L’Année liturgique : Temps de Noël, de l’Épiphanie au 14 janvier

    L’ÉPIPHANIE DE NOTRE-SEIGNEUR.

 

    La Fête de l’Épiphanie est la suite du mystère de Noël ; mais elle se présente, sur le Cycle chrétien, avec une grandeur qui lui est propre. Son nom. qui signifie Manifestation, indique assez qu’elle est destinée à honorer l’apparition d’un Dieu au milieu des hommes.

    Ce jour, en effet, fut consacré durant plusieurs siècles à fêter la Naissance du Sauveur ; et lorsque, vers l’an 376, les décrets du Saint-Siège obligèrent toutes les Églises à célébrer désormais, avec Rome, le mystère de la Nativité au 25 décembre, le 6 janvier ne fut pas entièrement déshérité de son antique gloire. Le nom d’Épiphanie lui resta avec la glorieuse mémoire du Baptême de Jésus-Christ, dont une tradition fixe l’anniversaire à ce jour.

    L’Église Grecque donne à cette Fête le vénérable et mystérieux nom de Théophanie, si célèbre dans l’antiquité pour signifier une Apparition divine. On trouve ce nom dans Eusèbe, dans saint Grégoire de Nazianze, dans saint Isidore de Péluse ; il est le propre titre de la Fête dans les livres liturgiques de l’Église Grecque.

    Les Orientaux appellent encore cette solennité les saintes Lumières, à cause du Baptême que l’on conférait autrefois en ce jour, en mémoire du Baptême de Jésus-Christ dans le Jourdain. On sait que le Baptême est appelé dans les Pères illumination, et ceux qui l’ont reçu illuminés.

    Enfin, nous nommons familièrement, en France, cette fête la Fête des Rois, en souvenance des Mages, dont la venue à Bethléhem est particulièrement solennisée aujourd’hui.

    L’Épiphanie partage avec les Fêtes de Noël, de Pâques, de l’Ascension et de la Pentecôte, l’honneur d’être qualifiée de jour très saint, au Canon de la Messe ; et on la range parmi les fêtes cardinales, c’est-à-dire parmi les solennités sur lesquelles repose l’économie de l’Année liturgique. Une série de six Dimanches emprunte d’elle son nom, comme d’autres successions dominicales se présentent sous le titre de Dimanches après Pâques, Dimanches après la Pentecôte.

    Par suite de la Convention faite en 1801 entre Pie VII et le Gouvernement français, le légat Caprara procéda à une réduction des fêtes, et la piété des fidèles en vit, à regret, supprimer un grand nombre. Il y eut des solennités qui ne furent pas supprimées, mais dont la célébration fut remise au Dimanche suivant. L’Épiphanie est de celles qui subirent ce sort ; et toutes les fois que le 6 janvier n’est pas un Dimanche, nos Églises voient retarder jusqu’au Dimanche suivant les pompes qui accompagnent un si grand jour dans tout l’univers catholique. Espérons que des jours meilleurs luiront enfin sur notre Église, et qu’un avenir plus heureux nous rendra les joies dont la sage condescendance du Saint-Siège nous a sevrés pour un temps.

    Ce jour de l’Épiphanie du Seigneur est donc véritablement un grand jour ; et l’allégresse dans laquelle nous a plongés la Nativité du divin Enfant doit s’épanouir, tout de nouveau, dans cette solennité. En effet, ce second rayonnement de la Fête de Noël nous montre la gloire du Verbe incarné dans une splendeur nouvelle ; et sans nous faire perdre de vue les charmes ineffables du divin Enfant, il manifeste dans tout l’éclat de sa divinité le Sauveur qui nous a apparu dans son amour. Ce ne sont plus seulement les bergers qui sont appelés par les Anges à reconnaître le VERBE FAIT CHAIR, c’est le genre humain, c’est la nature entière que la voix de Dieu même convie à l’ adorer et à l’écouter.

    Or, dans les mystères de sa divine Épiphanie, trois rayons du Soleil de justice descendent jusqu’à nous. Ce sixième jour de janvier, sur le cycle de Rome païenne, fut assigné à la célébration du triple triomphe d’Auguste, auteur et pacificateur de l’Empire; mais lorsque notre Roi pacifique, dont l’empire est sans limites et pour jamais, eut décidé, par le sang de ses martyrs, la victoire de son Église, cette Église jugea, dans la sagesse du ciel qui l’assiste, qu’un triple triomphe de l’Empereur immortel devait remplacer, sur le Cycle régénéré, les trois triomphes du fils adoptif de César.

    Le six janvier restitua donc au vingt-cinq décembre la mémoire de la Naissance du Fils de Dieu ; mais, en retour, trois manifestations de la gloire du Christ vinrent s’y réunir dans une même Épiphanie : le mystère des Mages, venus d’Orient sous la conduite de l’Étoile, pour honorer la Royauté divine de l’Enfant de Bethléhem ; le mystère du Baptême du Christ, proclamé Fils de Dieu, dans les eaux du Jourdain, par la voix même du Père céleste ; enfin le mystère de la puissance divine de ce même Christ, transformant l’eau en vin, au festin symbolique des Noces de Cana.

    Le jour consacré à la mémoire de ces trois prodiges est-il en même temps l’anniversaire de leur accomplissement ? Cette question est débattue entre les savants. Dans ce livre, où notre but n’est autre que de favoriser la piété des fidèles, nous n’entrerons point dans ces discussions purement critiques ; nous nous contenterons de dire que l’adoration des Mages a eu lieu en ce jour même, d’après le sentiment si grave de Baronius, de Suarez, de Théophile Raynaud, d’Honoré de Sainte-Marie, du cardinal Gotti, de Sandini, et d’une infinité d’autres, à l’opinion desquels se joint expressément le suffrage éclairé de Benoît XIV. Le Baptême du Christ, au six janvier, est un fait reconnu par les critiques les plus exigeants, par Tillemont lui-même, et qui n’a été contesté que par une imperceptible minorité d’écrivains. Quant au miracle des Noces de Cana, la certitude du jour précis de son accomplissement est moins grande, bien qu’il soit impossible de démontrer que ce prodige n’ait pas eu lieu le six janvier. Mais il suffit aux enfants de l’Église que leur Mère ait fixé la mémoire de ces trois manifestations dans la Fête d’aujourd’hui, pour que leurs cœurs applaudissent aux triomphes du divin Fils de Marie.

    Si nous considérons maintenant en détail le multiple objet de la solennité, nous remarquons d’abord que l’adoration des Mages est celui des trois mystères que la sainte Église Romaine honore aujourd’hui avec le plus de complaisance. La majeure partie des chants de l’Office et de la Messe est employée à le célébrer ; et les deux grands Docteurs du Siège Apostolique, saint Léon et saint Grégoire, ont paru vouloir y insister presque uniquement, dans leurs Homélies sur cette fête, quoiqu’ils confessent avec saint Augustin, saint Paulin de Nole, saint Maxime de Turin, saint Pierre Chrysologue, saint Hilaire d’Arles, et saint Isidore de Séville, la triplicité du mystère de l’Épiphanie. La raison de la préférence de l’Église Romaine pour le mystère de la Vocation des Gentils, vient de ce que ce grand mystère est souverainement glorieux à Rome, qui, de chef de la gentilité qu’elle était jusqu’alors, est devenue le chef de l’Église chrétienne et de l’humanité, par la vocation céleste qui appelle en ce jour tous les peuples à l’admirable lumière de la foi, en la personne des Mages.

    L’Église Grecque ne fait point aujourd’hui une mention spéciale de l’adoration des Mages; elle a réuni ce mystère à celui de la Naissance du Sauveur dans ses Offices pour le jour de Noël. Toutes ses louanges, dans la présente solennité, ont pour objet unique le Baptême de Jésus-Christ.

    Ce second mystère de l’Épiphanie est célébré en commun avec les deux autres par l’Église latine, au six janvier. Il en est fait plusieurs fois mention dans l’Office d’aujourd’hui ; mais la venue des Mages au berceau du Roi nouveau-né attirant surtout l’attention de Rome chrétienne en cette journée, il a été nécessaire, pour que le mystère de la sanctification des eaux fût dignement honoré, d’en attacher la mémoire à un autre jour. L’Octave de l’Épiphanie a été choisie par l’Église d’Occident pour honorer spécialement le Baptême du Sauveur.

    Le troisième mystère de l’Épiphanie étant aussi un peu offusqué par l’éclat du premier, quoiqu’il soit plusieurs fois rappelé dans les chants de la Fête, sa célébration spéciale a été pareillement remise à un autre jour, savoir au deuxième Dimanche après l’Épiphanie.

    Plusieurs Églises ont réuni au mystère du changement de l’eau en vin celui de la multiplication des pains, qui renferme en effet plusieurs analogies avec le premier, et dans lequel le Sauveur manifesta pareillement sa puissance divine ; mais l’Église Romaine, en tolérant cet usage dans les rites Ambrosien et Mozarabe, ne l’a jamais reçu, pour ne pas déroger au nombre de trois qui doit marquer sur le Cycle les triomphes du Christ, au six janvier ; et aussi parce que saint Jean nous apprend, dans son Évangile, que le miracle de la multiplication des pains eut lieu aux approches de la Fête de Pâques: ce qui ne pourrait convenir en aucune façon à l’époque de l’année où l’on célèbre l’Épiphanie.

    Pour la disposition des matières, dans cette solennité, nous garderons l’ordre suivant. Aujourd’hui, nous honorerons avec l’Église les trois mystères à la fois ; dans le cours de l’Octave, nous contemplerons le mystère de la venue des Mages ; nous vénérerons le Baptême du Sauveur, au jour même de l’Octave ; et nous traiterons le mystère des Noces de Cana, au deuxième Dimanche après la fête, jour auquel l’Église a réuni, dans ces derniers temps, avec une parfaite harmonie, la solennité du très saint Nom de Jésus.

    Livrons-nous donc tout entiers à l’allégresse d’un si beau jour; et dans cette fête delà Théophanie, des saintes Lumières, des Rois Mages, considérons avec amour l’éblouissante lumière de notre divin Soleil qui monte à pas de géant, comme dit le Psalmiste(Ps. XVIII), et qui verse sur nous les flots d’une lumière aussi douce qu’éclatante. Déjà les bergers accourus à la voix de l’Ange ont vu renforcer leur troupe fidèle ; le prince des Martyrs, le Disciple Bien-Aimé, la blanche cohorte des Innocents, le glorieux Thomas, Silvestre, le Patriarche de la paix, ne sont plus seuls à veiller sur le berceau de l’Emmanuel ; leurs rangs s’ouvrent pour laisser passer les Rois de l’Orient, porteurs des vœux et des adorations de l’humanité entière. L’humble étable est devenue trop étroite pour un tel concours ; et Bethléhem apparaît vaste comme l’univers. Marie, le Trône de la divine Sagesse, accueille tous les membres de cette cour avec son gracieux sourire de Mère et de Reine ; elle présente son Fils aux adorations de la terre et aux complaisances du ciel. Dieu se manifeste aux hommes, parce qu’il est grand ; mais il se manifeste par Marie, parce qu’il est miséricordieux.

    Nous trouvons dans les premiers siècles de l’Église deux événements remarquables qui ont signalé la grande journée qui nous rassemble aux pieds du Roi pacifique. Le six janvier 361, le César Julien, déjà apostat dans son cœur, à la veille de monter sur le trône impérial que bientôt la mort de Constance allait laisser vacant, se trouvait à Vienne dans les Gaules. 11 avait besoin encore de l’appui de cette Église chrétienne dans laquelle on disait même qu’il avait reçu le degré de Lecteur, et que cependant il se préparait à attaquer avec toute la souplesse et toute la férocité du tigre Nouvel Hérode, artificieux comme l’ancien, il voulut aussi, dans ce jour de l’Épiphanie, aller adorer le Roi nouveau-né. Au rapport de son panégyriste Ammien Marcellin, on vit le philosophe couronné sortir de l’impie sanctuaire où il consultait en secret les aruspices, puis s’avancer sous les portiques de l’église, et au milieu de l’assemblée des fidèles, offrir au Dieu des chrétiens un hommage aussi solennel que sacrilège.

    Onze ans plus tard, en 372, un autre Empereur pénétrait aussi dans l’église, en cette même solennité de l’Épiphanie. C’était Valens, chrétien parle Baptême comme Julien, mais persécuteur, au nom de l’Arianisme, de cette même Église que Julien poursuivait au nom de ses dieux impuissants et de sa stérile philosophie. La liberté évangélique d’un saint Évêque abattit Valens aux pieds du Christ Roi, en ce même jour où la politique avait contraint Julien de s’incliner devant la divinité du Galiléen.

    Saint Basile sortait à peine de son célèbre entretien avec le préfet Modestus, dans lequel il avait vaincu toute la force du siècle par la liberté de son âme épiscopale. Valens arrive à Césarée, et, l’impiété arienne dans le cœur, il se rend à la basilique où le Pontife célébrait avec son peuple la glorieuse Théophanie. « Mais, comme le dit éloquemment saint Grégoire de Nazianze, à peine l’Empereur a-t-il franchi le seuil de l’enceinte sacrée, que le chant des psaumes retentit à ses oreilles comme un tonnerre. Il contemple avec saisissement la multitude du peuple fidèle, semblable à une mer. L’ordre, la pompe du sanctuaire éclatent à ses yeux d’une majesté plus angélique qu’humaine. Mais ce qui l’émeut plus que tout le reste, c’est cet Archevêque debout en présence de son peuple, le corps, les yeux, l’esprit aussi fermes que si rien de nouveau ne se fût passé ; tout entier à Dieu et à l’autel. Valens considère aussi les ministres sacrés, immobiles dans le recueillement, remplis de la sainte frayeur des Mystères. Jamais l’Empereur n’avait assisté à un spectacle si auguste ; sa vue s’obscurcit, sa tête tourne, son âme est saisie d’étonnement et d’horreur. »

    Le Roi des siècles, Fils de Dieu et Fils de Marie, avait vaincu. Valens sentit s’évanouir ses projets de violence contre le saint Évêque ; et si, dans ce moment, il n’adora pas le Verbe consubstantiel au Père, du moins il confondit ses hommages extérieurs avec ceux du troupeau de Basile. Au moment de l’offrande, il s’avança vers la barrière sacrée, et présenta ses dons au Christ en la personne de son Pontife. La crainte que Basile ne les voulût pas recevoir agitait si violemment le prince, que la main des ministres du sanctuaire dut le soutenir pour qu’il ne tombât pas, dans son trouble, au pied même de l’autel.

    Ainsi, dans cette grande solennité, la Royauté du Sauveur nouveau-né a-t-elle été honorée par les puissants de ce monde qu’on a vus, selon la prophétie du Psaume, abattus, et léchant la terre à ses pieds 1 .

    Mais de nouvelles générations d’empereurs et de rois devaient venir qui fléchiraient les genoux, et présenteraient au Christ-Seigneur l’hommage d’un cœur dévoué et orthodoxe. Théodose, Charlemagne, Alfred le Grand, Étienne de Hongrie, Édouard le Confesseur, Henri II l’Empereur, Ferdinand de Castille, Louis IX de France, tinrent ce jour en grande dévotion ; et leur ambition fut de se présenter avec les Rois Mages aux pieds du divin Enfant, et de lui ouvrir comme eux leurs trésors. L’usage s’était même conservé à la cour de France jusqu’à l’an 1378 et au delà, comme en fait foi le continuateur de Guillaume de Nangis, que le Roi très chrétien, venant à l’offrande, présentât de l’or, de l’encens et delà myrrhe, comme un tribut à l’Emmanuel.

    Mais cette représentation des trois mystiques présents des Mages n’était pas seulement usitée à la cour des rois : la piété des fidèles au moyen âge présentait aussi au Prêtre pour qu’il les bénît, en la Fête de l’Épiphanie, de l’or, de l’encens et de la myrrhe ; et l’on conservait en l’honneur des trois Rois ces signes touchants de leur dévotion envers le Fils de Marie, comme un gage de bénédiction pour les maisons et pour les familles. Cet usage s’est conservé encore en quelques diocèses d’Allemagne, et il n’a disparu du Rituel Romain que dans l’édition de Paul V, qui crut devoir supprimer plusieurs bénédictions, que la piété des fidèles ne réclamait plus que rarement.

    Un autre usage a subsisté plus longtemps, inspiré aussi par la piété naïve des âges de foi. Pour honorer la royauté des Mages venus de l’Orient vers l’Enfant de Bethléhem, on élisait au sort, dans chaque famille, un Roi pour cette fête de l’Épiphanie. Dans un festin animé d’une joie pure, et qui rappelait celui des Noces de Galilée, on rompait un gâteau ; et l’une des parts servait à désigner le convive auquel était échue cette royauté d’un moment. Deux portions du gâteau étaient détachées pour être offertes à l’Enfant Jésus et à Marie, en la personne des pauvres, qui se réjouissaient aussi en ce jour du triomphe du Roi humble et pauvre. Les joies de la famille se confondaient encore une fois avec celles de la Religion ; les liens de la nature, de l’amitié, du voisinage, se resserraient autour de cette table des Rois ; et si la faiblesse humaine pouvait apparaître quelquefois dans l’abandon d’un festin, l’idée chrétienne n’était pas loin, et veillait au fond des cœurs.

    Heureuses encore aujourd’hui les familles au sein desquelles la fête des Rois se célèbre avec une pensée chrétienne ! Longtemps, un faux zèle a déclamé contre ces usages naïfs dans lesquels la gravité des pensées de la foi s’unissait aux épanchements de la vie domestique ; on a attaqué ces traditions de famille sous le prétexte du danger de l’intempérance , comme si un festin dépourvu de toute idée religieuse était moins sujet aux excès. Par une découverte assez difficile, peut-être, à justifier, on est allé jusqu’à prétendre que le gâteau de l’Épiphanie, et la royauté innocente qui l’accompagne, n’étaient qu’une imitation des Saturnales païennes : comme si c’était la première fois que les anciennes fêtes païennes auraient eu à subir une transformation chrétienne. Le résultat de ces poursuites imprudentes devait être et a été, en effet, sur ce point comme sur tant d’autres, d’isoler de l’Église les mœurs de la famille, d’expulser de nos traditions une manifestation religieuse, d’aider à ce qu’on appelle la sécularisation de la société. Dans une grande partie de la France, le festin des Rois est resté ; et l’intempérance a seule désormais la charge d’y présider.

    Mais retournons contempler le triomphe du royal Enfant dont la gloire resplendit en ce jour avec tant d’éclat. La sainte Église va nous initier elle-même aux mystères que nous avons à célébrer. Revêtons-nous de la foi et de l’obéissance des Mages ; adorons, avec le Précurseur, le divin Agneau au-dessus duquel s’ouvrent les cieux ; prenons place au mystique festin de Cana, auquel préside notre Roi trois fois manifesté, et trois fois glorieux. Mais, dans les deux derniers prodiges, ne perdons pas de vue l’Enfant de Bethléhem, ne cessons pas non plus de voir le grand Dieu du Jourdain, et le maître des éléments.

    L’Église prélude à la solennité de l’Épiphanie par le chant des premières Vêpres.

 

LES PREMIÈRES VÊPRES DE L’ÉPIPHANIE.

1 Ant. Ante luciferum genitus et ante saecula, Do minus Salvator noster hodie mundo apparuit.

1. Ant. ENGENDRÉ avant les siècles, le Seigneur, notre Sauveur, apparaît aujourd’hui au monde.

    Psaume CIX. Dixit Dominus, page 37.

2. ANT. Venit lumen tuum, Jerusalem, et gloria Domini super to orta est; et ambulabunt Gentes in lumine tuo. Alleluia.

2. Ant. Ta lumière a brillé, ô Jérusalem, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi, et les nations marcheront à ta lumière. Alléluia.

    Psaume CX. Confitebor tibi, Domine, page 38.

3. ANT. Apertis thesauris suis, obtulerunt Magi Domino aurum, thus, et myrrham. Alleluia.

    3. Ant. Les Mages, ouvrant leurs trésors, offrirent au Seigneur l’or, l’encens et la myrrhe. Alléluia.

    Psaume CXI. Beatus vir, page 38.

4. ANT. Maria et flumina, benedicite Domino: hymnum dicite, fontes, Domino. Alleluia.

4. Ant. Mers et fleuves sanctifiés aujourd’hui, bénissez le Seigneur ; fontaines, chantez l’hymne au Seigneur. Alléluia.

    Psaume CXII. Laudate pueri, page 39.

5. ANT. Stella ista sicut flamma coruscat, et Regem regum Deum demonstrat :Magi eam viderunt, et magno Regi munera obtulerunt.

Ant. Cette étoile brille comme une flamme, et manifeste le Dieu, Roi des rois ; les Mages l’ont vue et sont venus offrir leurs présents au grand Roi.

 

    PSAUME CXVI.

Laudate Dominum omnes gentes: * laudate eum omnes populi.

Quoniam confirmata est super nos misericordia ejus: * et veritas Domini manet in aeternum.

    Toutes les nations, louez le Seigneur ; tous les peuples, proclamez sa gloire.

    Car sa miséricorde s’est affermie sur nous et la vérité du Seigneur demeure éternellement.

 

    La sainte Église, après avoir ainsi célébré la puissance donnée au divin Enfant sur les rois, dont il brisera la tête, au four de sa colère ; son alliance avec les nations qu il donnera en héritage à son Église; sa lumière qui s’est levée au milieu des ténèbres ; son Nom proclamé de l’aurore au couchant ; après avoir, en ce jour de la Vocation des Gentils, invité toutes les nations, tous les peuples, à louer la miséricorde et la Vérité éternelles, s’adresse à Jérusalem, figure de l’Église, et l’appelle, par la bouche d’Isaïe, à jouir de la Lumière qui se lève aujourd’hui sur la race humaine tout entière.

    CAPITULE. (ISAÏE, LX.)

Surge, illuminare, Jerusalem, quia venit lumen tuum, et gloria Domini super te orta est.

    Lève-toi, Jérusalem ! sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi.

 

    L’Hymne vient ensuite ; et c’est ce beau cantique de Sédulius dont nous avons chanté les premières strophes dans les Laudes de Noël. L’Église y célèbre les trois Épiphanies. Bethléhem, le Jourdain et Cana témoignent tour à tour de la gloire du grand Roi Jésus.

    

    HYMNE.

Crudelis Herodes, Deum Regem venire quid times ? Non eripit mortalia, Qui regna dat caelestia.        

Ibant Magi, quam viderant Stellam sequentes praeviam; Lumen requirunt lumine; Deum fatentur munere.

Lavacra puri gurgitis Coelestis Agnus attigit: Peccata quae non detulit, Nos abluendo sustulit.

Novum genus potentiae: Aquae rubescunt hydriae, Vinumque jussa fundere, Mutavit unda originem.

Jesu, tibi sit gloria,

Qui te revelas Gentibus,

Cum Patre, et almo Spiritu, In sempiterna saecula.

Amen.

V. Reges Tharsis et insulae munera offerent.

R. Reges Arabum et Saba dona adducent.

 

    Cruel Hérode, que crains-tu de l’arrivée d’un Dieu qui vient régner? 11 ne ravit pas les sceptres mortels, lui qui donne les royaumes célestes.

    Les Mages s’avançaient, suivant l’étoile qu’ils avaient vue et qui marchait devant eux : la lumière les conduit à la Lumière ; leurs présents proclament un Dieu.

    Le céleste Agneau a touché l’onde du lavoir de pureté ; dans un bain mystique, il lave en nous des péchés qu’il n’a point commis.

    Nouveau prodige de puissance! L’eau rougit dans les vases du festin ; docile, et changeant sa nature, elle s’écoule en flots de vin.

