19 mars 1875 Bref de Pie IX pour honorer la mémoire du TRP Dom Guéranger

Bref de Notre Saint-Père le Pape Pie IX pour honorer la mémoire du Très Révérend Père Dom Prosper Guéranger, Abbé de Solesmes

19 03 1875 PIUS PP. IX

    AD FUTURAM MEMORIAM

    Ecclesiasticis viris, quos nostra hœc tulit œtas, religione, doctrina, et Catholicœ reiprovehendœ studio atque industria maxime insignes, optimo quidem jure adscribendus est dilectus filius Prosper Guéranger, Abbas ad S. Petri Solesmensis, ac summus in Gallia Magister Congregationis Benedictinœ.

    Hic, cum abundaret ingenio, excellentisque eruditionis, atque in canonicis disciplinis scientiœ laude, ad id, per longœ sua ; vitœ cursum, semper intendit animum, ut gra-vissimis editis scriptis,pro Catholicœ Ecclesiœ doctrina, et Romani Pontifias prœrogativis strenuissime propugnaret, adversariorum frangeret conatus, erroresque refutaret. Neque vero, quum Nos, plaudente Christiano Populo, Sanctœ Dei Genitrici cœleste Immaculatœ Conceptionis prœconium solemni Decreto confirmavimus ; neque novissime, quum Romani Pontificis ex Cathedra docentis Infallibilitatem, frequentissimo universi Catholici Orbis Antistitum Consessu approbante, sanximus, idem dilectus filius Prosper catholici scriptoris officio defuit ; imo vulgatis operibus fidei, sacrœque scientiœ plenissimis, novum dedit prœstantis ingenii sui, immotœque erga Beatissimi Petri Cathedram observantiœ testimonium. Sed in quo ipse curas omnes cogitationesque collocavit, potissimum illud fuit, ut Romana Liturgia in Galliam, velutipostliminio, remearet. Quam quidem in re ita se gessit, ut ejus scriptis, nec non constantiœ, atque industries singulari prœ cœteris acceptum referri debeat, si antequam ipse ex hac vita migravit, cunctœ Galliœ Diœceses Romance Ecclesiae ritus amplexœ sunt.

    Haec in Catholici nominis procurando bono tota fere vita transacta, veluti in novum splendorem redundat, Congregationis Benedictines in Gallia consistentis, satis quidem aliis nominibus clarce, ita novum a Nobis quodammodo postulat propensœ animi voluntatis documentum. Cum igitur a Romanis Pontificibus Prœdecessoribus Nostris quam plurima prodierint exempla Nobis ad imitandum relicta, quibus illi certos honores ac munera nonnullorum Religiosorum cœtum Alumnis ita semper addixerunt, ut illi majores inde spiritus sumerent ad Religionem colendam, sapientiœ laudem potiundam,Christianasque virtutes exercendas, hinc est quod Nos, singulos ac universos quibus Nostrœ hœ litterœ favent, ab quibusvis excommunicationis et interdicti, aliisque ecclesiasticis sententiis, censuris et pœnis quovis modo vel quavis de causa latis, si quas forte incurrerint, hujus tantum rei gratia absolventes ac absolutos fore censentes, Motu proprio, certa scientia, et matura deliberatione, deque Apostolicœ potestatis Nostrœ plenitudine, volumus ac decernimus ut deinceps, perpetuisfuturis temporibus, Abbas ad S. Petri Solesmensispro tempore existens Cappœ Magnœ, servatis servandis, usu fruatur ; utque locus inter Consultores Congregationis Venerabilium Fratrum Nostrorum S. R. E. Cardinalium Sacris Ritibus     prœpositoe, succedente illius pro tempore vacatione, uni ex Monachis Ordinis S. Benedicti Congregationis Cassinensis concedi atque adsignari debeat, vel si alias ab hac S. Sede Apostolica concessus adsignatusque fuerit, confirmetur.

    Hœc volumus, mandamus, edicimus, decernentes présentes Nostras Litteras semperfirmas, validas, et efficaces exisiere et fore, suosque plenarios et integros effectus sortiri atque obtinere illisque,ad quos spectat,acpro tempore quandocumque spectaverit, plenissime suffragari, sicque in prœmissis per quoscumque Judices ordinarios et delegatos etiam causarum Palatii Apostolici Auditores judicari et definiri debere, ac irritum et inane, si secus super his a quoquam quavis auctoritate scienter vel ignoranter çontigerit attentari. Non obstantibus Constitutionibus et Sanctionibus Apostolicis,et quatenus opus sit, dicta ; Congregationis etiam juramento, confirmatione Apostolica, vel quavisfirmitate alla roboratis Statutis et consuetudinibus, cœterisque contrariis quibuscumque.

    Datum Romœ, apud S. Petrum, sub annulo Piscatoris, die XIX Martii MDCCCLXXV, Pontificatus Nostri anno XXIX.

