée n’était donc pas que l’adhésion des évêques pût conférer à la Bulle dogmatique une qualité dont, selon lui, elle était déjà revêtue. Verum quidem est, ditil, causant ita esse finitam per judicium a Sede Apostolica pronuntiatum, utnulli catholico Antistiti deinceps liceat de hac definitione ambigere, vel deliberare an respuenda sit. (ŒUVRES. Tom. II, pag. 455.) Le droit de jugement à l’égard d’une décision de la valeur de laquelle il n’est pas même permis de douter, est, il faut l’avouer, assez difficile à concevoir, et l’on pense naturellement à cette subtilité qui était le caractère d’esprit du grand archevêque, et qui l’égara un moment, lorsqu’on le vit emprunter innocemment au quiétisme des principes dont il voulait restreindre les conséquences. On se rend compte des motifs qui agirent sur sa pensée à la lecture du Bref de Clément XI. A ce moment, toute son énergie pastorale était employée à combattre le jansénisme dont il fut le plus redoutable adversaire. La Bulle Vineam Domini avait comblé ses vœux, en condamnant le système du silence respectueux. Tout ce qu’il désirait était de voir cette Constitution publiée en France. La nouvelle de l’acceptation par l’Assemblée de 1705 avait été pour lui une vive consolation ; mais le Bref de Clément XI sur. évêques était venu l’inquiéter. Il sa demandait comment serait reçue cette vigoureuse réprimandé, par des prélats dont il ne dissimule pas, dans sa lettre au cardinal Gabrielli, les sentiments peu bienveillants pour le Siège Apostolique. Il craignait le scandale d’une résistance qui aurait profité au jansénisme, et afin de désarmer Rome, il travaillait à donner à cette idée de juges et de jugement une tournure plus acceptable, en cherchant à concilier l’irréformabilité de la définition papale avec la réalité d’une judicature de la part des évêques. Trois ans après, le cardinal de Noailles, avec plusieurs de ses collègues, adressaient à Clément XI des explications respectueuses, et désavouaient la prétention de l’Assemblée de 1705. L’affaire se termina ainsi, et lorsque le même Pontife, quelques années après, donna la Bulle Unigenitus, elle fut acceptée dans l’Assemblée de 1714, sans les. formes blessantes dont avait usé celle de 1705.

    Il est nécessaire de réclamer ici contre certaines assertions du P. Matignon dans les Études religieuses, livraison de Janvier, sur ce qui eut lieu au sujet de l’acceptation de la Bulle Vineam Domini. voici comment il rend compte des faits : Dans sa lettre bien a connue au cardinal Gabrielli, Fénelon établit que l’acceptation des c actes pontificaux, sans cesser d’être obligatoire, doit se faire néanmoins de la part des évêques par voie de jugement. Cette doctrine parut véritable. Le 10 mars 1710, six archevêques et cinq évêques qui avaient pris part à l’assemblée, écrivirent à Rome en ce sens, et a Clément XI finit par se déclarer satisfait. C’est précisément le contraire qui est la vérité. Clément XI ne se déclara point satisfait de la médiation exercée par Fénelon dans sa lettre au cardinal Gabrielli. Cette lettre est de 1707, et la paix ne se fit qu’en 1710 entre Clément XI et les prélats de l’Assemblée de 1705, par la lettre de désaveu formel que je viens de citer, et que le P. Matignon a été à même de lire dans les Mémoires de d’Avrigny[]