    O Jésus! qui vous révélez aux Gentils, gloire à vous, avec le Père et l’Esprit divin, dans les siècles éternels!

    Amen.

    V/. les Rois de Tharsis et des îles lointaines lui offriront des présents.

    R/. Les Rois de l’Arabie et de Saba lui apporteront des dons.

 

    ANTIENNE DE Magnificat.

Magi videntes stellam, dixerunt ad invicem: Hoc signum magni Regis est : eamus et inquiramus eum, et offeramus ei munera, aurum, thus et myrrham. Alleluia.     

    Les Mages, voyant l’étoile, se dirent l’un à l’autre : Voici le signe du grand Roi; allons à sa recherche, et offrons-lui en présent l’or, l’encens et la myrrhe. Alléluia.

    Le Cantique Magnificat, page 41.

    COLLECTE.

Deus, qui hodierna die Unigenitum tuum Gentibus, stella duce, revelasti: concede propitius, ut qui jam to ex fide cognovimus, usque ad contemplandam speciem tuae celsitudinis perducamur. Per eumdem.

    O Dieu, qui avez manifesté aujourd’hui, par une étoile, votre Fils unique aux Gentils : faites, dans votre bonté, que nous qui vous connaissons déjà par la foi, nous arrivions un jour à contempler l’éclat de votre gloire. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

 

    Les chants de l’Église en l’honneur de l’auguste Théophanie sont commencés. Demain, l’offrande du grand Sacrifice viendra réunir tous les vœux; achevons cette journée dans le recueillement et l’allégresse.

    L’Office des Matines est d’une grande magnificence ; mais comme il n’est pas fréquenté par les fidèles, nous nous abstiendrons d’en reproduire ici les particularités. Dans l’Église de Milan, les Matines de l’Épiphanie sont célébrées la nuit comme celles de Noël, et se composent pareillement de trois Nocturnes, contre l’usage de la Liturgie Ambrosienne qui n’a ordinairement qu’un seul Nocturne à Matines. Le peuple y assiste avec un grand concours : et cette sainte Veille est presque aussi fréquentée que celle de la Naissance du Sauveur.

 

VI JANVIER.

 

    Le jour des Mages, le jour du Baptême, le jour du Festin nuptial est arrivé ; les trois puissants rayons du Soleil de justice luisent sur nous. Les ténèbres matérielles sont aussi moins épaisses ; la nuit a déjà perdu de son empire, la lumière progresse de jour en jour. Dans son humble berceau, les membres sacrés du divin Enfant prennent accroissement et force. Aux Bergers, Marie le fit voir étendu dans la crèche ; aux Mages, elle va le présenter sur ses bras maternels. Les présents que nous avons à lui offrir doivent être préparés : suivons donc nous aussi l’étoile, et mettons-nous en marche pour Bethléhem, la Maison du Pain de vie.

 

    A TIERCE.

    L’Hymne et les trois Psaumes dont se compose l’Office de Tierce se trouvent ci-dessus, page 29.

Ant. Venit lumen tuum, Jerusalem, et gloria Domini super te orta est : et ambulabunt gentes in lumine tuo. Alleluia.    

Ant. Ta lumière a brillé, ô Jérusalem ! et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi, et les nations marcheront à ta lumière. Alleluia.

    CAPITULE. (Isaïe, LX.)

Surge, illuminare, Jerusalem ; quia venit lumen tuum lumen tuum, et gloria Domini super te orta est.

R. br. Reges Tharsis et insulae munera offerent : * Alleluia, alleluia. Reges Tharsis.

V. Omnes de Saba venient, alleluia.

R. Arum et thus deferentes, alleluia.

 

    Lève-toi, Jérusalem ! sois illuminée; car ta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi.

    R/. br. Les Rois de Tharsis et des îles lointaines lui offriront des présents : * Alleluia, alleluia. Les Rois de Tharsis.

    V/. Les Rois de l’Arabie et de Saba lui apporteront des dons. * Alleluia, alleluia. Gloire au Père. Les Rois de Tharsis.

    V/. La foule viendra de Saba, alleluia,

    R/. Lui apporter l’or et l’encens, alleluia.

    Pour conclure, on dit l’Oraison Deus qui hodierna die, ci-après, à la Messe, page 55.

 

    A LA MESSE.

    A Rome, la Station est à Saint-Pierre, au Vatican, près de la tombe du Prince des Apôtres, à qui toutes les nations ont été données en héritage dans le Christ.

    L’Église ouvre les chants de la Messe solennelle en proclamant l’arrivée du grand Roi que la terre attendait, et sur la naissance duquel les Mages sont venus consulter les oracles prophétiques, en Jérusalem.

    INTROÏT.

Ecce advenit Dominator Dominus: et regnum in manu ejus, et potestas et imperium.

Ps. Deus, judicium tuum Regi da: et justitiam tuam Filio Regis. Gloria Patri. Ecce advenit.    

    Il est venu, le souverain Seigneur ; il tient dans sa main le règne, la puissance et l’empire.

    Ps. O Dieu, donnez au Roi la science du jugement, et au Fils du Roi le soin de votre justice. Gloire au Père. Il est venu.

 

    Après le Cantique des Anges, la sainte Église, toute réjouie des splendeurs de l’étoile qui conduit la Gentilité au berceau du divin Roi, implore, dans la Collecte, la grâce de contempler cette Lumière vivante pour laquelle la foi nous prépare, et dont la splendeur nous illuminera éternellement.

    COLLECTE.

Deus, qui hodierna die Unigenitum tuum Gentibus, stella duce, revelasti: concede propitius, ut qui jam te ex fide cognovimus, usque ad contemplandam speciem tuae celsitudinis perducamur. Per eumdem.

    O Dieu, qui avez manifesté aujourd’hui, par une étoile, votre Fils unique aux Gentils : faites, dans votre bonté, que, vous connaissant déjà par la foi, nous arrivions un jour à contempler l’éclat de votre gloire. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

    ÉPÎTRE.

Lectio Isaiae Prophetae. Cap. LX.

    Surge, illuminare, Jerusalem : quia venit lumen tuum, et gloria Domini super te orta est. Quia ecce tenebrae operient terram, et caligo populos; super te autem orietur Dominus, et gloria ejus in te videbitur. Et ambulabunt Gentes in lumine tuo, et Reges in splendore ortus tui. Leva in circuitu oculos tuos, et vide : omnes isti congregati sunt, venerunt tibi: filii tui de longe venient, et filiae tu aede latere surgent. Tunc videbis et afflues, et mirabitur et dilatabitur cor tuum, quando conversa fuerit ad te multitudo maris, fortitudo Gentium venerit tibi. Inundatio camelorum operiet te, dromedarii Madian et Epha: omnes de Saba venient, aurum et thus deferentes, et laudem Domino annuntiantes.

 

    Lecture du Prophète Isaïe. Chap. LX.

    Lève-toi, Jérusalem ; sois illuminée ; carta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Les ténèbres couvriront la terre, une nuit sombre enveloppera les peuples ; mais sur toi le Seigneur se lèvera, et sa gloire éclatera sur toi. Et les Nations marcheront à ta lumière, et les Rois à la splendeur de ta clarté naissante. Lève les yeux, considère autour de toi, et vois : tous ceux-ci, que tu vois rassemblés, sont venus pour toi. Des fils te sont venus de loin, et des filles se lèvent à tes côtés. En ce jour, tu verras, et tu seras dans l’opulence, et ton cœur sera dans l’admiration, et il se dilatera : en ce jour où la multitude des nations qui habitent les bords de la mer se tournera vers toi, quand la force des Gentils viendra à toi. Les chameaux, les dromadaires de Madian et d’Epha, arriveront chez toi comme un déluge : la foule viendra de Saba t’apporter l’or et l’encens, en chantant la louange du Seigneur.

 

    O gloire infinie de ce grand jour, dans lequel commence le mouvement des nations vers l’Église, la vraie Jérusalem ! O miséricorde du Père céleste qui s’est souvenu de tous ces peuples ensevelis dans les ombres de la mort et du crime ! Voici que la gloire du Seigneur s’est levée sur la Cité sainte ; et les Rois se mettent en marche pour l’aller contempler. L’étroite Jérusalem ne peut plus contenir ces flots des nations ; une autre ville sainte est inaugurée ; et c’est vers elle que va se diriger cette inondation des peuples gentils de Madian et d’Epha. Dilate ton sein, dans ta joie maternelle, ô Rome ! Tes armes t’avaient assujetti des esclaves ; aujourd’hui ce sont des enfants qui arrivent en foule à tes portes ; lève les yeux, et vois : tout cela est à toi ; l’humanité tout entière vient prendre dans ton sein une nouvelle naissance. Ouvre tes bras maternels ; et accueille-nous, nous tous qui venons du Midi et de l’Aquilon, apportant l’encens et l’or à Celui qui est ton Roi et le nôtre.

    GRADUEL.

Omnes de Saba venient, aurum et thus deferentes, et laudem Domino annuntiantes.

V. Surge et illuminare, Jerusalem, quia gloria Domini super te orta est.

Alleluia, alleluia.

V. Vidimus stellam ejus in Oriente: et venimus cum muneribus adorare Dominum. Alleluia.

 

    La foule viendra de Saba t’apporter l’or et l’encens, en chantant la louange du Seigneur.

    V/. Lève-toi, Jérusalem; sois illuminée, parce que la gloire du Seigneur s’est levée sur toi.

    Alleluia, alleluia.

    V/. Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus, avec des présents, adorer le Seigneur. Alleluia.

 

    ÉVANGILE.

Sequentia sancti Evangelii secundum Matthaeum. Cap. II.

    Cum natus esset Jesus in Bethlehem Juda, in diebus Herodis regis, ecce Magi ab Oriente venerunt Jerosolymam, dicentes : Ubi est qui natus est Rex Iudaeorum ? vidimus enim stellam ejus in Oriente, et venimus adorare eum. Audiens autem Herodes rex, turbatus est, et omnis Jerosolyma cum illo. Et congregans omnes principes sacerdotum, et scribas populi, sciscitabatur ab eis ubi Christus nasceretur. At illi dixerunt ei: In Bethlehem Iudae : sic enim scriptum est per Prophetam : Et tu, Bethlehem, terra Juda, nequaquam minima es in principibus Juda : ex te enim exiet dux qui regat populum meum Israel. Tunc Herodes, clam vocatis Magis, diligenter didicit ab eis tempus stellae, quae apparuit eis: et mittens illos in Bethlehem, dixit : Ite, et interrogate diligenter de puero : et cum inveneritis, renuntiate mihi, ut et ego veniens adorem eum. Qui cum audissent regem, abierunt. Et ecce stella quam viderant in Oriente antecedebat eos, usque dum veniens staret supra ubi erat puer. Videntes autem stellam, gavisi sunt gaudio magno valde. Et
intrantes domum, invenerunt puerum cum Maria matre ejus, (ici on se met à genoux) et procidentes adoraverunt eum. Et apertis thesauris suis, obtulerunt ei munera, aurum, thus et myrrham. Et responso accepto in somnis ne redirent ad Herodem, per aliam viam reversi sunt in regionem suam.

 

    La suite du saint Évangile selon saint Matthieu. Chap. II.

    Jésus étant né en Bethléhem de Juda, aux jours du roi Hérode, voici que des Mages vinrent d’Orient à Jérusalem, et ils disaient: Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l’adorer. A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et toute la ville de Jérusalem avec lui. Et rassemblant tous les Princes des prêtres et les Docteurs du peuple, il leur demandait où le Christ devait naître. Et ils lui dirent: En Bethléhem de Juda; car il est écrit par le Prophète : Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n’es pas la moindre entre les principales villes de Juda; car de toi sortira le Chef qui régira mon peuple d’Israël. Alors Hérode, ayant appelé les Mages en secret, s’enquit d’eux avec grand soin du temps auquel l’étoile leur avait apparu. Et les envoyant à Bethléhem, il leur dit: Allez et informez-vous exactement de cet enfant, et lorsque vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que je vienne aussi l’adorer. Ayant ouï ces paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les précédait, jusqu’à ce que, étant arrivée sur le lieu où était l’enfant, elle s’y arrêta. Lorsqu’ils revirent l’étoile, ils furent transportés de joie, et étant entrés dans la maison, ils trouvèrent l’Enfant avec Marie sa mère, et se prosternant (ici on se met à genoux), ils l’adorèrent, et ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent pour présents l’or, l’encens et la myrrhe. Et ayant reçu en songe l’ordre de ne point aller trouver Hérode, ils s’en retournèrent dans leur pays par un autre chemin.

 

    Les Mages, prémices de la Gentilité, ont été introduits auprès du grand Roi qu’ils cherchaient, et nous les avons suivis. L’Enfant nous a souri comme à eux. Toutes les fatigues de ce long voyage qui mène à Dieu sont oubliées ; l’Emmanuel reste avec nous, et nous avec lui. Bethléhem, qui nous a reçus, nous garde à jamais ; car à Bethléhem nous possédons l’Enfant et Marie sa Mère. En quel lieu du monde trouverions-nous des biens aussi précieux ? Supplions celte Mère incomparable de nous présenter elle-même ce Fils qui est notre lumière, notre amour, notre Pain de vie, au moment où nous allons approcher de l’autel vers lequel nous conduit l’Étoile de la foi. Dès ce moment ouvrons nos trésors ; tenons à la main notre or, notre encens et notre myrrhe, pour le nouveau-né. Il agréera ces dons avec bonté; il ne demeurera point en retard avec nous. Quand nous nous retirerons comme les Mages, comme eux aussi nous laisserons nos cœurs sous le domaine du divin Roi ; et ce sera aussi par un autre chemin, par une voie toute nouvelle, que nous rentrerons dans cette patrie mortelle qui doit nous retenir encore, jusqu’au jour où la vie et la lumière éternelle viendront absorber en nous tout ce qui est de l’ombre et du temps.

    Dans les églises cathédrales et autres insignes, après le chant de l’Évangile, on annonce au peuple avec pompe le jour de la prochaine fête de Pâques. Cet usage, qui remonte aux premiers siècles de l’Église, rappelle le lien mystérieux qui unit les grandes solennités de l’Année liturgique, et aussi l’importance que les fidèles doivent mettre à la célébration de celle de Pâques qui est la plus grande de toutes, et le centre de la Religion tout entière. Après avoir honoré le Roi des nations dans l’Épiphanie, il nous restera donc à célébrer, au temps marqué, le triomphateur de la mort. Voici la forme en laquelle se fait cette annonce solennelle :    

    L’ANNONCE DE LA PAQUE.

Noveritis, fratres carissimi, quod annuente Dei misericordia, sicut de Nati- vitate Domini nostri Jesu Christi gavisi sumus, ita et de Resurrectione ejusdem Salvatoris nostri gaudium vobis annuntiamus. Die.. . erit Dominicam Septuagesima . . . Dies cinerum, et initium jejunii sacratissimae Quadragesimae . . . Sanctum Pascha Domini nostri Jesu Christi cum gaudio celebrabimus. Dominica secunda post Pascha, Dioecesana Synodus habebitur . . . erit Ascensio Domini nostri Jesu Christi . . . Festum Pentecostes . . . Festum sacratissimi Corporis Christi . . . Dominica prima Adventus Domini nostri Jesu Christi, cui est honor et gloria in saecula saeculorum.

Amen.

    Sachez, bien-aimés Frères, que, par la miséricorde de Dieu, de même que nous avons goûté l’allégresse de la Nativité de notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi nous vous annonçons aujourd’hui les joies prochaines de la Résurrection de ce même Dieu et Sauveur. Le……….. sera le Dimanche de la Septuagésime.

    Le……… sera le jour des Cendres, et l’ouverture du jeûne de la très sainte Quarantaine. Le…. nous célébrerons avec transport la sainte Pâque de notre Seigneur Jésus-Christ. Le second Dimanche après Pâques, on tiendra le Synode diocésain. Le…. on célébrera l’Ascension de notre Seigneur Jésus-Christ. Le…. la fête de la Pentecôte. Le…. la fête du très saint Corps

    du Christ. Le…… sera le premier Dimanche de l’Avent de notre Seigneur Jésus-Christ , à qui est honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen.

 

    Durant l’Offertoire, la sainte Église, en présentant à Dieu le pain et le vin, emprunte les paroles du Psalmiste, et célèbre les Rois de Tharsis, d’Arabie et de Saba, tous les rois de la terre et tous les peuples, accourus pour offrir leurs présents au nouveau-né.

 

    OFFERTOIRE.

Reges Tharsis et insulae munera offerent : Reges Arabum et Saba dona adducent : et adorabunt eum omnes Reges terra ; omnes gentes servient ei.

    Les Rois de Tharsis et des îles lointaines lui offriront des présents ; les Rois d’Arabie et de Saba lui apporteront leurs dons ; tous les Rois de la terre l’adoreront ; toutes les nations lui seront assujetties.

    SECRETE.

Ecclesiae tua, quaesumus, Domine, dona propitius intuere, quibus non jam aurum, thus et myrrha profertur : sed quod eisdem muneribus declaratur, immolatur et sumitur, Jesus Christus Filius tuus Dominus noster. Qui tecum.

    REGARDEZ, s’il VOUS plaît, d’un œil favorable, Seigneur, les dons de votre Église, qui ne vous offre pas de l’or, de l’encens et de la myrrhe, mais Celui-là même qui est figuré par ces présents, et qui maintenant est immolé et donné en nourriture, Jésus-Christ, votre Fils, notre Seigneur, qui vit et règne avec vous.

 

    La Préface de la Messe de l’Épiphanie est particulière à la Fête et à son Octave. L’Église y célèbre la lumière immortelle apparaissant à travers les voiles de l’humanité sous laquelle le Verbe divin est venu, par amour, cacher sa gloire.

    PREFACE.

Vere dignum et justum est, aequum et salutare, nos tibi semper et ubique gratias agere: Domine sancte, Pater omnipotens, sterne Deus : quia cum Unigenitus tuus in substantia nostra mortalitatis apparuit, nova nos immortalitatis sua lute reparavit. Et ideo cum Angelis et Archangelis, cum Thronis et Dominationibus, cumque omni militia coelestis exercitus, hymnum gloria tua canimus, sine fine dicentes: Sanctus, Sanctus, Sanctus.

    Oui, c’est une chose digne et juste; équitable et salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant , Dieu éternel : de ce que votre Fils unique apparaissant dans la substance de notre mortalité, nous a restaurés par cette nouvelle manifestation de la lumière de son immortelle splendeur. Donc, avec les Anges et les Archanges, avec les Trônes et les Dominations, avec l’armée entière des cieux, nous chantons l’hymne de votre gloire, disant, sans jamais cesser : Saint ! Saint ! Saint !

 

    Pendant la Communion, la sainte Église, unie à Celui qui est son Roi et son Époux, chante l’Étoile messagère d’un tel bonheur, et se félicite d’avoir marché à sa lumière ; car elle a trouvé Celui qu’elle cherchait.

    COMMUNION.

Vidimus stellam ejus in Oriente : et venimus cum muneribus adorare Dominum.

    Nous avons vu son étoile en Orient , et nous sommes venus, avec des présents, adorer le Seigneur.

    De si hautes faveurs exigent de nous une rare fidélité ; l’Église la demande dans la Postcommunion, et implore le don d’intelligence et la pureté que réclame un si ineffable mystère.

    POSTCOMMUNION.

Praesta, quaesumus, omnipotens Deus, ut qua solemni celebramus officio, purificatae mentis intelligentia consequamur. Per Dominum.

    Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que, par l’intelligence d’un esprit purifié, nous puissions goûter le mystère que nous célébrons par ce solennel service. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

 

    A SEXTE.

    Hymne et les trois Psaumes dont se compose l’Office de Sexte se trouvent ci-dessus, page 32.

Ant. Apertis thesauris suis, obtulerunt Magi Domino aurum, thus et myrrham. Alleluia.

    Ant. Les Mages, ouvrant leurs trésors, offrirent au Seigneur l’or, l’encens et la myrrhe. Alleluia.

    CAPITULE. (Isaïe, LX.)

Leva in circuitu oculos tuos et vide : omnes isti congregati sunt, venerunt tibi : filii tui de longe venient, et filiae tuae de latere surgent.

R. br. Omnes de Saba venient : *Alleluia, alleluia. Omnes.

V. Aurum et thus deferentes : * alleluia, alleluia. Gloria. Omnes.

V. Adorate Dominum, alleluia.

R. In aula sancta ejus, alleluia.    

 

Lève les yeux, considère autour de toi, et vois : tous ceux-ci que tu vois rassemblés, sont venus pour toi : des fils te sont venus de loin, et des filles se lèvent à tes côtés.

    R/. La foule viendra de Saba : * Alleluia, alleluia. La foule.

    V/. Lui apporter l’or et l’encens. * Alleluia, alleluia. Gloire au Père. La foule.

    V/. Adorez le Seigneur, alleluia,

    R/. Dans son saint temple, alleluia.

 

    Pour conclure, on dit l’Oraison Deus qui hodierna die, ci-dessus, à la Messe, page 55.

 

    A NONE.

    L’Hymme et les trois Psaumes dont se compose l’Office de None se trouvent ci-dessus, page 35.

Ant. Stella ista sicut flamma coruscat, et Regem Deum demonstrat : Magi eam viderunt, et magno Regi munera obtulerunt.

    Ant. Cette étoile brille comme une flamme et manifeste le Dieu, Roi des rois; les Mages l’ont vue, et sont venus offrir leurs présents au grand Roi.

 

    CAPITULE. (Isaïe, LX.)

Omnes de Saba venient, aurum et thus deferentes, et laudem Domino annuntiantes.
R. br. Adorate Dominum : * Alleluia, alleluia. Adorate.

V. In aula sancta ejus. * Alleluia, Alleluia. Gloria. Adorate.

V. Adorate Deum, alleluia.

R. Omnes Angeli ejus, alleluia.

    

La foule viendra de Saba apporter l’or et l’encens, en chantant les louanges du Seigneur.

    R/. Adorez le Seigneur : * Alleluia, alleluia. Adorez.

    V/. Dans son saint temple. * Alleluia, alleluia. Gloire au Père. Adorez.

    V/. Adorez Dieu, alleluia,

    R/. Vous tous, ô ses Anges ! Alleluia.

 

    Pour conclure, on dit l’Oraison Deus qui hodierna die, ci-dessus, à la Messe, page 55.

 

LES SECONDES VÊPRES DE L’ÉPIPHANIE.

 

    Les secondes Vêpres de notre grande fête sont presque semblables aux premières. Les mêmes Antiennes expriment la Théophanie, la divine Apparition ici-bas de ce Verbe éternel engendré avant l’aurore, et descendu pour être notre Sauveur ; la gloire du Seigneur qui se lève sur Jérusalem, et les nations marchant à sa lumière ; les Mages ouvrant leurs trésors, et déposant leurs mystiques présents aux pieds du royal Enfant ; les mers, les fleuves et les fontaines sanctifiés dans le baptême de l’Homme-Dieu ; la splendeur merveilleuse de l’Étoile qui nous indique le Roi des rois.

    Le cinquième Psaume n’est plus celui que nous avons chanté hier, et qui conviait toutes les nations à louer le Seigneur. L’Église lui substitue aujourd’hui le CXIII°, In exitu Israel de Aegypto (page 39), dans lequel, après avoir célébré la délivrance d’Israël, David flétrit les idoles des nations, ouvrage de la main des hommes, et qui doivent tomber en présence de l’Emmanuel. Tous les peuples sont associés à l’adoption de Jacob. Dieu va bénir, non plus seulement la maison d’Israël et la maison d’Aaron, mais encore tous ceux qui craignent le Seigneur, de quelque race, de quelque nation qu’ils soient.

    Le Capitule, ci-dessus, aux premières Vêpres, page 53.