F. Card. ASQUINIUS

19 03 1875 Pie IX, Pape

    POUR PERPÉTUELLE MÉMOIRE

    Parmi les hommes d’Église qui, de notre temps, se sont le plus distingués par leur religion, leur zèle, leur science, et leur habileté à faire progresser les intérêts catholiques, on doit inscrire à juste titre Notre cher fils Prosper Guéranger, abbé de Saint-Pierre de Solesmes et supérieur général des Bénédictins de la congrégation de France. Doué d’un puissant génie, possédant une merveilleuse érudition et une science approfondie des règles canoniques, il s’est appliqué, pendant tout le cours de sa longue vie, à défendre courageusement, dans des écrits de la plus haute valeur, la doctrine de l’Église catholique et les prérogatives du Pontife romain, brisant les efforts et réfutant les erreurs de ceux qui les combattaient. Et lorsque, aux applaudissements du peuple chrétien, Nous avons par un décret solennel confirmé le céleste privilège de la Conception Immaculée de la sainte Mère de Dieu ; et tout récemment, lorsque Nous avons défini, avec l’approbation du très nombreux concile qui réunissait les évêques de tous les points de l’univers catholique, l’infaillibilité du Pontife romain enseignant ex cathedra ; Notre cher fils Prosper n’a pas manqué au devoir de l’écrivain catholique ; il publia des ouvrages pleins de foi et de science sacrée, qui furent une preuve nouvelle de son esprit supérieur et de son dévouement inébranlable à la chaire de Saint-Pierre.

    Mais l’objet principal de ses travaux et de ses pensées a été de rétablir en France la liturgie romaine dans ses anciens droits. Il a si bien conduit cette entreprise, que c’est à ses écrits, et en même temps à sa constance et à son habileté singulière, plus qu’à toute autre influence, qu’on doit d’avoir vu, avant sa mort, tous les diocèses de France embrasser les rites de l’Église romaine.

    Cette vie, employée, on peut dire, tout entière aux intérêts de la cause catholique, ajoute l’éclat d’une splendeur nouvelle à la congrégation bénédictine de France, déjà illustre à tant d’autres titres, et semble exiger de Nous un nouveau témoignage de notre bienveillante affection. Les Pontifes romains Nos prédécesseurs Nous ont d’ailleurs laissé de nombreux exemples à suivre, par l’attention constante qu’ils ont eue d’octroyer aux membres des diverses familles religieuses des honneurs et des emplois propres à leur inspirer une plus grande ardeur dans le service de la religion, dans la poursuite glorieuse de la science et dans l’exercice des vertus chrétiennes.

    En conséquence, pourvoyant d’abord à ce que tous et chacun de ceux qui bénéficient de ces lettres soient, à cet effet seulement et si toutefois il y a lieu, absous et considérés comme absous de toute espèce de sentence ecclésiastique, censure et peine portée de quelque manière ou pour quelque cause que ce soit ; de Notre propre mouvement et science certaine, après mûre délibération, de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, Nous voulons et décrétons que désormais et pour toujours, dans la suite des temps, l’abbé de Saint-Pierre de Solesmes, alors en charge, jouisse de l’usage de la cappa magna, selon les règles ordinaires. De plus, parmi les consulteurs de la congrégation de Nos vénérables frères les cardinaux de la sainte Église romaine préposée aux rites sacrés, une place sera concédée et assignée à un des moines de l’ordre de Saint-Benoît de la famille du Mont-Cassin, chaque fois qu’elle deviendra vacante ; et si cette faveur avait déjà été concédée et assignée par ce saint Siège apostolique, Nous voulons qu’elle soit confirmée par Notre présent décret.

    Telles sont Nos volontés, Nos ordres et Nos décisions ; et Nous décrétons que les présentes lettres soient maintenant et toujours invariables, valides et efficaces ; qu’elles obtiennent et produisent leurs effets pleins et entiers, qu’elles soient complètement profitables à ceux qu’elles regardent et qu’elles regarderont plus tard en quelque temps que ce soit ; et que tous les juges quels qu’ils soient, ordinaires et délégués, même les auditeurs des causes du palais apostolique, devront juger et définir d’après ce qui est statué ci-dessus ; et tout ce qui pourra être tenté dans un autre sens à ce sujet par qui que ce soit et quelque autorité que ce soit, avec ou sans connaissance, sera nul et de nul effet. Il en sera ainsi, nonobstant les constitutions et les décisions apostoliques, et autant que de besoin nonobstant les statuts et les coutumes de ladite congrégation, même corroborés par le serment, ou confirmés par l’autorité apostolique ou quelque autre sanction que ce soit, et malgré toutes choses contraires.

    Donné à Rome, à Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le XIX mars MDCCCLXXV, la XXIX année de Notre pontificat.

    F. Card. ASQUINI