Pie IX, Pape à Notre Vénérable Frère Charles-Émile, Évêque d’Angers

10. 10 04 1876 Pius PP. IX Venerabili Fratri Carolo-AEmilio Episcopo Andegavensi

    Venerabilis Frater, Salutem et Apostolicam Benedictionem. Illa Apostoli sententia, Venerabilis Frater, pietas ad omnia utilis est ; promissionem habens vitœ,quœ nunc est et futurœ, necfacundius fortasse, nec luculentius commentarium desiderare potuisset sermone illo tuo de Ordine monastico. Nam si monachus est homo dec uti perspicue ostendisti, ac idcirco HOMO ECCLESIAE illiusque prœsertim cathedra a Deo positœ ad ipsam regendam, ac ut sit omnibus veritatis magistra et centrum unitatis ; prqfecto sequitur, monachum in se prœferre virum Deo proximisque plane devotum, ipsisque potius quam sibi viventem. Quid vero expectandum sit ab hominum hujusmodi consociatione ratio facile assequitur, et constans sœculorum historia, voce argumentis omnibus potiore, docet,quomodo per ipsos diffusa fuerit christiana religio, et ejus ope barbares gentes ad civilem ordinem compositœ, cicurati mores, leges latœ, propagatœ litterœ ac scientiœ, artes excultœ, agricultura provecta, mutuœ populorum amicitiœ et commercia conciliata, ac innumera parta hominibus beneficia. Pronam quidem tibi de hisce disserendi occasionem suppeditavit recurrens anniversaria dies obitus piissimi et clarissimi Abbatis Prosperi Guéranger, qui virtute, pietate, zelo, scientia, operositate verum se Benedicti discipulum seu monachum eximium exhibuerat ;

    sed nihil contingere poterat opportunius et accommodatius prœsentibus quoque rerum adjunctis, in quibus pietas non solum irridetur, sed odio habetur et proscinditur ; monachi vero passim, uti scientiœ, artibus, civili consortio infensi, aut saltem inutiles, infestantur, divexantur, disjiciuntur. Equidem lux ipsa solisfrustra illis objicitur, qui clausos ipsi oculos obfirmant ; verum et honesti non desunt qui, perversis decepti doctrinis, ode-runt non quod non norunt, et blasphemant quod ignorant. Istis saltem prqficuam adprecamur egregiam orationem tuam, ac interim divini favoris auspicem et prœcipuœ Nostrœ benevolentiœ testem tibi, Venerabilis Frater, totique diœcesi tuœ Benedictionem apostolicam peramanter impertimus.

    Datum Romœ, apud S. Petrum, die 10 aprilis, anno 1876, Pontificatus Nostri anno tricesimo.

PIUS PP. IX

10 04 1876 Pie IX, Pape à Notre Vénérable Frère Charles-Émile, Évêque d’Angers

    Vénérable Frère, salut et bénédiction apostolique.

    Cette parole de l’apôtre, Vénérable Frère : la piété est utile à tout : elle possède les promesses de la vie présente et de la vie future, n’aurait certainement pu recevoir un commentaire plus éloquent, une démonstration plus lumineuse que votre discours sur l’Ordre monastique. Car si, comme vous l’avez fait voir clairement, le Moine est l’homme de Dieu, et par conséquent l’homme aussi de l’Église, l’homme surtout de cette Chaire qui a été établie de Dieu pour gouverner l’Église et pour être la maîtresse universelle de la vérité, et le centre de l’unité, il faut évidemment conclure que le Moine présente en sa personne le type par excellence de l’homme dévoué à Dieu et au prochain, vivant plus pour Dieu et le prochain que pour lui-même.

    Ce que l’on peut attendre d’une réunion d’hommes animés de pareils sentiments, la raison le conçoit sans peine, et l’histoire de tous les siècles est là de son côté pour nous apprendre, d’une voix plus puissante que tous les arguments, comment, en effet, c’est par ces hommes que la religion chrétienne s’est étendue, par leur influence que l’on a vu les nations barbares se civiliser, les mœurs s’adoucir, la législation se former, les lettres et les sciences se propager, les arts se perfectionner, l’agriculture se développer et les relations mutuelles d’amitié et de commerce se nouer entre les peuples ; par eux enfin que des bienfaits sans nombre ont été répandus sur l’humanité.

    L’occasion favorable d’exposer ces vérités s’offrait naturellement à vous, Vénérable Frère, à l’anniversaire de la mort du très-pieux et très-illustre abbé Dom Prosper Guéranger, lui qui par sa vertu, sa piété, son zèle, sa science et les travaux de toute sa vie, s’est montré le vrai disciple de saint Benoît, le Moine parfait.

    Mais en même temps vous ne pouviez rien dire de plus opportun, rien de mieux adapté aux circonstances présentes, aujourd’hui que la piété est non-seulement bafouée, mais encore en butte à tous les traits de la haine, et que, pour les Moines, on se plaît partout à les représenter comme les ennemis de la science, des arts, de la civilisation, ou tout au moins comme des gens inutiles, afin de pouvoir ensuite les inquiéter, les persécuter, les disperser. C’est en vain, il est vrai, que la lumière du soleil vient frapper la face de ceux qui s’obstinent à tenir les yeux fermés ; mais il ne manque pas non plus de gens honnêtes, qui, trompés par des doctrines perverses, haïssent ce qu’ils ne connaissent pas et blasphèment ce qu’ils ignorent. A ceux-là, du moins, nous souhaitons que votre excellent discours puisse profiter ; en attendant, comme gage de la faveur divine, et en témoignage de Notre bienveillance toute particulière, Nous vous accordons, à vous, Vénérable Frère, et à tout votre diocèse, du fond de Notre cœur, la bénédiction apostolique.

    Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 10 avril 1876, la trentième année de Notre pontificat.

PIE IX, PAPE