    L’Hymne Crudelis Herodes, à la suite du Capitule.

 

    Après l’Hymne, on chante le Verset suivant :

V. Reges Tharsis et insulae munera offerent.

R. Reges Arabum et Saba dona adducent.

    V/. Les rois de Tharsis et des îles lointaines lui offriront des présents.

    R/. Les rois d’Arabie et de Saba lui apporteront des dons.

 

    Dans l’Antienne du Cantique de Marie, la sainte Église résume encore une fois le triple mystère de la solennité.

    ANTIENNE DE Magnificat.

ANT. Tribus miraculis ornatum diem sanctum colimus: hodie stella Magos duxit ad praesepium: hodie vinum ex aqua factum est ad nuptias : hodie in Jordane a Joanne Christus baptizari vomit, ut salvaret nos. Alleluia.

    Ant. Nous honorons un jour marqué par trois prodiges : aujourd’hui, l’étoile a conduit les Mages à la crèche; aujourd’hui, l’eau a été changée en vin au festin nuptial; aujourd’hui, le Christ a voulu être baptisé par Jean dans le Jourdain, pour notre salut. Alleluia.

    ORAISON.

Deus, qui hodierna die Unigenitum tuum Gentibus stella duce revelasti: concede propitius, ut qui jam te ex fide cognovimus, usque ad contemplandam speciem tuae celsitudinis perducamur. Per eumdem.

    O Dieu, qui avez manifesté aujourd’hui, par une étoile, votre Fils unique aux Gentils ; faites, dans votre bonté, que nous qui vous connaissons déjà par la foi, nous arrivions un jour à contempler l’éclat de votre gloire. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

    Durant tout le cours de l’Octave, nous placerons à chaque jour quelques pièces empruntées aux anciennes Liturgies et employées par les diverses Églises à célébrer, les unes le triple mystère de l’Épiphanie, d’autres la venue des Mages, ou le Baptême du Christ ; quelques-unes enfin la Naissance du Dieu Enfant, ou la divine Maternité de la Vierge.

    Nous commencerons aujourd’hui par cette Hymne de saint Ambroise, que chante l’Église de Milan :

    HYMNE.

    Illuminans Altissimus Micantium astrorum globos, Pax, vita, lumen, veritas, Jesu, fave precantibus.

Seu mystico baptismate, Fluenta Jordanis retro Conversa quondam tertio, Praesentem sacraris diem.

Seu stella partum Virginis Coelo micans signaveris,

Et hac adoratum die Praesepe Magos duxeris.

Vel hydriis plenis aqua Vini saporem infuderis: Hausit minister conscius Quod ipse non impleverat.

Gloria tibi, Domine,

Qui apparu isti hodie,

Cum Patre et Sancto Spiritu, In sempiterna saecula. Amen.

 

Dieu Très-Haut, qui allumez l’éclatant flambeau des sphères célestes, Jésus ! paix, vie, lumière, vérité, soyez propice à nos prières.

    Soit que, par votre baptême mystique, vous rendiez ce jour à jamais sacré, sanctifiant les flots du Jourdain qui jadis remonta trois fois vers sa source ;

    Soit que vous annonciez au ciel l’enfantement de la Vierge par une étoile étincelante, et conduisiez en ce jour les Mages à la crèche, pour vous adorer ;

    Soit que vous donniez la saveur du vin aux amphores remplies d’eau, et fassiez goûter au serviteur la liqueur qu’il n’y avait pas versée :

    Gloire à vous, ô Seigneur, qui avez apparu aujourd’hui ; gloire à vous avec le Père et l’Esprit divin, dans les siècles éternels. Amen.

 

    La Préface suivante est empruntée au Sacramentaire de saint Gélase :

    PREFACE.

Vere dignum et justum est, aequum et salutare, te laudare mirabilem Dominum in omnibus operibus tuis, quibus regni tui mysteria revelasti. Hancque enim festivitatem index puerperae virginalis stella praecessit, quae natum in terra coeli Dominum Magis stupentibus nuntiaret, ut manifestandus mundo Deus, et coelesti denunciaretur indicio, et temporaliter procreatus, signorum temporalium ministerio panderetur.

 

    Il est vraiment digne et juste, équitable et salutaire de vous louer, Seigneur, qui êtes admirable dans toutes vos œuvres,au moyen desquelles vous avez révélé les mystères de votre royaume. Une étoile messagère de l’enfantement virginal a annoncé la solennité présente, faisant connaître aux Mages étonnés que le Seigneur du ciel était né sur la terre. Ainsi le Dieu qui devait être manifesté au monde, est déclaré par un indice céleste, et Celui qui devait connaître une naissance temporelle, est manifesté au moyen des signes qui règlent le temps.

    Le livre des Séquences de l’Abbaye de Saint-Gall nous a fourni celle que nous donnons ci-après, composée au IX° siècle par le célèbre Notker.

    SEQUENCE.

Festa Christi omnis christanitas celebret.

Quae miris sunt modis ornata, cunctisque veneranda populis.

Per omnitenentis adventum, atque vocationem Gentium.

Ut natus est Christus, est stella Magis visa lucida.

At illi non cassam putantes tanti signi gloriam,

Secum munera deferunt, parvulo offerunt, ut Regi coeli quem sidus paedicat.

Atque aureo tumidi principis lectulo transito, Christi praesepe quaeritant.

Hinc ira saevi Herodis fervida invidi recens rectori genito.

Bethlehem parvulos praecipit ense crudeli perdere.

O Christe ! quantum Patri exercitum, juvenis doctus ad bella maxima, populis praedicans colliges, sugens cum tantum miseris.

Anno hominis tricesimo, subtus famuli se inclyti inclinaverat magnus Deus, consecrans nobis baptisma, in absolutionem criminum.

Ecce Spiritus in specie ipsum alitis innocuae, uncturus sanctis pro omnibus, visitat, semper ipsius contentus mansione pectoris.

Patris etiam insonuit vox pia, veteris oblita sermonis: paenitet me fecisse hominem.

Vere Filius es tu meus, mihimet placitus, in quo sum placatus : hodie, Fili mi, genui te.

Huic omnes auscultate populi praeceptori. Amen.

 

    Que la chrétienté tout entière célèbre les solennités du Christ.

    Elles sont éclatantes, de merveilles, vénérables à tous les peuples.

    Elles honorent l’avènement du maître de toutes choses et la vocation des Gentils.

    Quand le Christ fut né, une étoile parut aux yeux des Mages.

    Les Mages ont compris que l’astre ne brille pas en vain d’un tel éclat.

    Ils portent des présents, pour les offrir, comme à un Roi céleste, à l’enfant que leur annonce l’étoile.

    Ils dédaignent, en passant, le lit cou vert d’or d’un prince superbe : c’est la crèche du Christ qu’ils recherchent.

    La colère du farouche Hérode s’allume ; il est envieux du Roi nouveau-né.

    Il ordonne d’immoler, par un glaive cruel, les enfants de Bethlehem.

    O Christ ! quelle armée tu formeras pour ton Père, à l’âge où, devenu homme, apte à de plus grands combats, tu prêcheras ta doctrine au peuple, si aujourd’hui, encore à la mamelle, tu lui envoies de si nombreux bataillons.

    A trente ans, à l’âge d’homme, le grand Dieu s’inclina sous la main d’un illustre serviteur, rendant sacré ce baptême qui devait remettre nos crimes.

    L’Esprit-Saint, sous la forme d’un innocent oiseau, le visite, pour opérer en lui cette onction qui surpasse celle de tous les saints ; il habitera à jamais son cœur avec délices.

    La voix pleine de tendresse du Père retentit ; le Père a oublié cette parole qu’il prononça jadis : « Je me repens d’avoir créé l’homme ».

    Elle dit : « Tu es vrai-ce ment mon Fils, l’objet de mes complaisances ; aujourd’hui, je t’ai engendré, mon Fils. »

    Peuples, écoutez tous ce Docteur. Amen.

 

    Les Menées de l’Église Grecque, au jour de la Nativité du Sauveur, nous donnent les belles strophes suivantes :

    IN NATALI DOMINI.

Gloria in excelsis Deo, in Bethlehem audio ab Angelis; in terra pacem fieri hominibus bonae voluntatis. Nunc Virgo coelis amplior ; exortum est enim lumen sedentibus in tenebris, et exaltavit humiles ac angelice canentes : Gloria in excelsis Deo.

Laetare, Israel; laudem dicite omnes qui diligitis Sion. Solutum est vinculum damnationis Adam ; Paradisus apertus est nobis; serpens debilitatus est : quam enim deceperat principio, nunc contemplatur Creatoris Matrem effectam. 0 abyssus divitiarum et sapientiae et scientiae Dei ! Quae mortem in omnem carnem introduxerat peccati opus, salutis principium facta est per Deiparam. Parvulus enim ex ea nascitur, omniperfectus Deus, et per partum Virginitati apponit sigillum, peccatorum catenas fasciis resolvens, et propria infantia. Evae moeste parturientis doloribus medelam afferens. Choreas ducat nunc omnis creatura et exsultet: ad revocandam enim eam advenit Christus, et ad salvandas animas nostras.

Nativitas tua, Deus noster, lumen gnoseos attulit mundo : in ipsa enim qui adorabant sidera, a sidere discunt adorare te Solem Iustitiae, et cognoscere Orientem ex alto: Domine, gloria tibi.

Eden in Bethlehem apertum est: venite, videamus, thesaurum absconditum inveniemus ; venite, teneamus in antro quae sunt in Paradiso. Hic apparuit radix non irrigata, germinans veniam ; hic invenitur puteus infossus e cujus aqua olim David bibere desideravit; hic Virgo parvulum enixa, sitim Davidis et Adami ocius sedavit ideoque magis festinemus ad locum ubi natus est parvulus novus ante saecula Deus.

Gaudete j usti ; coeli jubilate, exsultate montes : Christus natus est ; Virgo sedet, Cherubim imitata, portans in sinu suo Deum Verbum caro factum; pastores natum glorificant Magi Domino dona offerunt Angeli hymnificantes clamant : Incomprehensibilis Domine, gloria tibi.

 

    Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! c’est le cri des Anges en Bethléhem; sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté. Le sein de la Vierge est plus vaste que le ciel; une lumière s’est levée sur ceux qui étaient assis dans les ténèbres. Cette lumière a exalté les humbles et ceux qui chantent avec les Anges : Gloire à Dieu au plus haut des cieux !

    Réjouis-toi, Israël ; chantez la louange, vous tous qui aimez Sion. Le lien de la damnation d’Adam a été brisé; le Paradis nous a été ouvert, et le Serpent a perdu sa force. Celle qu’il avait trompée au commencement, il la voit maintenant Mère du Créateur. O abîme des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! celle qui avait introduit en toute chair la mort, ouvrage du péché, est devenue, par une Mère de Dieu, le principe du salut. Car le petit enfant qui naît d’elle est le Dieu très parfait : dans sa naissance même, il maintient le sceau de la virginité; par ses langes il délie les liens du péché, et, par son enfance, il apporte le remède aux douleurs d’Ève qui n’enfantait qu’avec tristesse. Que toute créature mène le chœur, et se réjouisse ; car le Christ est venu la rappeler à la vie et sauver nos âmes.

    Ta naissance, ô notre Dieu, a apporté au monde la lumière de la science ; par elle, ceux qui adoraient les astres apprennent d’un astre à t’adorer, Soleil de justice ; à te reconnaître, céleste Orient : gloire à toi, Seigneur !

    Justes, réjouissez-vous ; cieux, tressaillez ; montagnes, bondissez: le Christ est né. La Vierge est assise ; semblable aux Chérubins, elle porte sur ses genoux, comme sur un trône, le Dieu Verbe fait chair. Les bergers glorifient le nouveau-né ; les Mages offrent des présents au Seigneur; les Anges chantent ce cantique : Seigneur incompréhensible, gloire à toi !

 

    Pour honorer la pure et glorieuse Mère de notre divin Roi, empruntons cette Séquence au pieux moine Herman Contract :

    SEQUENCE.

Ave, praeclara maris stella, in lucem gentium, Maria, divinitus orta.

Euge, Dei porta, quae non aperta; veritatis lumen, ipsum Solem iustitiae, indutum carne, ducis in orbem.

Virgo decus mundi, regina coeli, praeelecta ut sol, pulchra lunaris ut fulgor : agnosce omnes te diligentes.

Te plena fide, virgam almae stirpis Jesse nascituram priores desideraverant

Patres et Prophetae.

Te lignum vitae, Sancto rorante Pneumate parituram divini floris amygdalum, signavit Gabriel.

Tu Agnum, Regem terrae dominatorem, Moabitici de petra deserti ad montem filiae Sion traduxisti.

Tuque furentem Leviathan, serpentem tortuosum et vectem collidens, damnoso crimine mundum exemisti.

Hinc gentium nos reliquiae, tuae sub cultu memoriae, mirum in modum quem es enixa Agnum regnantem coelo aeternaliter, revocamus ad aram, mactandum mysterialiter.

Hinc manna verum Israelitis veris, vert Abrahae filiis admirantibus, quondam Moysi quod Typus figurabat, jam nunc abducto velo datur perspici. Ora Virgo, nos illo pane coeli dignos effici.

Fac fontem dulcem, quem in deserto petra praemonstravit, degustare cum sincera fide, renesque constringi lotos in mari, anguem aeneum in cruce speculari.

Fac igni sancto Patrisque verbo, quod, rubus ut flammam, tu portasti, Virgo mater facta, pecuali distinctos pede, mundos labiis cordeque propinquare.

Audi nos: nam te Filius nihil negans honorat.

Salva nos, Jesu, pro quibus Virgo mater te orat.

Da fontem boni visere, da purae mentis oculos in te defigere.

Quo haustu sapientiae saporem vit valeat mens intelligere.

Christianismi fidem operibus redimire, beatoque fine ex hujus incolatu, saeculi auctor, ad te transire. Amen.

 

    Salut, glorieuse Étoile de la mer ; votre lever divin, ô Marie, présage la lumière aux nations.

    Salut, Porte céleste, fermée à tout autre qu’à Dieu ! Vous introduisez en ce monde la Lumière de vérité, le Soleil de justice, revêtu de notre chair.

    Vierge, beauté du monde, Reine du ciel, brillante comme le soleil, belle comme l’éclat de la lune, jetez les yeux sur tous ceux qui vous aiment.

    Dans leur foi vive, les anciens Pères et les Prophètes vous désirèrent sous l’emblème de ce rameau qui devait naître sur l’arbre fécond de Jessé.

    Gabriel vous désigna comme l’arbre de vie qui devait produire, par la rosée de l’Esprit-Saint, l’amandier à la divine fleur.

    C’est vous qui avez conduit l’Agneau-Roi, le Dominateur de la terre, de la pierre du désert de Moab à la montagne de la fille de Sion.

    Vous avez écrasé Léviathan, malgré ses fureurs, et brisé les anneaux de ce tortueux serpent, en délivrant le monde du crime qui causa sa damnation.

    Nous donc, restes des nations, pour honorer votre mémoire, nous appelons sur l’autel, pour l’immoler mystérieusement, l’Agneau de propitiation, Roi éternel des cieux, le fruit de votre enfantement merveilleux.

    Les voiles étant abaissés, il nous est donné à nous, vrais Israélites, heureux fils du véritable Abraham, de contempler, dans notre admiration, la manne véritable que figurait le type mosaïque : priez, ô Vierge, que nous soyons rendus dignes du Pain du ciel.

    Donnez-nous de nous désaltérer, avec une foi sincère, à cette douce fontaine représentée par celle qui sortit de la pierre du désert; que nos reins soient ceints de la ceinture mystérieuse ; que nous traversions heureusement la mer, et qu’il nous soit donné de contempler sur la croix le serpent d’airain.

    Les pieds mystérieusement dégagés de leurs chaussures, les lèvres pures, le cœur sanctifié, donnez-nous d’approcher du feu saint, le Verbe du Père, que vous avez porté, comme le buisson porta la flamme, ô Vierge devenue mère !

    Écoutez-nous ; car votre Fils aime à vous honorer en vous exauçant toujours.

    Sauvez-nous, ô Jésus ! nous pour qui la Vierge-Mère vous supplie.

    Donnez-nous de contempler la source de tout bien, d’arrêter sur vous les yeux purifiés de notre âme.

    Que notre âme, désaltérée aux sources de la Sagesse, puisse aussi percevoir la saveur de la vraie Vie.

    Qu’elle orne par les œuvres la foi chrétienne qui habite en elle, et que, par une heureuse fin, elle passe de cet exil vers vous, Auteur du monde. Amen.

 

    Nous venons à notre tour vous adorer, ô Christ, dans cette royale Épiphanie qui rassemble aujourd’hui à vos pieds toutes les nations. Nous nous pressons sur les pas des Mages ; car, nous aussi, nous avons vu l’étoile, et nous sommes accourus. Gloire à vous, notre Roi ! à vous qui dites dans le Cantique de votre aïeul David : « C’est moi qui ai été établi Roi sur Sion, sur la montagne sainte, pour annoncer la loi du Seigneur. Le Seigneur m’a dit qu’il me donnerait les nations pour héritage, et l’empire jusqu’aux confins de la terre. Maintenant donc, ô rois, comprenez ; instruisez-vous, arbitres du monde ! » (Psalm. II.)

    Bientôt vous direz, ô Emmanuel, de votre propre bouche : « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre » (MATTH. XXVIII) ; et, quelques années plus tard, l’univers entier sera sous vos lois. Déjà Jérusalem s’émeut ; Hérode tremble sur son trône ; mais l’heure approche où les hérauts de votre avènement iront annoncer à la terre entière que Celui qui était l’attente des nations est arrivé. La parole qui doit vous soumettre le monde partira ; elle s’étendra au loin comme un vaste incendie. En vain les puissants de la terre tenteront de l’arrêter dans son cours. Un Empereur, pour en finir, proposera au Sénat de vous inscrire solennellement au rang de ces dieux que vous venez renverser ; d’autres croiront qu’il est possible de refouler votre domination par le carnage de vos soldats. Vains efforts ! le jour viendra où le signe de votre puissance ornera les enseignes prétoriennes, où les Empereurs vaincus déposeront leur diadème à vos pieds, où cette Rome si fière cessera d’être la capitale de l’empire de la force, pour devenir à jamais le centre de votre empire pacifique et universel.

    Ce jour merveilleux, nous en voyons poindre l’aurore ; vos conquêtes commencent aujourd’hui, ô Roi des siècles ! Du fond de l’Orient infidèle, vous appelez les prémices de cette gentilité que vous aviez délaissée, et qui va désormais former votre héritage. Plus de distinction de Juif ni de Grec, de Scythe ni de barbare. Vous avez aimé l’homme plus que l’Ange, puisque vous relevez l’un, et laissez l’autre dans sa chute. Mais si, durant de longs siècles, votre prédilection fut accordée à la race d’Abraham, désormais votre préférence est pour nous Gentils. Israël ne fut qu’un peuple, et nous sommes nombreux comme les sables de la mer, comme les étoiles du firmament. Israël fut placé sous la loi de crainte ; vous avez réservé pour nous la loi d’amour.

    Dès aujourd’hui vous commencez, ô divin Roi, à éloigner de vous la Synagogue qui dédaigne votre amour ; aujourd’hui vous acceptez pour Épouse la Gentilité, dans la personne des Mages. Bientôt votre union avec elle sera proclamée sur la croix, du haut de laquelle, tournant le dos à l’ingrate Jérusalem, vous étendrez les bras vers la multitude des peuples. O joie ineffable de votre Naissance ! mais joie plus ineffable encore de votre Épiphanie, dans laquelle il nous est donné à nous, déshérités jusqu’ici, d’approcher de vous, de vous offrir nos dons, et de les voir agréés par votre miséricorde, ô Emmanuel !

    Grâces vous soient donc rendues, Enfant tout-puissant, « pour l’inénarrable don de la foi » (II Cor. IX, 15) qui nous transfère de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière ! Mais donnez-nous de comprendre toujours toute l’étendue d’un si magnifique présent, et la sainteté de ce grand jour où vous formez alliance avec la race humaine tout entière, pour arriver avec elle à ce mariage sublime dont parle votre éloquent Vicaire, Innocent III : « mariage, dit-il, qui fut promis au patriarche Abraham, juré au roi David, accompli en Marie devenue Mère, et aujourd’hui consommé, confirmé et déclaré : consommé dans l’adoration des Mages, confirmé dans le baptême du Jourdain, déclaré dans le miracle de l’eau changée en vin. » Dans cette fête nuptiale où l’Église votre Épouse, née à peine, reçoit déjà les honneurs de Reine, nous chanterons, ô Christ, dans tout l’enthousiasme de nos cœurs, cette sublime Antienne des Laudes, où les trois mystères se fondent si merveilleusement en un seul, celui de votre Alliance avec nous :

    

ANT. Hodie coelesti Sponso juncta est Ecclesia, quoniam in Jordane lavit Christus ejus crimina : currunt cum muneribus Magi ad regales nuptias, et ex aqua facto vino laetantur convivae. Alleluia.

    Ant. Aujourd’hui l’Église s’unit au céleste Époux : ses péchés sont lavés par le Christ dans le Jourdain; les Mages accourent aux Noces royales, apportant des présents ; l’eau est changée en vin, et les convives du festin sont dans la joie. Alleluia.

 

LE DIMANCHE DANS L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE.

    (Si l’Épiphanie tombe le Samedi, le lendemain Dimanche on célèbre la Messe et les Vêpres en la forme ci-après. Autrement, cet Office est remis au jour dans l’Octave qui se trouvera être un Dimanche.)

    A LA MESSE.

    C’est encore la Royauté du divin Enfant que l’Église proclame en tête des Cantiques qui doivent accompagner la célébration du saint Sacrifice, en ce Dimanche dans l’Octave de l’Épiphanie. Elle chante le Trône de l’Emmanuel, et s’unit aux concerts des Anges qui célèbrent son empire éternel. Adorons aussi avec les Esprits bienheureux le Roi des siècles, dans son Épiphanie.

    INTROÏT.

In excelso throno vidi sedere virum, quem adorat multitudo Angelorum psallentes in unum : ecce cujus imperii nomen est in aeternum.

Ps. Jubilate Deo omnis terra : servite Domino in laetitia. Gloria Patri. In excelso.

    Sur un trône élevé, j’ai vu assis un homme ; la multitude des Anges l’adorent, répétant en chœur : C’est lui dont l’Empire est éternel.

    Ps. Jubilez à Dieu, habitants de la terre ; servez le Seigneur dans l’allégresse. Gloire au Père. Sur un trône élevé.

 

    Les vœux que la sainte Église exprime au Père céleste dans la Collecte, sont d’avoir part à la lumière de notre divin Soleil, qui seul peut nous révéler la voie où nous devons marcher, et par sa chaleur vivifiante nous donner les forces pour arriver jusqu’à lui.

    COLLECTE.

    Vota, quaesumus, Domine, supplicantis populi coelesti pietate prosequere : ut et quae agenda surit, videant ; et ad implenda quae viderint, convalescant. Per Dominum.

 

Recevez, Seigneur, dans votre céleste bonté, les vœux et les supplications de votre peuple; et faites que vos fidèles connaissent ce qu’ils doivent faire, et deviennent forts pour accomplir ce qu’ils auront connu. Par notre Seigneur Jésus-Christ.

    Mémoire de l’Épiphanie.

Deus, qui hodierna die Unigenitum tuum Gentibus, stella duce, revelasti: concede propitius, ut qui jam te ex fide cognovimus, usque ad contemplandam speciem tuae celsitudinis perducamur. Per eumdem

    O Dieu, qui avez manifesté aujourd’hui, par une étoile, votre Fils unique aux Gentils ; faites, dans votre bonté, que nous qui vous connaissons déjà par la foi, nous arrivions un jour à contempler l’éclat de votre gloire. Par le môme Jésus-Christ notre Seigneur.

    ÉPÎTRE.

Lectio Epistolae beati Pauli Apostoli ad Colossenses. Cap. III.

    Fratres, induite vos, sicut electi Dei, sancti, et dilecti, viscera misericordiae, benignitatem, humilitatem, modestiam, patientiam, supportantes invicem, et donantes vobismetipsis, si quis adversus aliquem habet querelam sicut et Dominus donavit vobis, ita et vos. Super omnia autem haec, caritatem habete, quod est vinculum perfectionis : et pax Christi exsultet in cordibus vestris, in qua et vocati estis in uno corpore; et grati estote. Verbum Christi habitet in vobis abundanter, in omni sapientia, docentes, et commonentes vosmetipsos, psalmis, hymnis, et canticis spiritualibus, in gratia cantantes in cordibus vestris Deo. Omne quodcumque facitis, in verbo aut in opere, omnia in nomine Domini nostri Jesu Christi, gratias agentes Deo et Patri per Jesum Christum Dominum nostrum.

 

    Lecture de l’Épître du bienheureux Apôtre Paul aux Romains. CHAP. XII.

    Mes Frères, je vous conjure, parla miséricorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, capable d’un culte spirituel. Ne vous conformez point au siècle présent ; mais soyez transformés par le renouvellement de votre esprit, pour reconnaître la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable à ses yeux et parfait. Je vous exhorte donc vous tous, par la grâce qui m’a été donnée, de ne point être sages plus qu’il ne faut être sage ; mais d’être sages avec sobriété, chacun selon la mesure du don de la foi que Dieu vous a départie. Car, comme dans un seul corps nous avons plusieurs membres, et que tous ces membres n’ont pas la même fonction : ainsi, quoique nous soyons plusieurs, nous ne sommes néanmoins qu’un seul corps en Jésus-Christ, étant réciproquement les membres les uns des autres, en Jésus-Christ notre Seigneur.

 

    L’Apôtre nous invite à faire notre offrande au Dieu nouveau-né, à l’exemple des Mages ; mais l’offrande que désire ce Seigneur de toutes choses n’est pas une offrande inerte et sans vie. Il se donne tout entier, lui qui est la Vie ; en retour, présentons-lui, dans notre cœur, une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, dont l’obéissance à la grâce divine soit raisonnable, c’est-à-dire fondée sur l’intention formelle de s’offrir. Comme les Mages encore qui revinrent dans leur patrie par un autre chemin, évitons tout rapport avec les idées de ce siècle, c’est-à-dire du monde, ennemi secret de notre aimable Roi. Réformons notre vaine prudence sur la divine sagesse de Celui qui, étant la Sagesse éternelle du Père, peut bien, sans doute, être aussi la nôtre. Comprenons que nul ne fut jamais sage sans la foi, qui nous révèle que l’amour doit nous unir tous pour ne former qu’un même corps en Jésus-Christ, participant de sa vie, de sa sagesse, de sa lumière et de sa royauté.

    Dans les chants qui suivent, l’Église continue d’exalter l’ineffable merveille du Dieu avec nous, la paix et la justice descendues du ciel sur nos humbles collines.

    GRADUEL.

Benedictus Dominus Deus Israel, qui facit mirabilia magna solus a saeculo.

V. Suscipiant montes pacem populo tuo, et colles justitiam.

Alleluia. Alleluia.

V. Jubilate Deo, omnis terra : servite Domino in laetitia. Alleluia.    

 

Béni notre Seigneur, le Dieu d’Israël, qui seul opère de telles merveilles à jamais.

    V/. Que les montagnes de votre peuple soient visitées par la paix ; que les collines reçoivent la justice.

    Alleluia, alleluia.

    V/. Jubilez à Dieu, habitants de la terre ; servez le Seigneur dans l’allégresse. Alleluia.

    ÉVANGILE.

Sequentia sancti Evangelii secundum Lucam. Cap. II.

    Cum factus esset Jesus annorum duodecim, ascendentibus illis Jerosolymam secundum consuetudinem diei festi, consummatisque diebus, cum redirent, remansit puer Jesus in Jerusalem, et non cognoverunt parentes ejus . Existimantes autem ilium esse in comitatu, venerunt iter diei, et requirebant eum inter cognatos et notas. Et non in- venientes, regressi sunt in Jerusalem, requirentes eum. Et factum est, post triduum invenerunt ilium in templo sedentem in medio doctorum, audientem illos, et interrogantem eos. Stupebant autem omnes, qui eum audiebant, super prudentia et responsis ejus. Et videntes admirati sunt. Et dixit mater ejus ad illum: Fili, quid fecisti nobis sic ? ecce pater tuus et ego dolentes quaerebamus te. Et ait ad illos: Quid est quod me quaerebatis ? Nesciebatis quia in his quae Patris mei sunt, oportet me esse ? Et ipsi non intellexerunt verbum, quod locutus est ad eos. Et descendit cum eis, et venit Nazareth : et erat subditus illis. Et mater ejus conservabat omnia verba haec in corde suo. Et Jesus proficiebat sapientia, et aetate, et gratia apud Deum et homines.

 

    La suite du saint Évangile selon saint Luc. CHAP. II.

    Jésus étant âgé de douze ans, Marie et Joseph montèrent à Jérusalem, selon qu’ils avaient accoutumé à cette fête. Comme ils s’en retournaient, les jours de la fête étant passés, l’Enfant Jésus demeura dans Jérusalem ; et ses parents ne s’en aperçurent pas. Mais, pensant qu’il serait avec ceux de leur compagnie, ils marchèrent durant un jour, et ils le cherchaient parmi leurs parents et ceux de leur connaissance. Et ne l’ayant pas trouvé, ils retournèrent a Jérusalem pour l’y chercher. Et il arriva que, après trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. Or, ceux qui l’entendaient étaient dans la surprise de sa sagesse et de ses réponses. Lors donc qu’ils le virent, ils furent dans l’étonnement, et sa mère lui dit : Mon Fils, pourquoi avez-vous agi ainsi envers nous ? Voilà votre père et moi qui vous cherchions tout affligés. Et il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois vaquer à ce qui regarde le service de mon Père ? Et ils ne comprirent pas cette parole qu’il leur disait. Et il descendit avec eux et vint à Nazareth; et il leur était soumis. Et sa mère conservait dans son cœur toutes ces paroles. Et Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.

 

    C’est ainsi, ô Jésus, que pour nous enseigner vous êtes venu du ciel La faiblesse de l’enfance, sous les traits de laquelle vous vous montrez à nous, n’arrête point votre ardeur à nous faire connaître le seul Dieu qui a fait toutes choses, et vous, son Fils, qu’il a envoyé. Étendu dans la crèche, d’un seul regard vous avez instruit les bergers ; sous vos humbles langes, dans votre silence volontaire, vous avez révélé aux Mages la lumière qu’ils cherchaient en suivant l’étoile. A douze ans, vous expliquez aux docteurs d’Israël les Écritures qui rendent témoignage de vous ; peu à peu vous dissipez les ombres de la Loi par votre présence et par vos paroles. Pour accomplir les ordres de votre Père céleste, vous ne craignez pas d’inquiéter le cœur de votre Mère, en cherchant ainsi des âmes à éclairer. Votre amour pour les hommes transpercera bien plus durement encore ce tendre cœur, au jour où, pour le salut de ces mêmes hommes, Marie vous verra suspendu au bois de la croix, expirant dans toutes les douleurs. Soyez béni, ô Emmanuel, dans ces premiers mystères de votre enfance, où vous apparaissez déjà uniquement occupé de nous, et préférant à la société même de votre Mère ces hommes pécheurs qui doivent un jour conspirer votre mort.

    Pendant l’Offrande, l’Église continue de faire entendre les cantiques de joie que lui inspire la présence de l’Enfant divin.

    OFFERTOIRE.

Jubilate Deo, omnis terra: servite Domino in laetitia: intrate in conspectu ejus in exsultatione: quia Dominus ipse est Deus.

    Jubilez à Dieu, habitants de la terre : servez le Seigneur dans l’allégresse : entrez en sa présence avec des transports de joie ; car ce Seigneur Enfant c’est Dieu lui-même.

    SECRETE.

Oblatum tibi Domine Sacrificium vivificet et muniat nos semper Per Dominum nostrum.

    Faites, Seigneur, que le Sacrifice qui vous est offert nous vivifie et nous fortifie à jamais. Par notre Seigneur Jésus-Christ.

    Mémoire de l’Épiphanie.

Ecclesiae tuae, quæsumus Domine, dona propitius intuere ; quibus non jam aurum, thus et myrrha profertur ; sed quod eisdem muneribus declaratur, immolatur et sumitur, Jesus Christus Filius tuus Dominus noster. Qui tecum vivit et regnat.

    Regardez, s’il vous plaît, d’un œil favorable, Seigneur , les dons de votre Église, qui ne vous offre pas de l’or, de l’encens et de la myrrhe,mais Celui-là même qui est figuré par ces présents, et qui maintenant est immolé et donné en nourriture, Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur, qui vit et règne avec vous.

 

    En distribuant le Pain de vie descendu du ciel, l’Église répète les paroles de Marie à son divin Fils: Qu’avez-vous fait? Votre père et moi, nous vous cherchions. Le bon Pasteur, qui nourrit ses brebis de sa propre chair, répond qu’il se doit aux ordres de son Père céleste. Il est venu pour être notre Vie, notre lumière, notre nourriture : voilà pourquoi il quitte tout pour se donner à nous. Mais les docteurs du Temple ne firent que le voir et l’entendre, et nous, dans ce Pain vivant, nous le possédons, et nous goûtons sa douceur.

    COMMUNION.

Fili, quid fecisti nobis sic? Ego et pater tuus dolentes quaerebamus te. Et quid est, quod me quaerebatis? Nesciebatis quia in his quae Patris mei sunt oportet me esse?

    Mon Fils, pourquoi avez-vous agi ainsi envers nous ? Voici votre père et moi qui vous cherchions, tout affligés. — Pourquoi me cherchiez-vous ? ne saviez-vous pas que je dois vaquer à ce qui regarde le service de mon Père ?

    La sainte Église, qui vient de voir ses enfants ranimés par cette nourriture d’un si haut prix, demande pour eux la grâce de devenir agréables à Celui qui leur donne la preuve d’un si grand amour.

    POSTCOMMUNION.

Supplices te rogamus, omnipotens Deus : ut quos tuis reficis Sacramentis, tibi etiam placitis moribus dignanter de- servire concedas. Per Dominum nostrum Jesum Christum.

    Nous vous supplions humblement, Dieu tout-puissant, de faire que ceux que vous nourrissez par vos Sacrements, vous puissent servir par une vie et des actes qui vous soient agréables. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

    Mémoire de l’Épiphanie.

Praesta, quaesumus, omnipotens Deus: ut quae solemni celebramus officio, purificatae mentis intelligentia consequamur. Per Dominum nostrum Jesum Christum.

    Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que, par l’intelligence d’un esprit purifié, nous puissions goûter le Mystère que nous célébrons parce solennel service. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

 

    A VÊPRES.

    Les Antiennes et les Psaumes sont de l’Épiphanie, ci-dessus, page 52. Le Prêtre lit ensuite le Capitule.

    CAPITULE. (Rom. XII.)

Fratres, obsecro vos per misericordiam Dei, ut exhibeatis corpora vestra hostiam viventem, sanctam, Deo placentem, rationabile obsequium vestrum.

    Mes Frères, je vous conjure, par la miséricorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, capable d’un culte spirituel.

    L’Hymne Crudelis Herodes Deum, page 53.

    ANTIENNE DE Magnificat.

Ant. Fili, quid fecisti nobis sic ? Ego et pater tuus dolentes quaerebamus te. Et quid est, quod me quaerebatis ? Nesciebatis, quia in his, qua Patris mei sunt, oportet me esse ?

    Ant. Mon Fils, pourquoi avez-vous agi ainsi envers nous ? Voici votre père et moi qui vous cherchions, tout affligés. — Pourquoi me cherchiez-vous ? ne saviez-vous pas que je dois vaquer à ce qui regarde le service de mon Père?

    ORAISON.

Vota, quaesumus, Domine, supplicantis populi coelesti pietate prosequere : ut et quae agenda surit, videant ; et ad implenda quae viderint, convalescant. Per Dominum.

    Recevez, Seigneur, dans votre céleste bonté, les vœux et les supplications de votre peuple ; et faites que vos fidèles connaissent ce qu’ils doivent faire, et deviennent forts pour accomplir ce qu’ils auront connu. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

    Mémoire de l’Épiphanie.

ANT. Tribus miraculis ornatum diem sanctum colimus: hodie stella Magos duxit ad praesepium : hodie vinum ex aqua factum est ad nuptias : hodie in Jordane a Joanne Christus baptizari voluit, ut salvaret nos. Alleluia.

V. Omnes de Saba venient, alleluia.

R. Aurum et thus deferentes, alleluia.

    Ant. Nous honorons un jour marqué par trois prodiges: aujourd’hui, l’étoile a conduit les Mages à la crèche ; aujourd’hui, l’eau a été changée en vin au festin nuptial ; aujourd’hui le Christ a voulu être baptisé par Jean dans le Jourdain, pour notre salut. Alleluia.

    V/. La foule viendra de Saba, alleluia,

    R/. Lui apporter l’or et l’encens, alleluia.

    ORAISON.

Deus, qui hodierna die Unigenitum tuum Gentibus, stella duce, revelasti: concede propitius, ut qui jam te ex fide cognovimus, usque ad contemplandam speciem tuae celsitudinis perducamur. Per eumdem Dominum.

    O Dieu ! qui avez manifesté aujourd’hui, par une étoile, votre Fils unique aux Gentils : faites, dans votre bonté, que nous qui vous connaissons déjà par la foi, nous arrivions un jour à contempler l’éclat de votre gloire. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

VII JANVIER. LE DEUXIÈME JOUR DANS L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE.

    Une solennité aussi importante que celle de l’Épiphanie ne pouvait manquer d’être décorée d’une Octave. Cette Octave n’est inférieure en dignité qu’à celles de Pâques et de la Pentecôte ; et son privilège est supérieur à celui de l’Octave de Noël, qui admet les fêtes des rites double et semi-double, tandis que l’Octave de l’Épiphanie ne cède qu’à une fête Patronale de première classe. Il paraît même, d’après d’anciens Sacramentaires, que, dans l’antiquité, le lendemain et le surlendemain de l’Épiphanie étaient fêtes de précepte, comme les deux jours qui suivent les solennités de Pâques et de la Pentecôte. On connaît encore les Églises Stationales où le clergé et les fidèles de Rome se rendaient en ces deux jours.

    Afin d’entrer de plus en plus dans l’esprit de l’Église, pendant cette glorieuse Octave, nous contemplerons chaque jour le Mystère de la Vocation des Mages, et nous nous rendrons avec eux dans la sainte retraite de Bethléhem, pour offrir nos dons au divin Enfant vers lequel l’étoile les a conduits.

    Mais quels sont ces Mages, sinon les avant-coureurs de la conversion des peuples de l’univers au Seigneur leur Dieu, les pères des nations dans la foi au Rédempteur venu, les patriarches du genre humain régénéré? Ils apparaissent tout à coup en Bethléhem, au nombre de trois selon la tradition de l’Église, conservée par saint Léon, par saint Maxime de Turin, par saint Césaire d’Arles, par les peintures chrétiennes qui décorent les Catacombes de la ville sainte, dès l’âge des persécutions.

    Ainsi se continue en eux le Mystère déjà marqué par les trois hommes justes des premiers jours du monde : Abel, immolé comme figure du Christ ; Seth, père des enfants de Dieu séparés de la race de Caïn ; Enos, qui eut la gloire de régler le culte du Seigneur.

    Et ce second Mystère des trois nouveaux ancêtres du genre humain, après les eaux du déluge, et desquels toutes les races sont sorties: Sem, Cham et Japhet, fils de Noé.

    Enfin, ce troisième Mystère des trois aïeux du peuple choisi : Abraham, Père des croyants ; Isaac, nouvelle figure du Christ immolé ; Jacob, fort contre Dieu dans la lutte, et père des douze Patriarches d’Israël.

    Mais tous ces hommes, sur lesquels reposait cependant l’espoir du genre humain, selon la nature et selon la grâce, ne furent que les dépositaires de la promesse ; ils n’en saluèrent que de loin, comme dit l’Apôtre, l’heureux accomplissement. (Hebr. XI, 13.) Les nations ne marchèrent point à leur suite vers le Seigneur ; plus vive la lumière apparaissait sur Israël, et plus profond devenait l’aveuglement des peuples. Les trois Mages, au contraire, n’arrivent à Bethléhem que pour y annoncer et y précéder toutes les générations qui vont suivre. En eux, la figure arrive à la réalité la plus complète par la miséricorde du Seigneur, qui, étant venu chercher ce qui avait péri, a daigné tendre les bras à tout le genre humain, parce que le genre humain avait péri tout entier.

    Considérons-les encore, ces heureux Mages, investis du pouvoir royal, comme il sera facile de le prouver bientôt ; considérons-les figurés par ces trois Rois fidèles qui sont la gloire du trône de Juda, et maintiennent dans le peuple choisi les traditions de l’attente du Libérateur, en combattant l’idolâtrie: David, type sublime du Messie; Ezéchias, dont le bras courageux disperse les faux dieux, Josias, qui rétablit la loi du Seigneur que son peuple avait oubliée.

    Et si nous voulons un autre type de ces pieux voyageurs qui accourent, du fond de la Gentilité, pour saluer le Roi pacifique, en lui apportant des présents, les saints livres nous offrent la reine de Saba, figure de la Gentilité, qui, sur la renommée de la profonde sagesse de Salomon, dont le nom est le Pacifique, arrive en Jérusalem, avec ses chameaux tout chargés d’or, d’aromates et de pierres précieuses, et vénère, dans une de ses plus imposantes figures, la Royauté du Messie.

    C’est ainsi, ô Christ, que durant cette nuit profonde que la justice de votre Père avait laissé s’étendre sur le monde coupable, des éclairs de grâce sillonnaient le ciel, et promettaient des jours plus sereins, lorsque le Soleil de votre justice se serait enfin levé sur les ombres de la mort. Mais le temps de ces ombres funestes est passé pour nous; nous n’avons plus à vous contempler dans ces types fragiles et d’une lumière vacillante. C’est vous-même, ô Emmanuel, que nous possédons pour jamais. Le diadème qui brillait sur le front de la reine de Saba n’orne point notre tête ; mais nous n’en sommes pas moins accueillis à votre berceau. Vous avez convié des pâtres à entendre les premiers les leçons de votre doctrine : tout fils de l’homme est appelé à former votre cour ; devenu enfant, vous avez mis à la portée de tous les trésors de votre infinie sagesse. Quelle reconnaissance doit être la nôtre pour ce bienfait de la lumière de la Foi, sans laquelle nous ignorerions tout, croyant savoir toutes choses! Que la science de l’homme est petite, incertaine et trompeuse, auprès de celle dont vous êtes la source si près de nous ! Gardez-nous toujours, ô Christ ! Ne permettez pas que nous perdions l’estime de la lumière que vous faites briller à nos jeux, en la tempérant sous le voile de votre humble enfance. Préservez-nous de l’orgueil qui obscurcit tout, et qui dessèche le cœur ; confiez-nous aux soins de votre Mère Marie ; et que notre amour nous fixe à jamais près de vous, sous son œil maternel.

    Chantons maintenant, avec toutes les Églises, les Mystères de la glorieuse Épiphanie, et ouvrons la série de nos cantiques pour ce jour, par cette belle Hymne dans laquelle Prudence célèbre l’Étoile immortelle dont l’autre n’était que la figure.

    HYMNE.

Quicumque Christum quaeritis,

Oculos in altum tollite:

Mie licebit visere

Signum perennis gloriae.

Haec stella, qua solis rotam Vincit decore ac lumine, Venisse terris nuntiat

Cum came terrestri Deum.

Non illa servit noctibus, Secuta lunam menstruam: Sed solam coelum possidens Cursum dierum temperat.

Arctoa quamvis sidera In se retortis motibus

Obire nolint ; attamen Plerumque sub nimbis latent.

Hoc sidus aeternum manet Haec stella numquam mergitur

Nec nubis occursu abdita Obumbrat obductam facem.

Tristis cometa, intercidat, Et si quod astrum Sirio

Fervet vapore, jam Dei

Sub luce destructum cadet.

 

    O vous qui cherchez le Christ, levez les yeux en haut ; là, vous apercevrez le signe de son éternelle gloire.

    Une étoile, qui surpasse en beauté et en lumière le disque du soleil, annonce qu’un Dieu vient de descendre sur la terre, dans une chair mortelle.

    Cet astre n’est point un de ces flambeaux de la nuit, qui rayonnent autour de la lune: seul, il semble présider au ciel et marquer le cours du temps.

    Les deux Ourses qui brillent au Nord ne se couchent jamais ; cependant elles disparaissent souvent sous les nuages :

    L’Astre divin brille éternellement ; cette Étoile ne s’efface jamais ; la nuée dans son cours ne vient jamais couvrir d’ombre son brillant flambeau.

    Qu’elle pâlisse, la comète, messagère de tristesse ; et que l’astre enflammé des vapeurs produites par le Sinus, soit vaincu par le flambeau d’un Dieu.

    Nous réunissons ici trois solennelles Oraisons empruntées au Sacramentaire Grégorien.

    ORAISONS.

Deus, illuminator omnium gentium, da populis tuis perpetua pace gaudere, et illud lumen splendidum infunde cordibus nostris, quod trium Magorum mentibus aspirasti.

Omnipotens et sempiterne Deus, fidelium splendor animarum, qui hanc solemnitatem electionis gentium primitiis consecrasti; impie mundum gloria tua, et subditis tibi populis per luminis tui appare claritatem.

Concede nobis, omnipotens Deus, ut Salutare tuum nova caelorum luce mirabile, quod ad salutem mundi hodierna festivitate processit, nostris semper innovandis cordibus oriatur. Per Christum Dominum nostrum. Amen.

 

    O Dieu , qui illuminez toutes les nations, accordez à vos peuples de jouir d’une paix perpétuelle, et répandez dans nos cœurs cette lumière éclatante que vous avez allumée dans lame des trois Mages. Dieu tout-puissant et éternel , splendeur des âmes fidèles, qui avez consacré par les prémices des Gentils cette solennité de leur élection, remplissez le monde de votre gloire, et par l’éclat de votre lumière, apparaissez aux peuples qui vous sont soumis.

    Faites, ô Dieu tout-puissant, que le Sauveur envoyé par vous, qui s’annonce par un nouvel astre au ciel, et descend pour le salut du monde dans la solennité présente, se lève aussi sur nos coeurs pour les renouveler à jamais. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

    La Séquence que nous donnons ci-après est empruntée à nos anciens Missels Romains-Français.

    SEQUENCE.

Epiphaniam Domino canamus gloriosam,

Qua prolem Dei vere Magi adorant :

Immensam Chaldaei cujus Persaeque venerantur potentiam.

Quem cuncti Prophetae cecinere venturum, gentes ad salvandas:

Cujus Majestas ita est inclinata, ut assumeret servi formam.

Ante saecula qui Deus, et tempora, homo factus est in Maria :

Balaam de quo vaticinans: Exhibit et Jacob rutilans, inquit, stella,

Et confringet ducum agmina regionis Moab, maxima potentia.

Huic Magi munera deferunt praeclara: aurum, simul thus et myrrham.

Thure Deum praedicant, auro Regem magnum, hominem mortalem myrrha.

In somnis hos monet Angelus, ne redeant ad regem commotum propter regna;

Pavebat etenim nimium Regem natum, verens amittere regni jura.

Magi, stella sibi micante praevia, pergunt alacres itinera, patriam quae eos ducebat ad propriam, liquentes Herodis mandata.

Qui percussus corde nimium prae ira, extemplo mandat eludia magica non linqui taliter impunita, sed mox privari eos vita.

Omnis nunc caterva tinnulum jungat laudibus organi pneuma,

Mystice offerens Regi regum Christo munera, pretiosa,

Poscens ut per orbem regna omnia protegat in saecula sempiterna. Amen.

 

    Chantons au Seigneur la glorieuse Épiphanie ;

    Jour où les Mages adorent le vrai Fils de Dieu.

    La Chaldée et la Perse accourent vénérer sa puissance infinie.

    Tous les Prophètes l’avaient célébré, annonçant sa venue pour le salut des nations.

    Sa majesté s’est inclinée jusqu’à prendre la forme d’esclave.

    Dieu avant les siècles et les temps, il s’est fait homme en Marie.

    C’est Celui dont Balaam a prophétisé : « Une brillante étoile sortira de Jacob,

    « Et écrasera les armées des princes de la région de Moab, dans sa puissance souveraine.»

    Les Mages lui apportent d’illustres présents, de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

    Par l’encens ils proclament un Dieu, par l’or un grand Roi, par la myrrhe un homme mortel.

    En songe, un Ange les avertit de ne pas retourner près d’Hérode, devenu inquiet pour sa couronne.

    Il tremblait à la naissance du nouveau Roi, craignant de perdre son trône.

    Les Mages, sous la conduite de l’étoile qui brillait devant eux, prennent aussitôt la route qui les reconduit dans leur patrie, et méprisent les commandements d’Hérode.

    Ce prince, saisi au cœur d’une violente colère, donne ses ordres pour ne pas laisser impunie la pieuse fraude des Mages, et commande aussitôt qu’ils soient privés de la vie.

    Que cette assistance joigne donc sa voix de louanges au souffle vibrant de l’orgue ;

    Qu’elle offre au Christ Roi des rois des dons précieux et pleins de mystères ;

    Demandant qu’il daigne protéger tous les royaumes de l’univers, dans les’ siècles des siècles Amen.

 

    Saint Ephrem nous fournit cette Hymne gracieuse sur la Nativité du Sauveur.

    HYMNE.

Nascente Filio, altis resonat clamoribus Bethlehem. Coelo delapsi Vigiles canunt vocibus tonitruum imitantibus. Concentu exciti novo convenere silentes, silentium rupere laudes nascentis Filii Dei.

Plaudamus, aiebant, Infanti qui Evae Adaeque juventutis restituit annos. Confluxere pastores, gregum suorum proventum portantes, dulcis lactis copiam, mundas carnes, et decoram laudem.

Distinxere munera, carnes Josepho, Maria lac, Filio laudem. Obtulere agnum lactentem paschali Agno, primum Primo, hostiam Hostiae, agnum caduci temporis Agno veritatis sempiternae.

Decorum sane spectaculum ! agnus oblatus Agno ! balavit agnus Unigenito praesentatus, agnus Agno acceptam referebat gratiam, quod suo adventu greges et armenta mactationi subtraxisset, et novum a veteri Paschata traductum Pascha Filii introduxisset.

Ilium adoravere pastores, et prophetantes Pastorum Principem salutarunt. Mosaica virga, aiebant, tuum, universalis Pastor, sceptrum

commendat, quique illam gestavit Moses te magnum praedicat, dolens gregum suorum mutatas formas, et agnos in lupos transiisse, ac oves evasisse dracones, et ferocissimas bestias. Scilicet et istae in illa horribili solitudine passa fuerant malum, quando furentes rabidae in suum incubuere Pastorem.

Divine Puer, hanc tibi acceptam profitentur gratiam pastores, quod lupos et agnos in easdem caulas congregaveris : Puer Noe antiquior, et Noe recentior, qui intra arcam, pelago fremente, pacem dissidentibus vectoribus sanxisti.

David proavus tuus agni necem leonis cade vindicavit : tu vero, fili David, occultum peremisti lupum, a quo interfectus fuerat Adamus, agnus ille simplex, qui in Paradiso pastus est et balavit.

 

    Le Fils étant né, Bethlehem retentit de cris de jubilation. Ces Esprits qui toujours veillent, descendus du ciel, chantent en chœur; et l’éclat de leurs voix couvrirait le tonnerre. Excités par ces nouveaux concerts, les hommes qui étaient dans le silence, accoururent : ils viennent, à leur tour, interrompre la nuit par la louange du nouveau-né Fils de Dieu.

    « Fêtons, disaient-ils, l’enfant qui rend Eve et Adam à leur jeunesse première. » Les bergers arrivèrent, apportant le tribut de leurs troupeaux, un lait doux et abondant, une chair délicate et pure, et des chants harmonieux.

    Ainsi firent-ils leurs partages : les chairs à Joseph, le lait à Marie, au Fils les chants de louange. A l’Agneau pascal un agneau que sa mère allaitait encore, un premier-né au Premier-né, une victime à la Victime, un agneau du temps à l’Agneau de l’éternelle vérité.

    Admirable spectacle ! un agneau est offert à l’Agneau! Quand on le présenta au Fils unique, le fils de la brebis fit entendre son bêlement. L’agneau terrestre rendait grâces au divin Agneau, de ce que, par son avènement, il sauverait les troupeaux de l’immolation sanglante, et de ce que la Pâque nouvelle, instituée par le Fils de Dieu, viendrait bientôt remplacer l’antique Pâque.

    Les bergers l’adorèrent aussi, et saluèrent, en prophétisant, le Prince des Pasteurs. « La verge de Moïse, dirent-ils, Pasteur universel, glorifie ton sceptre ; et Moïse, qui a porté cette verge, célèbre ta grandeur ; mais il gémit du changement opéré dans son troupeau ; il se désole de voir ses agneaux changés en loups, ses brebis transformées en dragons et en bêtes féroces. Ce malheur arriva dans l’affreuse solitude du désert, quand, furieuses et pleines de rage, ces brebis s’attaquèrent à leur Pasteur.

    « Enfant divin, les bergers viennent t’offrir leurs actions de grâces, à toi qui as su réunir les loups et les agneaux dans la même Bergerie. Enfant plus ancien que Noé, et aussi né plus tard que ce patriarche, c’est toi qui, dans l’Arche, au milieu de l’agitation des flots, as mis la paix entre les êtres qu’elle transportait.

    « David ton aïeul venge la mort d’un agneau par la mort du lion : toi, ô fils de David, tu as exterminé le loup caché qu avait tué Adam, cet agneau rempli de simplesse, qui faisait entendre ses bêlements dans le Paradis. »

 

    L’Église Grecque nous donne, à la louange de la Vierge-Mère, ce beau chant de saint Joseph l’Hymnographe :

    DIE II JANUARII.

Ut inferiores superioribus ac coelestibus conjungeret solus omnium Deus, virginalem uterum ingressus est, cumque in similitudine carnis apparuisset, intermedio inimicitiae pariete sublato, pacem interposuit, vitamque ac divinam redemptionem largitus est.

Virgo casta post partum permansisti, O sanctissima: Deum enim Verbum genuisti similem nobis factum sine peccato.

Sana vulnera cordis mei, o puella, et motus animae meae recta ac felici tramite dirige, o Virgo, ad Dei voluntatem faciendam.

Salve, o unica Genitrix illius qui carnem emendicavit. Salve collapsi mundi erectio, o immaculatissima: salve, maeroris dissolutio; salve, salus fidelium; salve, throne Dei altissime.

Mente revolventes divine loqui Prophetae mysterii tui profunditatem, o Virgo, prophetice praenunciaverunt illud divino Spiritu illustrati. Nos vero cum illorum vaticinia opere completa nunc laeti intueamur, credimus.

0 Puella omnibus miraculis admirabilior; Muni genuisti qui est ante omnia saecula, nobis similem factum propter summam misericordiam suam, ut salvos faceret eos qui canunt : Benedictus es Deus Patrum nostrorum.

Divinis verbis tuis hominum generationes inhaerentes, beatam te dicunt, o semper beatissima, suaviter concinentes : Benedicite omnia opera Dominum.

0 Virgo bonorum amatrix, bonam effice animam meam, peccati malitia depravatam : tu enim bonum Deum ac Dominum peperisti.

Horrescunt Cherubim atque universa coelestis natura ob reverentiam venerandae Prolis tuae incomprehensibilis, o immaculatissima, quae similis facta est nobis propter ineffabilem misericordiam suam, et secundum carnem baptizata est, cujus divinam Apparitionem nunc omnes exsultantes celebramus.

 

    Pour réunir le monde inférieur au monde supérieur et céleste, le seul Dieu de toutes choses est entré au sein de la Vierge ; ayant apparu avec une chair semblable à la nôtre et détruit le mur de séparation, il lui a substitué la paix entre Dieu et l’homme, et a donné la vie et la divine rédemption.

    Vierge très sainte ! tu es demeurée chaste après l’enfantement; car tu nous as produit le Dieu Verbe devenu semblable à nous, mais sans péché.

    Guéris les plaies de mon cœur, ô jeune Mère ! Dirige les mouvements de mon âme dans la voie de la rectitude et du bonheur : que je fasse, ô Vierge, la volonté de Dieu.

    Salut, Mère unique de Celui qui a daigné adopter notre chair ! Salut, toi qui relevas le monde tombé, ô immaculée ! Salut, toi qui dissipes les ennuis ! Salut, toi qui sauves les fidèles ! Salut, trône sublime de Dieu!

    Les Prophètes aux divines paroles, repassant dans leur esprit la profondeur de ton mystère, ô Vierge, l’annoncèrent aux siècles futurs par la lumière du divin Esprit. Nous, qui avons le bonheur de voir accomplis leurs oracles, nous croyons.

    O jeune Vierge ! plus admirable que tous les miracles, tu as enfanté Celui qui est avant tous les siècles, qui s’est rendu semblable à nous par sa grande miséricorde, afin de sauver ceux qui chantent : Béni es-tu, Dieu de nos pères !

    Les générations humaines, répétant tes paroles, t’appellent bienheureuse , Mère fortunée ! Elles chantent avec mélodie : Créatures du Seigneur, bénissez-le.

    O Vierge ! amie des bons, rends pure mon âme dépravée par la malice du péché ; car c’ est toi qui as enfanté Celui qui est le Dieu bon et le Seigneur.

    Les Chérubins sont saisis d’étonnement, toute la nature céleste est émue de respect. Le Fils que tu enfantas d’une manière incompréhensible, ô immaculée ! il est devenu semblable à nous par son ineffable miséricorde ; il a été baptisé selon la chair, et nous célébrons tous aujourd’hui avec transport sa divine Épiphanie.

VIII JANVIER. LE TROISIÈME JOUR DANS L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE.

    Le grand Mystère de l’Alliance du Fils de Dieu avec son Église universelle, représentée dans l’Épiphanie par les trois Mages, fut pressenti dans tous les siècles qui précédèrent la venue de l’Emmanuel. La voix des Patriarches et des Prophètes le fit retentir par avance ; et la Gentilité elle-même y répondit souvent par un écho fidèle.

    Dès le jardin des délices, Adam innocent s’écriait, à l’aspect de la Mère des vivants sortie de son côté: « C’est ici l’os de mes os, la chair de ma chair ; l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à son épouse ; et ils seront deux dans une même chair. » La lumière de l’Esprit-Saint pénétrait alors l’âme de notre premier père; et, selon les plus profonds interprètes des mystères de l’Écriture, Tertullien, saint Augustin, saint Jérôme, il célébrait l’Alliance du Fils de Dieu avec l’Église, sortie par l’eau et le sang de son côté ouvert sur la croix ; avec l’Église, pour l’amour de laquelle il descendit de la droite de son Père, et s’anéantissant jusqu’à la forme de serviteur, semblait avoir quitté la Jérusalem céleste, pour habiter parmi nous dans ce séjour terrestre.

    Le second père dû genre humain, Noé, après     avoir vu l’arc de la miséricorde annonçant au ciel le retour des faveurs de Jéhovah, prophétisa sur ses trois fils l’avenir du monde. Cham avait mérité la disgrâce de son père ; Sem parut un moment le préféré : il était destiné à l’honneur de voir sortir de sa race le Sauveur de la terre ; cependant, le Patriarche, lisant dans l’avenir, s’écria : « Dieu dilatera l’héritage de Japhet ; et il habitera sous les tentes de Sem. » Et nous voyons peu à peu dans le cours des siècles l’ancienne alliance avec le peuple d’Israël s’affaiblir, puis se rompre; les races sémitiques chanceler, et bientôt tomber dans l’infidélité ; enfin le Seigneur embrasser toujours plus étroitement la famille de Japhet, la gentilité occidentale, si longtemps délaissée, placer à jamais dans son sein le Siège de la religion, l’établir à la tête de l’espèce humaine tout entière.

    Plus tard, c’est Jéhovah lui-même qui s’adresse à Abraham, et lui prédit l’innombrable génération qui doit sortir de lui. « Regarde le ciel, lui dit-il; compte les étoiles, si tu peux : tel sera le nombre de tes enfants. » En effet, comme nous l’enseigne l’Apôtre, plus nombreuse devait être la famille issue de la foi du Père des croyants, que celle dont il était la source par Sara; et tous ceux qui ont reçu la foi du Médiateur, tous ceux qui, avertis par l’Étoile, sont venus à lui comme à leur Seigneur, tous ceux-là sont les enfants d’Abraham.

    Le Mystère reparaît de nouveau dans le sein même de l’épouse d’Isaac. Elle sent avec effroi deux fils se combattre dans ses entrailles. Rébecca s’adresse au Seigneur, et il lui est répondu : « Deux peuples sont dans ton sein ; ils s’attaqueront l’un l’autre; le second surmontera le premier, et l’aîné servira le plus jeune. » Or, ce plus jeune, cet enfant indompté, quel est-il, selon l’enseignement de saint Léon et de l’Évêque d’Hippone, sinon ce peuple gentil qui lutte avec Juda pour avoir la lumière, et qui, simple fils de la promesse, finit par l’emporter sur le fils selon la chair ?

    C’est maintenant Jacob, sur sa couche funèbre, ayant autour de lui ses douze fils, pères des douze tribus d’Israël, assignant d’une manière prophétique le rôle à chacun dans l’avenir. Le préféré est Juda ; car il sera le roi de ses frères, et de son sang glorieux sortira le Messie. Mais l’oracle finit par être aussi effrayant pour Israël, qu’il est consolant pour le genre humain tout entier. « Juda, tu garderas le sceptre ; ta race sera une race de rois, mais seulement jusqu’au jour où viendra Celui qui doit être envoyé, Celui qui sera l’attente des Nations. »

    Après la sortie d’Égypte, quand le peuple d’Israël entra en possession de la terre promise, Balaam s’écriait, la face tournée vers le désert tout couvert des tentes et des pavillons de Jacob: « Je le verrai, mais non encore ; je le contemplerai, mais plus tard. Une Étoile sortira de Jacob; une royauté s’élèvera au milieu d’Israël. » Interrogé encore par le roi infidèle, Balaam ajouta : « Oh ! qui vivra encore quand Dieu fera ces choses? Ils viendront d’Italie sur des galères; ils soumettront les Assyriens ; ils dévasteront les Hébreux, et enfin ils périront eux-mêmes. » Mais quel empire remplacera cet empire de fer et de carnage ? celui du Christ qui est l’Étoile, et qui seul est Roi à jamais.

    David est inondé des pressentiments de ce grand jour. A chaque page, il célèbre la royauté de son fils selon la chair ; il nous le montre armé du sceptre, ceint de l’épée, sacré par le Père des siècles, étendant sa domination d’une mer à l’autre ; puis il amène à ses pieds les Rois de Tharsis et des îles lointaines, les Rois d’Arabie et de Saba, les Princes d’Éthiopie. Il célèbre leurs offrandes d’or et leurs adorations.

    Dans son merveilleux épithalame, Salomon vient ensuite décrire les délices de l’union céleste de l’Époux divin avec l’Église ; et cette Épouse fortunée n’est point la Synagogue. Le Christ l’appelle avec tendresse pour la couronner; mais sa voix s’adresse à celle qui habitait au delà des confins delà terre du peuple de Dieu. « Viens, dit-il, ma fiancée, viens du Liban ; descends des sommets d’Amana, des hauteurs de Sanir et d’Hermon ; sors des retraites impures des dragons, quitte les montagnes qu’habitent les léopards. » Et cette fille de Pharaon ne se trouble pas de dire : Je suis noire » ; car elle peut ajouter qu’elle a été rendue belle par la grâce de son Époux.

    Le Prophète Osée se lève ensuite, et il dit au nom du Seigneur : « J’ai choisi un homme, et il ne m’appellera plus Baal désormais. J’ôterai de sa bouche ce nom de Baal, et il ne s’en souviendra plus. Je m’unirai à toi pour jamais, homme nouveau ! Je sèmerai ta race par toute la terre ; j’aurai pitié de celui qui n’avait point connu la miséricorde; à celui qui n’était pas mon peuple, je dirai : mon peuple ! Et il me répondra : mon Dieu! »

    A son tour, le vieux Tobie, du sein de la captivité, prophétisa avec magnificence ; mais la Jérusalem qui doit recevoir les Juifs délivrés par Cyrus, disparaît à ses yeux, à l’aspect d’une autre Jérusalem plus brillante et plus belle. « Nos frères qui sont dispersés, dit-il, reviendront dans la terre d’Israël ; la maison de Dieu se rebâtira. Tous ceux qui craignent Dieu viendront s’y retirer ; les Gentils même laisseront leurs idoles, et viendront en Jérusalem, et ils y habiteront, et tous les rois de la terre y fixeront leur séjour avec joie, accourus pour adorer le Roi d’Israël. »

    Et si les nations doivent être broyées, dans la justice de Dieu, pour leurs crimes, c’est pour arriver ensuite au bonheur d’une alliance éternelle avec Jéhovah. Car voici ce qu’il dit lui-même, par son Prophète Sophonie : « Ma justice est de rassembler les nations, de réunir en faisceau les royaumes, et je répandrai sur elles mon indignation, et tout le feu de ma colère; la terre entière en sera dévorée. Mais ensuite je donnerai aux peuples une langue choisie, afin qu’ils invoquent tous le Nom du Seigneur, et qu’ils portent tous ensemble mon joug. Jusqu’au delà des fleuves de l’Éthiopie, ils m’invoqueront; les fils de mes races dispersées viendront m’apporter des présents. »

    Le Seigneur avait déjà dénoncé ses oracles de miséricorde par la bouche d’Ezéchiel : « Un seul Roi commandera à tous, dit Jéhovah ; il n’y aura plus deux nations, ni deux royaumes. Ils ne se souilleront plus avec leurs idoles ; dans les lieux mêmes où ils ont péché, je les sauverai ; ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu. Il n’y aura qu’un Pasteur pour eux tous. Je ferai avec eux une alliance de paix, un pacte éternel ; je les multiplierai, et mon sanctuaire sera au milieu d’eux à jamais. »

    C’est pourquoi Daniel, après avoir prédit les Empires que devait remplacer l’Empire Romain, ajoute : « Mais le Dieu du ciel suscitera à son tour un Empire qui jamais ne sera détruit, et dont le sceptre ne passera point à un autre peuple. Cet Empire envahira tous ceux qui l’ont précédé ; et lui, il durera éternellement. »

    Quant aux ébranlements qui doivent précéder rétablissement du Pasteur unique, et de ce sanctuaire éternel qui doit s’élever au centre de la Gentilité, Aggée les prédit en ces termes : « Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel, la terre et la mer ; je mêlerai toutes les nations ; et alors viendra le Désiré de toutes les nations. »

    Il faudrait citer tous les Prophètes pour donner tous les traits du grand spectacle promis au monde par le Seigneur au jour où, se ressouvenant des peuples, il devait les appeler aux pieds de son Emmanuel. L’Église nous a fait entendre Isaïe dans l’Épître de la Fête, et le fils d’Amos a surpassé ses frères.

    Si maintenant nous prêtons l’oreille aux voix qui montent vers nous du sein de la Gentilité, nous entendons ce cri d’attente, l’expression de ce désir universel qu’avaient annoncé les Prophètes hébreux. La voix des Sibylles réveilla l’espérance au cœur des peuples ; jusqu’au sein de Rome même, le Cygne de Mantoue consacre ses plus beaux vers à reproduire leurs consolants oracles : « Le dernier âge, dit-il, l’âge prédit par la Vierge de Cumes est arrivé ; une nouvelle série des temps va s’ouvrir ; une race nouvelle descend a du ciel. A la naissance de cet Enfant, l’âge de fer suspend son cours ; un peuple d’or s’apprête à couvrir la terre. Les traces de nos crimes seront effacées ; et les terreurs qui assiégeaient le monde se dissiperont. »

    Et comme pour répondre aux vains scrupules de ceux qui craignent de reconnaître, avec saint Augustin et tant d’autres saints Docteurs, la voix des traditions antiques s’énonçant par la bouche des Sibylles : Cicéron, Tacite, Suétone, philosophes et historiens gentils, viennent nous attester que le genre humain, dans leurs temps, attendait un Libérateur ; que ce Libérateur devait sortir, non seulement de l’Orient, mais de la Judée ; que les destinées d’un Empire qui devait renfermer le monde entier étaient sur le point de se déclarer.

    Ils partageaient cette universelle attente de votre arrivée, ô Emmanuel, ces Mages aux yeux desquels vous fîtes apparaître l’Étoile; et c’est pour cela qu’ils ne perdirent pas un instant, et se mirent tout aussitôt en route vers le Roi des Juifs dont la naissance leur était annoncée. Tant d’oracles s’accomplissaient en eux ; mais s’ils en recevaient les prémices, nous en possédons le plein effet. L’alliance est conclue, et nos âmes, pour l’amour desquelles vous êtes descendu du ciel, sont à vous ; l’Église est sortie de votre flanc divin, avec le sang et l’eau ; et tout ce que vous faites pour cette Épouse prédestinée, vous l’accomplissez en chacun de ses enfants fidèles. Fils de Japhet, nous avons dépossédé la race de Sem qui nous fermait ses tentes; le droit d’aînesse dont jouissait Juda nous a été déféré. Notre nombre, de siècle en siècle, tend à égaler le nombre des étoiles. Nous ne sommes plus dans les anxiétés de l’attente ; l’astre s’est levé, et la Royauté qu’il annonçait ne cessera jamais de répandre sur nous ses bienfaits. Les Rois de Tharsis et des îles, les Rois d’Arabie et de Saba, les Princes de l’Éthiopie sont venus, portant des présents ; mais toutes les générations les ont suivis. L’Épouse, établie dans tous ses honneurs, ne se souvient plus des sommets d’Amana, ni des hauteurs de Sanir et d’Hermon, où elle gémissait dans la compagnie des léopards ; elle n’est plus noire , mais elle est belle , sans taches, ni rides, et digne de l’Époux divin. Elle a oublié Baal pour jamais ; elle parle avec amour la langue que Jéhovah lui a donnée. L’unique Pasteur paît l’unique troupeau ; le dernier Empire poursuit ses destinées jusqu’à l’éternité.

    C’est vous, ô divin Enfant, qui venez nous apporter tous ces biens et recevoir tous ces hommages. Croissez, Roi des rois, sortez bientôt de votre silence. Quand nous aurons goûté les leçons de votre humilité, parlez en maître ; César-Auguste règne depuis assez longtemps ; assez longtemps Rome païenne s’est crue éternelle. Il est temps que le trône de la force cède la place au trône de la charité, que la Rome nouvelle s’élève sur l’ancienne. Les nations frappent à la porte et demandent leur Roi ; hâtez le jour où elles n’auront plus à venir vers vous, mais où votre miséricorde doit les aller chercher par la prédication apostolique. Montrez-leur Celui à qui toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre ; montrez-leur la Reine que vous leur avez choisie. De l’humble demeure de Nazareth, du pauvre réduit de Bethléhem, que l’auguste Marie s’élève bientôt, sur les ailes des Anges, jusqu’au trône de miséricorde, du haut duquel elle protégera tous les peuples et toutes les générations.

    Nous emprunterons maintenant aux diverses Églises quelques-uns des Cantiques dans les quels elles célèbrent l’Épiphanie du Seigneur. Le Prince des poètes de la Liturgie latine, Prudence, va chanter le voyage des Mages à Bethléhem.

    HYMNE.

En Persici ex orbis sinu, Sol unde sumit januam, Cernunt periti interpretes Regale vexillum Magi.

Quod ut refulsit, caeteri Cessere signorum globi:

Nec pulcher est ausus suam Conferre formam Lucifer.

Quis iste tantus, inquiunt, Regnator, astris imperans; Quem sic tremunt coelestia, Cui lux, et aethra inserviunt ?

Illustre quiddam cernimus,

Quod nesciat finem pati: Sublime,celsum, interminum, Antiquius coelo, et chao.

Hic ille Rex est Gentium, Populique Rex Judaïci, Promissus Abrahae Patri, Ejusque in aevum semini.

Aequanda nam stellis sua Cognovit olim germina Primus sator credentium, Nati immolator unici.

Jam flos subit Davidicus, Radice Jesse editus: Sceptrique per virgam virens, Rerum cacumen occupat.

Exin sequuntur perciti Fixis in altum vultibus,

Qua stella sulcum traxerat, Claramque signabat viam.

Sed verticem pueri supra Signum pependit imminens, Pronaque submissum face Caput sacratum prodidit.

Videre quod postquam Magi,

Eoa promunt munera, Stratique votis offerunt Thus, myrrham, et aurum

regium.

Agnosce clara insignia Virtutis, ac regni tui,

Puer o, cui trinam Pater Praedestinavit indolem.

Regem Deumque annuntiant

Thesaurus et fragrans odor Thuris Sabaei: ac myrrheus Pulvis sepulcrum praedocet.

Hoc est sepulcrum, quo Deus,

Dum corpus exstingui sinit, Atque id sepulcrum suscitat, Mortis refregit carcerem.

 

    Au sein de l’Empire persan, de cette contrée où se lève le soleil, des Mages, investigateurs habiles, aperçoivent l’étendard du Roi.

    A peine a-t-il brillé aux cieux que les autres sphères pâlissent : l’étoile du matin, malgré sa beauté, n’ose se montrer auprès de lui.

    « Quel est, disent les Mages, ce Roi qui commande aux astres, qui émeut les globes célestes, à qui la lumière et l’air obéissent?

    « Ce que nous voyons est le signe de Celui qui ne connaît pas de terme, le Dieu sublime, immense, sans limites, dont la durée précède celle du ciel et du chaos.

    « Il est le Roi des nations, le Roi du peuple judaïque ; il fut promis au Patriarche Abraham et à sa race, dans les siècles.

    « Ce premier Père des croyants, qui sacrifia son fils unique, connut que sa race serait un jour nombreuse comme les étoiles.

    « Voici que la fleur de David s’élève sur la tige de Jessé; la branche fleurit et devient un sceptre qui commande à l’univers. »

    L’œil fixé au ciel, les Mages suivent en hâte le sillon de lumière que l’étoile leur traçait à l’horizon, pour régler sur la terre la voie qu’ils devaient suivre.

    Le signe s’arrêta au-dessus de la tête de l’Enfant qu’ils cherchaient; il abaissa son flambeau, et leur découvrit cette tête sacrée.

    Les Mages le voient ; aussitôt ils ouvrent les trésors de l’Orient, et, prosternés, lui offrent l’encens, la myrrhe et l’or des rois.

    Reconnais les illustres symboles de ta puissance et de ta royauté, Enfant, à qui le Père a conféré par avance une triple destinée.

    L’or annonce le Roi, l’odeur suave de l’encens de Saba proclame le Dieu, la myrrhe présage le tombeau:

    Tombeau par lequel ce Dieu, laissant périr son corps, et le ressuscitant après la sépulture, brisera la mort et ses cachots.

    L’ancienne Église Gallicane nous fournit cette belle prière que nous empruntons à son antique Sacramentaire :

    ORATIO.

Deus qui dives es in omnibus misericordia , Pater gloriae, qui posuisti Filium tuum lumen in nationibus, praedicare captivis redemptionem, caecis visum, remissionem peccatorum, et sortem inter sanctos per fidem, qui es in Christo largus miserator indulge. Per eumdem Christum Dominum nostrum. Amen.

    O Dieu, qui êtes riche en miséricorde dans toutes vos œuvres; Père de gloire, qui avez donné votre Fils pour être la lumière des nations, pour annoncer la Rédemption aux captifs, la vue aux aveugles : vous qui répandez les bienfaits avec tant de largesse, daignez nous accorder, parla foi, la rémission des péchés et une part entre les saints. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

    Célébrons le mystère de la Naissance de notre Roi et de son alliance avec l’humanité, par cette Séquence de nos vieux Missels Romains-Français.

    SÉQUENCE.

Ecce jam votiva festa recurrunt annua.

Addat se vox nostra ad Angelorum carmina.

Christus hac ut sponsus materna die processit clausula.

Exsultans ut gigas ad hujus vit currendas semitas.

Angelica gloriam reboant in excelsis agmina.

Pax in terra homines teneat, cum benevolentia.

Jam se replicat saeculi series maxima: venit etiam vatis Cumaeae veridica jam aetas carminis ultima.

Virgo remeat saecla revehens altera : adsunt tempora quo gens ferrea jam desinat, et mundo pullulet aurea.

Adauctus solis jubar die pluscula menses producere inchoat.

Nocturnas stella fugat, Magos excitat, Balaamitica tenebras.

Impleta, quae praedixerat plebs utraque, et Gentilitas et Hebraea, oracula, Christo nascente, sunt omnia.

Sunt cuncta jam nunc scelerum recidiva et recentia et antiqua vestigia, quaeque remanserant irrita.

0 mira atque nova genitura ! fit gravida Virgo fideliter credula.

Et porta, quae fuerat semper clausa, est reserata,

Naturam dum hominis in- duit Deitas.

Conserva haec, quaesumus, Christe, nobis munera tanta, a te praerogata. Amen.

 

    Le cours de l’année a ramené les solennités qu’appelaient nos vœux.

    Que notre voix s’unisse aux concerts des Anges.

    En ce jour, le Christ, comme un époux, est sorti du sanctuaire maternel.

    Il s’élance comme un géant, pour parcourir la carrière de cette vie.

    La milice des Anges chante : Gloire au plus haut des cieux!

    Paix aux hommes sur la terre, aux hommes de bonne volonté !

    Déjà se déroule une longue série de siècles ; le dernier âge prédit par la prophétesse de Cumes,l’âge delà vérité, s’ouvre aujourd’hui.

    La Vierge redescend des cieux, ramenant avec elle des siècles nouveaux ; l’âge de fer s’arrête dans son cours ; l’âge d’or refleurit pour le monde.

    Le soleil rallumé recommence à parcourir les signes ; il éclairera de nouveaux mois.

    L’étoile de Balaam chasse les ténèbres de la nuit ; à sa lumière, les Mages s’ébranlent.

    Les oracles des deux peuples de la Gentilité et de la race des Hébreux, s’accomplissent tous dans la Naissance du Christ.

    Toutes les traces qu’avait laissées le crime, soit dans les temps anciens, soit dans l’âge récent, s’effacent en ce jour.

    Enfantement merveilleux et nouveau ! une Vierge, fidèle dans sa foi, a conçu un fruit divin.

    La porte toujours fermée, s’ouvre pour le Seigneur,

    Au moment où la Divinité revêt la nature de l’homme.

    Conservez-nous, ô Christ, ces immenses bienfaits, si longtemps implorés de votre clémence. Amen.

    L’Hymnographe sublime de l’Église de Syrie, saint Ephrem, continue de chanter les doux mystères de la Naissance du Sauveur.

    HYMNE.

Venere agrorum cultores, et vitae sospitatorem suae venerati sunt, laetique talia prophetabant : Ave, designatus nostrorum cultor agrorum, tu cordium nostrorum arva coles, et frumenta inde collecta in horreum vitae congregabis.

Secuti sunt vinitores, vineamque laudarunt ex radice ramisque Jesse propagatam, quae virginem botrum ex veneranda vite protulit, nos, quaeso, refingito in vasa digna vino tuo novo innovante omnia; statum vineae tuae restitue, quaeso; nil illa praeter siliquas hucusque protulit; tuos jam insere vitibus surculos.

Ad filium Joseph propter Joseph venere fabri. Beatum natalem tuum auguramur, aiebant, artificum Princeps, qui Noeticam arcam delineasti; atque tabernaculum architectatus es illud ex temporaneum, et ad tempus duraturum; nostra te laudant opificia : esto, precamur, tu gloria nostra, jugum fabricare, futurum gestaturi, leve et suave onus.

Simili instinctu salutavere natum infantem novi conjuges, ut dicerent : Salve puer, cujus mater sponsa Sancti facta est. Beatas nuptias, quibus inter futurus es, beatos sponsos, quibus, cura vinum defuerit, tuo repente nutu, illud affluere cernent.

Clamavere simul parvuli. 0 nos beatos, quibus contigit habere te fratrem, et in foris sodalem: felicem diem, felices pueros, quibus continget laudare te arborem vitae, qui celsitudinem tuam ad nostram aetatulam demisisti.

Rumor pervaserat aures feminarum, fore ut virgo aliquando pareret; injecta est cuilibet illarum hujusmodi partus spes ; speravere nobiles, speravere formosae tuas se fore matres. Tibi, Altissime, benedicimus, quod pauperem matrem elegeris.

Prophetavere etiam puellae, quibus obtigit ad ilium deferri, dicentes: Seu de- formis sim, seu formosa sim, seu humilis sim, tibi ero, adhaerebo tibi: mortales thalami tuo numquam mihi erunt potiores.

 

    Les laboureurs des campagnes de Bethléhem vinrent à leur tour ; ils vénérèrent Celui qui venait sauver leur vie, et, dans leur allégresse, ils prophétisaient ainsi : « Salut, ô toi qui es appelé à cultiver nos champs ; toi fertiliseras les guérets de nos cœurs, et tu en ramasseras le froment dans le grenier de la vie. »

    Les vignerons se présentèrent ensuite ; ils célébrèrent la Vigne sortie du tronc de Jessé, la Vigne qui de son cep sacré a produit la grappe virginale : « Divin vigneron, chantaient-ils, rends-nous notre arôme, en nous versant dans des vases dignes de ton vin nouveau qui régénère toutes choses ; viens rétablir ta vigne; jusqu’ici elle j n’a produit que d’amers raisins ; greffe tes propres » rameaux sur ces ceps sauvages. a

    Les charpentiers vinrent à leur tour au fils de Joseph, à cause de Joseph leur frère : « Nous saluons ton heureuse naissance, ô Prince des artisans ! C’est toi qui e donnas à Noé le plan de son arche ; tu fus l’architecte de ce tabernacle qui fut fait à la hâte, et qui ne devait durer qu’un temps ; nos travaux célèbrent tes louanges. Sois notre gloire ; daigne faire toi-même le joug que nous voulons porter, doux et léger fardeau. »

    Les nouveaux mariés saluèrent de concert le nouveau-né ; ils disaient : « Salut, ô Enfant dont la Mère a été l’épouse du Dieu de sainteté ! Heureuses les noces auxquelles tu assisteras ! Heureux les époux qui, manquant de vin, le n verront tout à coup abonder sur un signe de ta puissance ! »

    Les petits enfants crièrent à leur tour : « Heureux sommes-nous de t’avoir pour frère, pour compagnon dans nos ébats ! Heureux o jour! heureux enfants, auxquels il est donné de dire tes louanges, arbre de vie, qui as daigné mettre ta cime en rapport avec notre taille enfantine. »

    L’oracle était parvenu jusqu’aux oreilles des femmes, qu’une Vierge devait enfanter un jour; chacune espérait pour elle-même l’honneur d’un tel enfantement : « Les plus nobles, les plus belles se flattaient de devenir ta mère. O Très-Haut ! nous te bénissons d’avoir choisi une mère pauvre. »

    Les jeunes filles qui lui furent présentées, prophétisaient aussi ; elles disaient: « Que je sois belle, que je sois difforme, que je sois pauvre, je n’en serai pas moins à toi : à toi je m’attacherai. Le lit d’un mortel jamais ne sera pour moi préférable à ta couche. »

    A la gloire de Marie, nous chanterons cette gracieuse Séquence de nos antiques Églises du moyen âge:

    SEQUENCE.

Verbum bonum et suave, Personemus illud Ave

Per quod Christi fit conclave Virgo, mater, filia.

Per quod Ave salutata Mox concepit foecundata Virgo David stirpe nata, Inter spinas lilia.

Ave, veri Salomonis Mater, vellus Gedeonis, Cujus Magis tribus donis Laudant puerperium.

Ave, solem genuisti; Ave, solem protulisti, Mundo lapso contulisti Vitam et imperium.

Ave, sponsa Verbi summi, Maris portus, signum dumi, Aromatum virga fumi, Angelorum Domina.

Supplicamus : nos emenda, Emendatos nos commenda Tuo Nato, ad habenda Sempiterna gaudia. Amen.

 

    Faisons retentir ce Salut, parole heureuse et douce, Salut par lequel devient le sanctuaire du Christ la Vierge qui est à la fois sa mère et sa fille.

    A peine entend-elle ce Salut, qu’elle conçoit son divin Fils, la Vierge issue de David, le lis entre les épines.

    Salut ! Mère du vrai Salomon, toison de Gédéon, vous dont les Mages honorent l’enfantement par une triple offrande.

    Salut ! vous qui avez enfanté le soleil. Salut ! vous qui, en donnant votre fruit, avez rendu à l’homme tombé la vie et la puissance.

    Salut ! Épouse du Verbe souverain, port du navigateur, buisson mystérieux, nuage de parfums, Reine des Anges.

    Nous vous en supplions, amendez-nous et nous recommandez à votre Fils, qui daigne nous donner l’éternelle joie ! Amen.

IX JANVIER. LE QUATRIÈME JOUR DANS L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE.

    L’Étoile annoncée par Balaam s’étant levée sur l’Orient, les trois Mages, dont le cœur était ouvert à l’attente du Messie libérateur, ont senti tout d’abord l’impression d’amour qui les porte vers lui. Ils reçoivent la nouvelle du joyeux avènement du Roi des Juifs d’une manière mystique et silencieuse, à la différence des bergers de Bethléhem, que la voix d’un Ange convia vers la crèche. Mais le langage muet de l’Étoile était expliqué dans leurs cœurs par l’action même du Père céleste, qui leur révélait son Fils. En cela, leur vocation l’emporta en dignité sur celle des bergers qui, selon la disposition divine dans l’ancienne Loi, ne connurent rien que par le ministère des Anges.

    Mais, si la grâce céleste s’adressa directement à leurs cœurs, on peut dire aussi qu’elle les trouva fidèles. Les bergers vinrent en hâte à Bethléhem, nous dit saint Luc. Les Mages parlant à Hérode expriment avec non moins de bonheur la simplicité de leur empressement : « Nous avons vu, disent-ils, son Étoile, et nous sommes venus pour l’adorer. »

    Abraham, par sa fidélité à suivre l’ordre que Dieu lui donnait de sortir de la Chaldée, terre de ses aïeux, et de se rendre dans une contrée inconnue pour lui, mérita de devenir le Père des Croyants ; les Mages, par leur foi docile et non moins admirable, ont été jugés dignes d’être les ancêtres de l’Église des Gentils.

    Eux aussi sortaient de la Chaldée, au rapport de saint Justin et de Tertullien ; du moins quelqu’un d’entre eux avait-il cette terre pour patrie. Les mêmes auteurs, dont le témoignage est fortifié par d’autres Pères, donnent l’Arabie pour lieu de naissance à l’un ou l’autre de ces pieux voyageurs. Une tradition populaire, admise depuis quelques siècles dans l’iconographie chrétienne, assigne l’Éthiopie pour patrie au troisième. On ne peut nier du moins que David et les Prophètes n’aient signalé les noirs habitants de l’Afrique parmi ceux qui devaient, de bonne heure, devenir l’objet de la prédilection divine. Par la qualité des Mages, il faut entendre la profession que faisaient ces trois hommes d’étudier le cours des astres, et l’attention qu’ils avaient de chercher au ciel l’indice du lever prochain de l’Étoile prophétique vers laquelle ils soupiraient ; car ils étaient du nombre de ces Gentils craignant Dieu, comme le centurion Corneille, qui ne s’étaient pas souillés par le contact des idoles, et conservaient, au milieu de tant de ténèbres, les pures traditions d’Abraham et des Patriarches.

    L’Évangile ne dit pas qu’ils aient été rois ; mais l’Église ne leur applique pas sans raison les versets où David parle des Rois d’Arabie et de Saba, arrivant aux pieds du Messie avec des offrandes d’or. Cette tradition s’appuie sur le témoignage de saint Hilaire de Poitiers, de saint Jérôme, du poète Juvencus, de saint Léon et de plusieurs autres; et il serait impossible de l’attaquer par des arguments d’une valeur sérieuse. Sans doute, nous ne devons pas nous figurer les Mages comme des potentats dont l’empire pût entrer en comparaison, par l’étendue et l’importance, avec la puissance romaine ; mais nous savons que l’Ecriture attribue fréquemment le nom de roi à de petits princes, à de simples gouverneurs de provinces. Il suffit donc que les Mages aient exercé l’autorité sur les peuples ; et d’ailleurs, les ménagements qu’Hérode se croit obligé de garder envers des étrangers qui viennent, jusque dans sa cour, annoncer la naissance d’un Roi des Juifs, auquel ils se montrent si empressés de rendre hommage, témoignent suffisamment de l’importance de ces personnages, de même que le trouble dans lequel leur arrivée jette la ville de Jérusalem démontre jusqu’à l’évidence que leur présence avait été accompagnée d’un extérieur imposant.

    Ces rois dociles quittent donc tout d’un coup leur patrie, leurs richesses, leur repos, pour marcher à la suite de l’Étoile ; la puissance de Dieu qui les avait appelés les réunit dans un même voyage comme dans une même foi. L’astre qui les invitait se met en marche devant eux et leur fraie le chemin ; les périls du voyage, les fatigues d’une route dont ils ignorent le terme, la crainte d’éveiller contre eux les soupçons de l’Empire romain, rien ne les fait reculer.

    Leur premier repos est à Jérusalem, parce que l’Étoile s’y arrête. C’est dans cette ville sainte, qui bientôt sera maudite, qu’ils viennent, eux Gentils, annoncer Jésus-Christ, déclarer sa venue. Avec toute l’assurance, tout le calme des Apôtres et des Martyrs, ils professent leur désir ferme d’aller l’adorer. Ils contraignent Israël, dépositaire des oracles divins, à confesser un des principaux caractères du Messie, sa naissance à Bethléhem. Le Sacerdoce juif remplit, sans en avoir l’intelligence, son sacré ministère ; Hérode s’agite sur sa couche, et médite déjà des projets de carnage. Mais il est temps pour les Mages de quitter la cité infidèle qui a déjà reçu, par leur présence, l’annonce de sa répudiation. L’Étoile reparaît au ciel, et les sollicite de reprendre leur marche ; encore quelques pas, et ils seront à Bethléhem, aux pieds du Roi qu’ils sont venus chercher.

    Nous aussi, ô Emmanuel ! nous vous suivons, nous marchons à votre lumière ; car vous avez dit dans la Prophétie du Disciple bien-aimé : « Je suis l’étoile étincelante et matinale.» (XXII, 16.) L’astre qui conduit les Mages n’est que le symbole de cette Étoile immortelle. Vous êtes l’Étoile du matin ; car votre naissance annonce la fin des ténèbres, de l’erreur et du péché. Vous êtes l’Étoile du matin ; car, après avoir subi l’épreuve de la mort et du sépulcre, vous sortirez tout à coup des ombres, à l’aube matinale du jour de votre glorieuse Résurrection. Vous êtes l’Étoile du matin; car vous nous annoncez, par votre Naissance et par les mystères qui vont la suivre, le jour sans nuage de l’éternité. Oh ! que votre lumière soit toujours sur nous ! Que nous soyons toujours dociles à tout quitter, comme les Mages, pour la suivre ! Au sein de quelles ombres ne l’avez-vous pas fait luire, en ce jour où vous nous avez appelés à votre grâce ! Nous aimions les ténèbres, et vous nous avez fait aimer la lumière. Conservez en nous cet amour de la lumière, ô Christ ! Que le péché, qui n’est que ténèbres, n’approche pas de nous. Que les perfides lueurs de la fausse conscience ne viennent pas nous séduire. Éloignez de nous l’aveuglement de Jérusalem et de son roi, pour qui l’Étoile ne luit pas ; mais qu’elle nous guide toujours, qu’elle nous conduise à vous, notre Roi, notre paix et notre amour.

    Nous vous saluons aussi, Marie, Étoile de la mer, qui luisez sur les vagues de ce monde pour les calmer, et pour protéger ceux qui crient vers vous dans la tempête. Vous fûtes favorable aux Mages à travers le désert ; guidez aussi nos pas, et dirigez-nous jusqu’à Celui qui repose entre vos bras et vous illumine de sa lumière éternelle.

    Terminons cette journée par des chants de louange, dont les livres de l’antique Liturgie nous fourniront l’expression. Nous achèverons d’abord, avec Prudence, son beau cantique sur la vocation des Gentils.

    HYMNE.

O sola magnarum urbium

Major Bethlem cui contigit

Ducem salutis coelitus

Incorporatum gignere.

Altrice te, summo Patri Haeres creatur unicus,

Homo ex Tonantis Spiritu, Idemque sub membris Deus.

Hunc et Prophetis testibus,

Iisdemque signatoribus, Testator et Sator jubet Adire regnum, et cernere.

Regnum, quod ambit omnia,

Dia, et marina, et terrea, A solis ortu ad exitum,

Et tartara, et coelum supra. Hic Rex priorum judicum,

Rexere qui Jacob genus, Dominaeque Rex ecclesiae, Templi et novelli et pristini.

Hunc posteri Ephraim colunt,

Hunc sancta Manasse domus, Omnesque suscipiunt tribus, Bissena fratrum semina.

Quin et propago degener, Ritum secuta inconditum, Quaecumque dirum fervidis Baal caminis coxerat :

Fumosa avorum numina,
Saxum, metallum, stipitem,
Rasum, dolatum, sectile,
In Christi honorem deserit.

Gaudete quidquid gentium est,

Iudaea, Roma et Graecia, Aegypte, Thrax, Persa, Scytha,

Rex unus omnes possidet.

Laudate vestrum Principem,

Omnes beati ac perditi,

Vivi, imbecilli, ac mortui: Jam nemo posthac mortuus.

 

    O BETHLEHEM ! plus grande que les plus illustres cités ! à toi l’honneur d’avoir produit l’auteur du salut, incarné par un mystère céleste.

    Ton nourrisson est l’héritier unique du Père souverain ; il s’est fait homme .par la vertu de l’Esprit de Celui qui lance le tonnerre ; il est toujours un Dieu sous des membres humains.

    Les Prophètes sont ses témoins ; ils le désignèrent aux siècles à venir ; son Père le proclame, et lui a donné l’ordre de prendre possession du royaume :

    Ce royaume , qui comprend toutes choses, le ciel, la mer, la terre, qui s’étend du lever du soleil à son couchant, des abîmes de l’Enter aux sommets de l’Empirée.

    Il est le Roi de ces antiques chefs qui régirent la race de Jacob, le Prince de l’Église maîtresse, et du nouveau temple et de l’ancien.

    C’est lui qu’adorent les enfants d’Ephraïm, la maison sainte de Manassé ; lui que reconnaissent toutes les tribus, issues des douze frères, enfants de Jacob.

    La race dégénérée elle-même, celle qui, livrée à des rites absurdes, fondait la statue de son cruel Baal dans des fourneaux enflammés,

    Abandonne, pour honorer le Christ, les dieux enfumés de ses pères, la pierre, le métal, le bois que sculptèrent ses mains.

    Réjouissez-vous , ô nations ! Judée, Rome, Grèce, Egypte, Thrace, Perse, Scythie ! un Roi unique règne sur vous.

    Célébrez votre Prince, ô vous tous, justes et pécheurs, vivants, infirmes et morts ; désormais, nul ne mourra plus.

 

    Cette belle prière du Missel Mozarabe nous aidera à célébrer dignement le triple Mystère de l’Épiphanie :

    ORATIO

    Deus qui nobis ad relevandos istius vitae labores, diversa donorum tuorum solatia et gaudia contulisti, quibus insignes annuis recursibus dies agimus, ut Ecclesiae tuae vota solemnia praesenti festivitate celebremus: unde et proxime Natalem Domini Salvatoris peregimus, qui nobis natus in tempore est, qui de te natus sine tempore, omnium saeculorum et temporum est antecessor et conditor: deinde subsecutum diem Circumcisionis octavum, Unigeniti luce signatum, pari observantia recolentes, sacrificiis solemnibus honoravimus : nunc Epiphaniae diem, revelante in homine divinitate, excolimus, diversa Do- mini nostri Jesu Christi Filii tui in hoc mundo suum adventum manifestantia insignia praedicantes, sive quod stellam ortus sui nunciam misit e caelo, quam stupentibus Magis usque ad cunabula suae carnalis infantiae praeviam fecit : sive quod aquas baptismate suo, ad omnium gentium lavationem, Jordanis alveum sanctificaturus intravit : ubi ipsum esse Filium unigenitum dilectum, Spiritu, columbae specie, advolante, monstrasti, et paterna insuper voce docuisti: sive quod primum in Cana Galilaeae prodidit signum, cum in connubio nuptiali, aquas in vinum convertit, alto et admirabili sacramento docens, quod a saeculis sponsae sibi jungendus Ecclesiae advenerat, ac in vinum prudentiae spiritualis saporis fidem veritatis esse mutandum : itaque in his tribus mirabilium tuorum causis fide hodiernae solemnitatis edita, Dominus noster Jesus Christus, Filius tuus, nihilominus tuae virtutis operatio et nostrae salutis praeparatio est. Propterea, Domine, secundum haec tria magna mirabilia, maneat in nobis gratiae spiritualis integritas, sapiat in cordibus nostris vinum prudentiae, fulgeat in operibus stella iustitiae. Amen.

 

    O Dieu, qui, pour charmer les travaux de cette vie, avez distribué les consolations et les joies par le souvenir de vos bienfaits, dont chaque année nous célébrons le solennel anniversaire ; nous vous offrons, dans la présente fête, les vœux et les hommages de votre Église. Naguère nous avons honoré la Naissance de notre Seigneur et Sauveur , qui, né pour nous dans le temps, est né de vous sans le temps, qui précède tous les siècles et tous les temps, et qui les a créés. Nous avons fêté ensuite, par de solennels sacrifices, ce huitième jour de la Circoncision, tout brillant de la lumière de votre Fils unique et digne de notre culte. Aujourd’hui, nous célébrons le jour de l’Épiphanie, qui a révélé la divinité dans l’homme, et nous proclamons les trois merveilles qui manifestent l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, votre Fils, en ce monde : soit qu’il envoie du ciel l’étoile messagère de sa naissance, qui précède et conduit les Mages étonnés jusqu’au berceau de son enfance dans la chair; soit que, voulant sanctifier les eaux par son baptême, pour laver toutes les nations, il entre dans le lit du Jourdain, où vous avez montré qu’il est votre Fils unique et bien-aimé, par l’Esprit-Saint volant sur en forme de colombe, pendant que vous proclamez ce mystère d’une voix paternelle; soit qu’il opère son premier miracle en Cana de Galilée, en changeant les eaux en vin dans le festin nuptial, nous apprenant, par un haut et admirable mystère, que Celui qui devait s’unir à l’Église qu’il s’était fiancée depuis des siècles, était enfin arrivé, et que l’humble foi dans la vérité des promesses devait se changer en le vin de la sagesse, à la spirituelle saveur. Ainsi, dans ces trois merveilles qui sont l’objet mystérieux de la solennité d’aujourd’hui, notre Seigneur Jésus-Christ, votre Fils, opère tout à la fois les prodiges de votre puissance et la préparation de notre salut. Faites donc, Seigneur, selon la forme de ces trois grands mystères, que l’intégrité de votre grâce spirituelle demeure en nous ; que la saveur du vin de votre sagesse se répande dans nos cœurs; que l’étoile de votre justice brille dans nos œuvres. Amen.

    171

    L’ancien Missel de Paris de 1584 contient cette pieuse Séquence, à l’un des jours de l’Octave :

    SÉQUENCE.

Orto crucis sidere, Quaeramus summopère Regem regum omnium.

Quaeramus humiliter, Non panditur aliter Cordibus quaerentium.

Jacet in praesepio, Spreto regum solio, Degens in penuria

Formam dans quaerentibus,

Calcatis terrestribus, Amare caelestia.

Herode postposito, Magos cultu debito Sequamur celeriter.

Stella duce cursitant

Ad Regem quem praedicant Regnare perenniter.

Offeramus typice, Quod illi magnifice Tulerunt realiter.

Thus superno Numini, Myrrham vero homini, Aurum Regi pariter.

His donis, o lilium, Placa nobis Filium Repletum dulcedine.

Ut possimus libere Secum semper vivere Paradisi culmine. Amen.

 

    L’astre de la croix s’est levé ; à sa lumière, cherchons le Roi des rois.

    Cherchons-le avec humilité : c’est alors qu’il se manifeste aux cœurs de ceux qui le cherchent.

    Il a quitté son trône céleste ; couché dans la crèche, il y réside dans la pauvreté.

    Pour l’exemple de ceux qui le cherchent, il apprend à mépriser la terre, à aimer les choses célestes.

    Abandonnons Hérode, suivons en hâte les Mages; offrons nos vœux avec les leurs.

    A la suite de l’étoile, ils courent vers ce Roi dont ils annoncent le règne éternel.

    Offrons-lui mystiquement les dons que leur munificence lui présenta réellement :

    De l’encens comme au Dieu suprême, de la myrrhe comme à l’homme véritable, de l’or comme à un Roi.

    Lis de pureté ! par ces dons, rendez nous votre Fils propice, ce Fils rempli de douceur ;

    Et qu’un jour il nous soit donné de vivre avec lui, au sein de la gloire du Paradis, dans une liberté parfaite.

    Amen.

    Nous continuons d’emprunter à saint Ephrem une partie des chants si mélodieux qu’il a consacrés à la divine Naissance :

    HYMNE.

Quam mitis es Puer, quam vehemens judiciorum tuorum vis omnipotens, et ineluctabilis est, suavis et dulcis est amor tuus; quis tibi obsistet ?

In sublimi habitat Pater tuus, tua Mater humi jacet; undenam tui notitiam quis capiat ? Si quis terrenus homo tuam disquirat naturam ab humanis remotam sensibus, haec supereminet caelo in magnum divinitatis retrusa sinum.

Si rursus quispiam corpus cognoscere cupiat oculi expositum, en humi jacet, teque ab angusto Mari gremio praebet aspectabilem. Errat incertus animus, neque sibi constat mens tuas, o dives, rationes supputans.

Congeminatis seris clauditur tua divinitas; pelagus es tamen immensum, cedo, qui ejus fundum attingat, etiam postquam magnitudinem tuam ad nostram parvitatem deduxisti. Cum tuum conspectum petimus, hominem videmus, visuros nos Deum sperantes ; si hominem videre velimus, inde statim in oculos incurrit hebetatque aciem coruscans divinitatis splendor.

Jam quis credat haeredem te esse Davidici throni, cui ex lauta ejus supellectile praesepe duntaxat relictum est, et ex amplissimis aedibus, spelunca, deque ejus equitatu vix vilem asellum cernere aliquando continget ?

Attamen quam benignus es, puer, qui te omnibus indulges, et obviis quibusque arrides! talis nempe tuus amor est, qualem credibile est futurum fuisse ejus, qui homines desideraret, ut panem quilibet esuriens.

Parentes ab externis non discernis, nec genitricem ab ancillis, nec virginem te lactantem ab impuris prostitutae pudicitiae feminis. Quid ? Num tui ingenii naturalis facilitas huc te demisit, an caritas, qui nihil odisti eorum quae fecisti ?

Quid istuc quod te movet, ut ad omnes descendas, ad locupletes ac tenues, et ad eos accurras etiam non vocatus ? Unde tibi istud inditum, ut homines tantopere cupias ?

Quae haec tua caritas est, ut si quis te objurgat, non succenseas, si minis terret, non trepides, si duriter tecum agit, frontem non contrahas ? Tua nimirum caritas antecellit legem illorum, qui suas persequebantur injurias et vindicabant.

 

    Que tu es doux, ô Enfant ; mais que la force de tes jugements est entraînante et invincible! qu’il est suave, qu’il est doux ton amour ! qui pourra te résister?

    Ton Père habite les cieux; ta mère rampe sur la terre; qui jamais pourra te comprendre? Si l’homme terrestre cherche ta nature élevée au-dessus de la portée humaine, c’est au vaste sein de la divinité qu’il la trouve, au plus haut des cieux.

    S’il veut connaître ta nature sensible, la voici sur la terre ; issue de l’étroite demeure du sein de Marie, elle est visible à tous les yeux. L’intelligence confondue est flottante ; elle se perd à supputer les divers modes de ton être plein de richesses.

    Ta divinité, qu’on croirait inaccessible sous des verrous redoublés, n’en est pas moins une mer immense, un océan qu’on ne saurait sonder, depuis même que tu as réduit ta grandeur à la mesure de notre petitesse Si nous cherchons à te voir, c’est un homme que nous apercevons, nous qui espérions voir un Dieu ; si en toi nous voulons contempler l’homme, tout aussitôt une éclatante splendeur de divinité vient éblouir nos regards.

    Qui te prendrait pour l’héritier du trône de David, toi qui, au lieu du riche ameublement de ce grand roi, n’as qu’une crèche; au lieu de ses vastes palais, qu’une caverne ; qu’un âne en place de ses nombreux coursiers?

    Mais, ô Enfant ! que tu es aimable, accessible, et gracieux pour tous ceux qui t’approchent ! Ton amour est vraiment l’amour de Celui qui désire les hommes, comme celui qui a faim désire le pain.

    Tu ne fais point de distinction entre tes parents et les étrangers, entre ta mère et de vils esclaves, accueillant l’impure prostituée comme la vierge qui te nourrit de son lait. Quoi donc? Est-ce l’extrême facilité de ton cœur, qui te porte à cet excès d’indulgence, ou plutôt cette charité qui fait que tu ne hais rien de ce que tu as fait ?

    Quel motif te porte à descendre ainsi vers le riche comme vers le pauvre, à courir à eux, même lorsqu’ils ne t’appellent pas? d’où te vient ce si grand amour de la nature humaine?

    Quelle est cette charité que tu as si grande, que si l’on te blasphème, tu ne t’enflammes pas; si Fonte menace, tu n éclates pas ; si l’on agit cruellement avec toi, ton front ne s’empreint pas de colère? C’est que ta charité est au-dessus de cette loi, en vertu de laquelle l’homme poursuivait son ennemi et vengeait son injure.

 

    Honorons la Vierge-Mère, en lui présentant ces strophes consacrées à sa gloire par saint Joseph l’Hymnographe, dans les Menées de l’Église Grecque :

    IV DIE JANUARII.

Divinum Regis palatium honoremus, in quo quemadmodum ipse voluit, habitavit, innuptam ac solam Deiparam, per quam deificati sumus, collaudemus.

Casta ante partum, in partu, et post partum, vere, o Virgo mater, apparuisti: Deum enim peperisti, quem Apostolorum collegium manifeste praedicavit.

Beatissimus olim Prophetarum chorus sacris vaticinius in Spiritu divinitus te, o castissima, Portam et Montem umbrosum nominavit.

Illumina, o Virgo, oculos cordis mei, effulge super me paenitentiae radio ; a tenebris perennibus libera me; o Porta lucis, Refugium omnium christianorum te fideliter laudantium.

Laudo te, o sola digna omni laude ; glorifico te, o semper a Deo glorificatissima ; et beatifico te, o Virgo, divina beatitudine felicissima, quam generationes generationum beatam appellant.

Expiatorium facta es, o purissima, eorum qui assidue delinquunt, supra naturae ordinem enixa Christum, qui tollit peccata mundi, ad quem clamamus ; Dominus ac Deus patrum, benedictus es.

0 miraculum, quod omnia miracula transcendit ; quomodo paris et permanes virgo, o castissima sponsa Dei! nimirum Verbum Patri coaeternum genuisti, cui omnes psallimus Laudate omnia opera, et superexaltate Dominum in omnia saecula.

Jubar fulgoris partus tui effulsit, atque universum terrarum orbem laetissimo lumine perfudit, ac tenebrarum principem perdidit, o Dei Genitrix castissima, Angelorum gloriatio, atque omnium hominum salus, qui incessantibus vocibus te concelebrant.

 

    Honorons le divin palais du Roi, dans lequel il a habité selon son désir; célébrons la Mère de Dieu, la Vierge, l’unique, par qui nous sommes élevés jusqu’à Dieu.

    Pure avant l’enfantement, dans l’enfantement, après l’enfantement : ainsi tu as paru à nos regards, ô Vierge-Mère ! c’est toi qui as enfanté le Dieu qu’annonce le Collège Apostolique.

    Le très heureux chœur des Prophètes, inspiré de l’Esprit-Saint, t’appela divinement, dans ses sacrés oracles, la Porte et la Montagne ombragée, ô très chaste!

    Illumine, ô Vierge ! les yeux de mon cœur, brille sur moi par un rayon de componction; délivre-moi des ténèbres éternelles, Porte de la lumière, Refuge de tous les chrétiens qui chantent ta louange avec fidélité.

    Je te loue, ô toi la seule digne de toute louange ; je te rends gloire, ô toi que Dieu lui-même glorifie; je te proclame heureuse, ô Vierge, de cette félicité divine que proclament les générations qui célèbrent ta béatitude.

    O très pure ! tu es le propitiatoire de ceux qui pèchent souvent; dépassant toutes les lois de la nature, tu as enfanté le Christ, qui ôte les péchés du monde, et vers qui nous prions : Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos pères !

    O prodige qui surpasse tous les prodiges ! tu enfantes et tu demeures vierge, très chaste épouse de Dieu ! Tu a mis au jour le Verbe coéternel au Père, Celui que nous célébrons dans ce cantique : Œuvres du Seigneur, louez et exaltez le Seigneur dans tous les siècles.

    La splendeur de ton enfantement a éclaté avec gloire ; elle a inondé l’univers d’une joyeuse lumière; elle a terrassé le prince des ténèbres, ô Mère de Dieu très pure, la gloire des Anges, le salut de tous les hommes qui te célèbrent, sans se lasser, par leurs concerts.

 

X JANVIER. LE CINQUIÈME JOUR DANS L’OCTAVE DE L’Épiphanie.

    Les Mages sont arrivés à Bethléhem ; l’humble retraite du Roi des Juifs s’est ouverte pour eux. Ils y trouvent, dit saint Luc, l’Enfant et Marie sa Mère. » Ils se prosternent, et adorent le divin Roi qu’ils ont tant cherché, et que la terre désire.

    En ce moment, l’Église chrétienne commence à apparaître. Dans cet humble réduit, le Fils de Dieu fait homme préside comme le Chef de son corps mystique ; Marie assiste comme la coopératrice du salut, et la Mère de grâce ; Juda est représenté par elle et par. Joseph son époux ; la Gentilité adore, en la personne des Mages; car leur foi a tout compris à la vue de cet Enfant. Ce n’est point un Prophète qu’ils honorent, ni un Roi terrestre à qui ils ouvrent leurs trésors ; c’est un Dieu devant qui ils s’abaissent et s’anéantissent. « Voyez, dit saint Bernard, dans son deuxième Sermon sur l’Épiphanie, voyez quelle est la pénétration des yeux de la foi ! La foi reconnaît le Fils de Dieu à la mamelle, elle le reconnaît attaché au bois, elle le reconnaît jusque dans la mort. Le larron le reconnaît sur le gibet, les Mages dans l’étable: celui-là, malgré les clous qui l’attachent ; ceux-ci, à travers les langes qui l’enveloppent. »

    Tout est donc consommé. Bethléhem n’est plus seulement le lieu delà naissance du Rédempteur, elle est encore le berceau de l’Église ; et combien le Prophète avait raison de s’écrier : « O Bethléhem ! tu n’es pas la moindre entre les villes de Juda ! » Comme il nous est aisé de comprendre l’attrait qui porta saint Jérôme à dérober sa vie aux honneurs et aux délices de Rome, aux applaudissements du monde et de l’Église, pour venir s’ensevelir dans cette grotte, témoin de tant et de si sublimes merveilles ! Qui ne désirerait aussi vivre et mourir dans cette retraite bénie du ciel, toute sanctifiée encore de la présence de l’Emmanuel, tout embaumée des parfums de la Reine des Anges, toute retentissante de l’écho des concerts célestes, toute remplie du souvenir des Mages, nos pieux ancêtres !

    Rien n’étonne ces heureux Princes en entrant dans l’humble séjour. Ni la faiblesse de l’Enfant, ni la pauvreté de la Mère, ni le dénûment de l’habitation, rien ne les émeut. Loin de là, ils comprennent tout d’abord que le Dieu éternel, voulant visiter les hommes, et leur montrer son amour, devait descendre jusqu’à eux, et si bas, qu’il n’y eût aucun degré de la misère humaine qu’il n’eût sondé et connu par lui-même. Instruits par leur propre cœur de la profondeur de cette plaie d’orgueil qui nous ronge, ils ont senti que le remède devait être aussi extrême que le mal ; et dans cet abaissement inouï, ils ont reconnu tout d’abord la pensée et l’action d’un Dieu. Israël attend un Messie glorieux et tout éclatant de gloire mondaine ; les Mages, au contraire, reconnaissent ce Messie à l’humilité, à la pauvreté qui l’entourent ; subjugués par la force de Dieu, ils se prosternent et adorent, dans l’admiration et l’amour.

    Qui saurait rendre la douceur des conversations qu’ils eurent avec la très pure Marie ? car le Roi qu’ils étaient venus chercher ne sortit pas pour eux du silence de son enfance volontaire. Il accepta leurs hommages, il leur sourit avec tendresse, il les bénit ; mais Marie seule pouvait satisfaire, par ses célestes entretiens, la sainte curiosité des trois pèlerins de l’humanité. Comme elle récompensa leur foi et leur amour en leur manifestant le mystère de ce virginal enfantement qui allait sauver le monde, les joies de son cœur maternel, les charmes du divin Enfant ! Eux-mêmes, avec quel tendre respect ils la considéraient et l’écoutaient ! Avec quelles délices la grâce pénétrait dans leurs cœurs, à la parole de celle que Dieu même a choisie pour nous initier maternellement à sa vérité et à son amour ! L’étoile qui naguère brillait pour eux au ciel avait fait place à une autre Étoile, d’une lumière plus douce, et d’une force plus victorieuse encore; cet astre si pur préparait leurs regards à contempler sans nuage Celui qui s’appelle lui-même l’Étoile étincelante et matinale. Le monde entier n’était plus rien pour eux ; l’étable de Bethléhem contenait toutes les richesses du ciel et delà terre. Les nombreux siècles de l’attente qu’ils avaient partagée avec le genre humain, leur semblaient à peine un moment : tant était pleine et parfaite la joie d’avoir enfin trouvé le Dieu qui apaise, par sa seule présence, tous les désirs de sa créature.

    Ils s’associaient aux desseins miséricordieux de l’Emmanuel ; ils acceptaient avec une humilité profonde l’alliance qu’il contractait par eux avec l’humanité ; ils adoraient la justice redoutable qui bientôt allait rejeter un peuple incrédule ; ils saluaient les destinées de l’Église Chrétienne, qui prenait en eux son commencement ; ils priaient pour leur innombrable postérité.

    C’est à nous, Gentils régénérés, de nous joindre à ces chrétiens choisis les premiers, et de vous adorer, ô divin Enfant, après tant de siècles, durant lesquels nous avons vu la marche des nations vers Bethléhem, et l’Étoile les conduisant toujours. C’est à nous de vous adorer avec les Mages ! mais plus heureux que ces premiers-nés de l’Église, nous avons entendu vos paroles, nous avons contemplé vos souffrances et votre croix, nous avons été témoins de votre Résurrection ; et si nous vous saluons comme le Roi de l’univers, l’univers est là devant nous qui répète votre Nom devenu grand et glorieux, du lever du soleil à son couchant. Le Sacrifice qui renouvelle tous vos mystères s’offre aujourd’hui en tous lieux du monde ; la voix de votre Église retentit à toute oreille mortelle ; et nous sentons avec bonheur que toute cette lumière luit pour nous, que toutes ces grâces sont notre partage. C’est pourquoi nous vous adorons, ô Christ! nous qui vous goûtons dans l’Église, la Bethléhem éternelle, la Maison du Pain de vie.

    Instruisez-nous, ô Marie, comme vous avez instruit les Mages. Révélez-nous de plus en plus le doux Mystère de votre Fils ; soumettez notre cœur tout entier à son empire adorable. Veillez, dans votre attention maternelle, à ce que nous ne perdions pas une seule des leçons qu’il nous donne ; et que ce séjour de Bethléhem, où nous sommes entrés à la suite des pèlerins de l’Orient, opère en nous un complet renouvellement de notre vie tout entière.

    Finissons cette journée par nos chants accoutumés en l’honneur du divin Mystère de notre Roi nouveau-né. Nous les ouvrirons par ces strophes d’une Hymne qu’on a attribuée à saint Ambroise :

    HYMNE.

Fit porta Christi pervia, Referta plena gratia, Transitque Rex, et permanet Clausa ut fuit per saecula.

Genus superni Numinis Processit aula Virginis, Sponsus, Redemptor, conditor,

Suae gigas Ecclesiae.

Honor Matris et gaudium, Immensa spes credentium, Per atra mortis pocula Resolvit nostra crimina.

Lapis de monte veniens, Mundumque replens gratia, Quem non praecisum manibus Vates vetusti nuntiant.

Qui Verbum caro factus est Praeconio angelico,

De claustris virginalibus Virginis virgo natus est.

Rorem dederunt aethera, Nubesque justum fuderunt, Patens excepit Dominum Terra salutem generans.

Mirabilis conceptio : Christum protulit sobolem, Ut Virgo partum funderet, Post partum virgo sisteret.

Exsulta omnis anima, Nunc Redemptorem gentium Mundi venisse Dominum Redimere quos condidit.

Creator cuncti generis, Orbis quem totus non capit, In tua, sancta Genitrix, Sese reclusit viscera.

Quem Pater ante tempora Deus Deumque genuit, Matris almae virginitas

Cum tempore partum edidit.

Tollens cuncta facinora, Et donans sancta munera, Augmentum lucis afferens, Tenebris damnum inferens.

    

    Le Christ a franchi la porte virginale, la porte pleine de grâce ; le Roi a passé, et cette porte demeure fermée à jamais, comme elle le fut toujours.

    Le Fils du Dieu suprême est sorti du sanctuaire de la Vierge ; il est l’Époux, le Rédempteur, le fondateur, le géant de son Église.

    Gloire et joie de sa Mère, espoir immense des croyants, en épuisant le noir breuvage de la mort, il guérira nos crimes.

    Il est cette pierre détachée delà montagne qui couvre de grâce le monde entier ; cette pierre que la main de l’homme n’a pas taillée, qu’avaient annoncée les anciens Prophètes.

    Le Verbe fait chair à la parole de l’Ange, naissant vierge, s’est élancé de la retraite sacrée d’un sein virginal.

    Les cieux ont versé leur rosée, les nuées ont répandu le Juste; la terre altérée, enfantant son salut, a reçu Celui qui est son Seigneur.

    O merveilleuse conception ! Elle a produit le Christ; et la Vierge dans l’enfantement, est demeurée vierge après l’enfantement.

    Que toute âme tressaille de joie ; le Rédempteur des nations, le Seigneur du monde, est venu racheter ceux qu’il a formés.

    Le créateur de la race humaine, Celui que l’univers ne saurait contenir, Mère sainte, il s’est renfermé dans vos entrailles.

    Celui que le Dieu Père a engendré Dieu avant tous les temps, la virginité d’une mère féconde l’a mis au jour dans le temps.

    Il ôtera tous les péchés, il apportera les trésors de la grâce ; par lui la lumière recevra son accroissement, l’empire des ténèbres sera ruiné.

 

    La prière qui suit est tirée du Bréviaire de l’Église Gothique d’Espagne.

    

    ORATIO.

    Domine Jesu Christe, qui ad interrogationem Herodis, ita Magorum ara praeconio veritatis tuae irradias, ut te Regem regum per eos nuntiatum ostendas, dum se vidisse aiunt stellae refulgentis indicium, quod mundum illuminet universum: te quaesumus, te precamur, ut des in Ecclesia tua visionis tua lumen optatum: appareas etiam in ea sidus omnibus pretiosum, quod nulla adversarii interrogatione deterriti, sic magnalia tua praedicemus ore diffuso, ut in aeterna lucis radiemus usquequaque praesidio. Amen.

 

    Seigneur Jésus-Christ, qui, au moment où Hérode les interroge, illuminez la réponse des Mages par une confession de votre vérité, en vous manifestant comme le Roi des rois qu’ils annoncent, en déclarant le prodige de cette brillante étoile qui verse sa lumière sur le monde entier; donnez, nous vous en prions, à votre Église, la lumière désirée de votre vision : apparaissez en elle comme l’astre cher à tous vos fidèles, afin que, n’étant jamais effrayés des interrogations de l’adversaire, nous annoncions à pleine bouche vos merveilles, et méritions de resplendir dans l’asile de la lumière éternelle. Amen.

    Nous empruntons cette Séquence au Missel Parisien du XVI° siècle.

    SEQUENCE.

Coeli multifariam Narrant Dei gloriam, Pariente Virgine.

Lux ad caulas mittitur, Stella Maris oritur, Novo lucens lumine.
Christo nato desinunt Loqui vaticinia, Et ad cunas concinunt Angeli pro nenia.

Voces a pastoribus Audiuntur superae; Sed Chaldaeis Regibus Innotescit sidere.
Ad utrosque coeli fantur, Sed Judaeis voces dantur, Et linguae Gentilibus.

Ad utrosque fantur coeli; Genti tamen infideli Sunt signa pro vocibus.
Haec est dies signis praestans, Christus vere manifestans, In aetate qualibet:

Manifestans Christum vere, Quando sibi complacere Pater eum perhibet;

Manifestans etiam, quando jubet hydriam Vinum dare nuptiis;

Manifestans iterum Quando trium munerum Signatur mysteriis.
Aurum Regem praedicat, Thus Deum significat, Myrrha dandum tumulo.
O Virgo perpetua, Tu stella praecipua Quae ducis ad Dominum:

Tu mentes illumina, Gloriosa Domina, Dulcis Virgo virginum. Amen.

 

    A l’enfantement de la Vierge, les cieux racontent la gloire de Dieu.

    La lumière céleste descend sur les bergeries, l’étoile se lève pour les Mages, brillante d’un éclat nouveau.

    Le Christ naît, et les oracles se taisent ; et les Anges chantent autour de son berceau pour réjouir son enfance.

    Les bergers entendent des voix dans les airs : un astre le révèle aux Rois de la Chaldée.

    Le ciel daigne parler à tous ; mais la voix est pour les Juifs, la langue pour les Gentils.

    Les cieux daignent parler à tous ; mais la nation infidèle au lieu de voix n’obtient qu’un prodige.

    C’est le jour fécond en miracles, le jour qui manifeste le Christ, à divers instants de sa vie :

    Il manifeste le Christ, quand le Père déclare qu’il a mis en lui ses complaisances ;

    Il le manifeste, quand le Christ lui-même commande au vase d’eau de verser le vin au festin nuptial;

    Il le manifeste encore, sous le mystère de la triple offrande des Mages.

    L’or déclare sa royauté, l’encens sa divinité, là myrrhe sa sépulture.

    O Vierge toujours vierge, vous êtes l’étoile merveilleuse qui conduisez au Seigneur :

    Glorieuse Dame, douce Vierge des vierges, illuminez nos esprits.

    Amen.

    L’Église Syriaque doit cette Hymne des Mages à son admirable poète, saint Ephrem.

    HYMNE.

Exsultantes Principes Persidis ex sua regione acceperunt munera, et Filio Virginis attulerunt aurum, myrrham et incensum.

Ingressi ut infantem repererunt ilium in domo jacentem pauperculae: at procidentes exsultando adoraverunt eum, et suos ipsi obtulerunt thesauros.

Dixit Maria : Cui haec ? et ad quid ? et quae causa vocavit vos ex vestra regione, ;ut ad puerum cum thesauris vestris veniretis ?

Respondent illi: Rex est filius tuus, et diademata connectit cum sit Rex omnium, altiusque mundo est regnum ejus, ac imperio ipsius singula parent.

Quando contigit hoc unquam, ut paupercula Regem pariat? Inops sane sum, ac egena, undeque mihi erit ut Regem pariam ?

Tibi soli hoc contigit, ut magnum Regem parias ; et per te magnificabitur paupertas, filioque tua subjicientur diademata.

Non sunt mihi gaza regum, nec divitiae unquam mihi obvenerunt ; domus en paupercula est, et vacuum domicilium : cur ergo filium meum Regem praedicatis?

Gaza magna est filius tuus, et divitiae, qua omnes ditare valent ; gaza namque regum deficiunt ; ille vero nec deficiet, nec mensurabitur.

Ne alius forte sit vester Rex, qui natus est, hunc perquirite ; etenim hic paupercula est filius, qua Regem vel videre nequit.

Numquid fieri unquam potest, ut aberret viam lumen, quando immittitur ? Siquidem non tenebrae nos vocarunt et adduxerunt : sed in lumine ambulavimus, et filius tuus Rex est.

Ecce videtis infantem silentem, et matris domum inanem et vacuam, nullumque in ea Regis apparere vestigium ; quomodo ergo ejusmodi incolans domum Rex est ?

Ecce sane videmus ilium silentem, et quietum ; sed Regem, etsi pauperem, ut dixisti: at videmus etiam eum suo commovere imperio astra coeli, ut praenuntient ortum ejus.

Parvulus est infans, et ecce, ut cernitis, nec diadema regium habet, nec thronum : quid ergo videtis ut honoretis eum thesauris vestris, ut Regem ?

Parvulus est, quia ipse voluit, et diliget mansuetudinem, et humilitatem, donec manifestetur. At erit tempus, cum incurvabuntur illi diademata, ac ilium adorabunt.

Virtutes nullas habet, neque legiones; neque cohortes filius meus, in paupertate suae jacet matris ; et Rex a vobis quomodo appellatur ?

Virtutes filii tui desuper surit, coelum equitant, et micant flammis, ex quorum numero unus nos vocare venit, totaque perterrita est regio nostra.

 

    Les Princes de Perse, pleins de joie, quittant leur pays, se munirent de présents, et apportèrent au Fils de la Vierge l’or, l’encens et la myrrhe.

    Étant entrés, ils trouvèrent l’enfant couché dans un berceau, dans la maison d’une mère pauvre ; prosternés, ils l’adorèrent d’un cœur joyeux et lui offrirent leurs présents.

    Marie leur dit : — Pour qui ces présents ? dans quel but? quel motif vous a appelés de votre région, vous a fait venir vers cet enfant avec vos trésors ?

    Ils répondirent : — Votre fils est Roi ; il réunit tous les diadèmes, car il est Roi universel ; son royaume est plus grand que le monde, et tout cède à son empire.

    — Comment serait-il possible qu’une femme pauvre eût enfanté un Roi ? Je suis humble et manquant de toutes choses ; comment serais-je la mère d’un Prince ?

    — Vous seule cependant avez l’honneur d’avoir mis au jour le grand Roi; par vous la pauvreté est glorifiée, et toutes les couronnes sont soumises à votre fils.

    — Les trésors des rois ne sont point pour moi ; jamais les richesses n’ont été mon partage. Cette demeure est ce qu’il y a de plus pauvre ; cette retraite est dénuée de tout : pourquoi donc dites-vous que mon fils est un Roi ?

    — Votre fils est lui-même un grand trésor : ses richesses suffisent à enrichir tous les hommes. Les trésors des rois s’épuisent : lui ne saurait ni s’épuiser, ni se mesurer.

    — Ce Roi qui vous est né est peut-être un autre que cet enfant : examinez celui-ci ; ce n’est que le fils d’une pauvre mère qui ne saurait même être admise en présence d’un Roi.

    — La lumière, quand elle descend du ciel, pourrait-elle donc s’égarer dans sa route ? Les ténèbres ne nous ont ni appelés ni conduits ici ; c’est à la lumière que nous avons marché. Votre Fils est Roi.

    — Vous n’avez devant vous qu’un enfant muet, que la maison nue et dépouillée de sa mère ; aucune trace de royauté n’y apparaît : comment pourrait être Roi l’habitant d’un tel séjour ?

    — Oui, nous le voyons dans son silence et dans son repos; il est pauvre, comme vous l’avez dit, mais il est Roi. N’avons-nous pas vu les astres du ciel s’ébranler à son commandement, afin d’annoncer sa naissance ?

    — Il n’y a ici qu’un petit enfant : vous le voyez; il n’y a ici ni trône ni diadème royal ; qu’apercevez-vous donc qui vous engage à l’honorer de vos trésors comme un Roi ?

    — S’il est un petit enfant, c’est qu’il l’a voulu ; il aime la mansuétude et l’humilité, jusqu’au jour où il se manifestera; mais il viendra un temps où les diadèmes s’abaisseront devant lui pour l’adorer.

    — Mon fils n’a ni armées, ni légions, ni cohortes ; le voilà couché dans la pauvreté de sa mère : comment pouvez-vous l’appeler Roi ?

    — Les armées de votre fils sont en haut ; elles parcourent le ciel, et illuminent tout de leurs feux. Un seul de ses soldats est venu nous appeler, et toute notre contrée en a été dans la stupeur.

    Pour offrande à Marie, nous lui présenterons cette gracieuse Séquence des Églises d’Angleterre, au moyen âge :

    SÉQUENCE.

Flos pudicitiae, Aula munditiae, Mater misericordiae.

Salve, Virgo serena, Vit vena, Lux amoena, Rore plena

Septiformis Spiritus, Virtutibus Ornantibus,

Ac moribus Vernantibus

Rosa jucunda, Castitatis lilium, Prole foecunda, Gignis Dei Filium ; Virgoque munda Tu post puerperium, Modo miro, Sine viro, Prole fecundaris.

Summi Ducis, Verae lucis Partu decoraris. Virga, flore, Rubo, rore

Virgo designaris.

Vellereque Madenteque Digna Domini paris.

Virgo prolem, Stella solem, Profers, expers paris.

Ob hoc rite, Via vit Jure praedicaris.

Tu spes, et refugium Lapsorum humilium : Tu medela criminum, Salus poenitentium.

Tu solamen tristium, Levamen debilium ; Tu purgatrix sordium, Confirmatrix cordium.

Tu laus, tu remedium In te confidentium Tu vitale praemium Tibi servientium.

0 pia Maria, Lapsis advocata, Tu cunctis miseris Dulcis spes et grata.

Erige, dirige Corda tuorum, Ad pia gaudia Regni coelorum.

Quo vere gaudere Per te possimus,

Cum Natoque tuo, Regnantes simus. Amen.

 

    Fleur de virginité, Sanctuaire de pureté, Mère de miséricorde.

    Salut ! Vierge sereine, Source de vie, Lumière aimable,

    Baignée de la rosée De l’Esprit aux sept dons ; De vertus Ornée,

    De mérites Toute fleurie.

    Rose chérie, Lis de chasteté, Mère féconde,

    Tu enfantes le Fils de Dieu, Et tu demeures vierge Après l’enfantement.

    Par une merveille, Sans le secours de l’homme, Tu deviens féconde ;

    Du grand Roi, De la vraie lumière L’enfantement fait ta gloire.

    La branche, la fleur, Le buisson, la rosée, Prophétisent ta virginité;

    Et aussi la toison Humide de rosée,

    Digne Mère du Seigneur. Vierge , tu produis un Fils, Étoile, un Soleil,

    A jamais sans égale.

    Pour ce prodige, La Voie de la vie Nous t’appelons.

    Tu es l’espoir et le refuge Des pauvres âmes tombées,

    Le remède des péchés, Le salut des pénitents.

    Tu es la consolation des affligés, Le soulagement des faibles,

    Purifiant les souillures, Affermissant les cœurs.

    Tu es la gloire et le secours De ceux qui en toi se confient,

    La récompense pleine de vie Pour ceux qui servent sous tes lois

    Miséricordieuse Marie, Avocate des criminels,

    A tous les malheureux Douce et gracieuse espérance ;

    Élève et dirige Les cœurs de tes esclaves Vers les saintes joies

    Du céleste royaume, Où goûter la vraie joie

    Par toi nous pourrons, Et, avec ton Fils,

    Régner à jamais. Amen.

 

XI JANVIER. LE SIXIEME JOUR DANS L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE.

    Les Mages ne se contentèrent pas d’adorer le grand Roi que Marie présentait à leurs hommages. A l’exemple de la Reine de Saba qui vint honorer le Roi pacifique, en la personne du sage et opulent fils de David, les trois Rois de l’Orient ouvrirent leurs trésors et en tirèrent de riches offrandes. L’Emmanuel daigna agréer ces dons mystérieux; mais, à l’exemple de Salomon son aïeul, il ne laissa point partir les Princes sans les combler lui-même de présents qui dépassaient infiniment en richesse ceux qu’il avait daigné agréer. Les Mages lui présentaient les offrandes de la terre ; et Jésus les comblait des dons célestes. Il confirmait en eux la foi, l’espérance et la charité; il enrichissait, en leurs personnes, son Église tout entière qu’ils représentaient ; et les paroles du divin Cantique de Marie recevaient leur accomplissement sur eux, et aussi sur la Synagogue qui les avait laissés seuls marcher à la recherche du Roi d’Israël: « Ceux qui avaient faim, il les a remplis de biens ; et ceux qui étaient opulents, il les a renvoyés dans la disette. »

    Mais considérons ces présents des Mages, et reconnaissons, avec l’Église et les Pères, les Mystères qu’ils exprimaient. Ces dons étaient au nombre de trois, afin d’honorer le nombre sacré des Personnes dans l’Essence divine ; mais le nombre inspiré trouvait une nouvelle application dans le triple caractère de l’Emmanuel. Ce Fils de Dieu venait régner sur le monde : il convenait de lui offrir l’Or qui marque la puissance suprême. Il venait exercer le souverain Sacerdoce, et réconcilier, par sa médiation, le ciel et la terre : il convenait de lui présenter l’Encens qui doit fumer dans les mains du Prêtre. Sa mort pouvait seule le mettre en possession du trône préparé à son humanité glorieuse ; cette mort devait inaugurer le Sacrifice éternel de l’Agneau divin : la Myrrhe était là pour attester la mort et la sépulture d’une victime immortelle. L’Esprit-Saint qui inspira les Prophètes avait donc dirigé les Mages dans le choix de ces mystérieuses offrandes; et c’est ce que nous dit éloquemment saint Léon, dans un de ses Sermons sur l’Épiphanie : « O admirable foi qui mène à la science parfaite, et qui n’a point été instruite à l’école d’une sagesse terrestre, mais éclairée par l’Esprit-Saint lui-même ! Car où avaient-ils découvert la nature inspirée de ces présents, ces hommes qui sortaient de leur patrie, sans avoir encore vu Jésus, sans avoir puisé dans ses regards la lumière qui dirigea si sûrement le choix de leurs offrandes ! Tandis que l’Étoile frappait les yeux de leur corps, plus pénétrant encore, le rayon de la vérité instruisait leurs cœurs. Avant d’entreprendre les fatigues d’une longue route, ils avaient déjà connu Celui à qui étaient dus, par l’Or, les honneurs de Roi ; par l’Encens, le culte divin ; par la Myrrhe, la foi dans sa mortalité. »

    Si ces présents représentent merveilleusement les caractères de l’Homme-Dieu, ils ne sont pas moins remplis d’enseignements par les vertus qu’ils signifient, et que le divin Enfant reconnaissait et confirmait dans l’âme des Mages. L’Or signifie pour nous, comme pour eux, la charité qui unit à Dieu ; l’Encens, la prière qui appelle et conserve Dieu dans le cœur de l’homme; la Myrrhe, le renoncement, la souffrance, la mortification, par lesquels nous sommes arrachés à l’esclavage de la nature corrompue. Trouvez un cœur qui aime Dieu, qui s’élève à lui par la prière, qui comprenne et goûte la vertu de la croix : vous aurez en ce cœur l’offrande la plus digne de Dieu, celle qu’il agréera toujours.

    Nous ouvrons donc aussi notre trésor, ô Jésus! et nous mettons à vos pieds nos présents. Après avoir confessé votre triple gloire de Dieu, de Prêtre et d’Homme, nous vous supplions d’agréer le désir que nous avons de répondre par l’amour à l’amour que vous nous témoignez ; nous osons môme vous dire que nous vous aimons, ô Dieu ! ô Prêtre ! ô Homme ! Augmentez cet amour que votre grâce a fait naître. Recevez aussi notre prière, tiède et imparfaite, mais cependant unie à celle de votre Église. Enseignez-nous à la rendre digne de vous, et proportionnée aux effets que vous voulez qu’elle produise; formez-la en nous, et qu’elle s’élève sans cesse de notre cœur, comme un nuage de parfums. Recevez enfin l’hommage de nos cœurs contrits et pénitents, la volonté que nous avons d’imposer à nos sens le frein qui les règle, l’expiation qui les purifie.

    Illuminés par les hauts mystères qui nous révèlent la profondeur de notre misère et l’immensité de votre amour, nous sentons qu’il nous faut, plus que jamais, nous éloigner du monde et de ses convoitises, et nous attacher à vous. L’Étoile n’aura pas lui en vain sur nous ; elle ne nous aura pas en vain conduits jusqu’à Bethléhem, où vous régnez sur les cœurs. Quand vous vous donnez vous-même, ô Emmanuel ! quels trésors pourrions-nous avoir que nous ne devions être prêts à déposer à vos pieds ?

    Protégez notre offrande, ô Marie ! Celle des Mages, accompagnée de votre médiation, fut agréable à votre Fils ; la nôtre, présentée par vous, trouvera grâce, malgré son imperfection. Aidez notre amour par le vôtre ; soutenez notre prière par l’intervention de votre Cœur maternel ; fortifiez-nous dans la lutte avec le monde et la chair. Pour assurer notre persévérance, obtenez-nous de ne jamais oublier les doux mystères qui nous occupent présentement ; qu’à votre exemple, nous les gardions toujours gravés dans notre cœur. Qui oserait offenser Jésus dans Bethléhem? qui pourrait refuser quelque chose à son amour, en ce moment où, sur vos genoux maternels, il attend notre offrande ? O Marie ! ne nous laissez jamais oublier que nous sommes les enfants des Mages, et que Bethléhem nous est toujours ouverte.

    Pour épancher les sentiments de joie et d’admiration que nous causent de si ineffables merveilles, empruntons la voix de la Liturgie ; et chantons d’abord cette Hymne de la Naissance que nous a laissée le saint Évêque de Poitiers, Venance Fortunat :

    HYMNE.

Agnoscat omne saeculum Venisse vit praemium ; Post hostis asperi jugum Apparuit redemptio.

Esaias quae cecinit Completa sunt in Virgine : Annuntiavit Angelus, Sanctus replevit Spiritus.

Maria ventre concipit Verbi fidelis semine :

Quem totus orbis non capit Portant puellae viscera.

Radix Jesse floruit,

Et Virga fructum edidit; Foecunda partum protulit, Et Virgo mater permanet.

Praesepe poni pertulit Qui lucis auctor exstitit, Cum Patre coelos condidit, Sub Matre pannos induit.

Legem dedit qui saeculo,
Cujus decem praecepta sunt,

Dignando factus est homo Sub Legis esse vinculo.

Adam vetus quod polluit Adam novus hoc abluit : Tumens quod ille dejicit Humillimus hic erigit.

Jam nata lux est et salus, Fugata nox et victa mors, Venite gentes, credite,

Deum Maria protulit.

Amen.

    

    Que le monde entier se réjouisse en apprenant l’arrivée de Celui qui est la récompense de vie; après le joug d’un ennemi farouche , la rédemption nous apparaît.

    Ce qu’avait chanté Isaïe, s’accomplit dans la Vierge: l’Ange lui a annoncé le mystère ; l’Esprit-Saint l’a remplie de sa vertu.

    Marie conçoit dans ses entrailles ; sa foi dans la parole a été féconde ; Celui que le monde entier ne peut contenir est contenu au sein d’une Vierge.

    La tige de Jessé a fleuri, la branche a porté son fruit ; la Mère féconde a mis au jour son Fils, et la Vierge a gardé son intégrité.

    Il s’est laissé placer dans une crèche, Celui qui est l’auteur de la lumière ; avec son Père il a créé les cieux ; la main de sa Mère l’a enveloppé de langes.

    Celui qui donna la Loi au monde, Celui qui promulgua les dix préceptes, a daigné, devenu homme, se placer sous le joug de la Loi.

    La souillure du vieil Adam, le nouvel Adam l’a lavée ; ce que le premier, dans son orgueil, avait renversé, le second, dans son humilité, le relève.

    La lumière et le salut viennent de naître, la nuit s’enfuit, la mort est vaincue ; venez, nations, visiter avec foi le Dieu que Marie nous enfante.     Amen.

    Nous donnerons ensuite cette éloquente prière du Bréviaire Mozarabe :

    ORATIO.

    Deus, Dei Filius, Patris ineffabilis Virtus, qui novo sidere in Gentibus Rex regum ostenderis magnus, et in civitate illa beata appares gloriosus: quem insulae tremunt : cui principes et nationes Gentium obsequuntur, dum tibi omnia regna cedunt, tibi regum diademata substernuntur; dignare jam gratia nostris te ostendere sensibus pium, et in conversationibus manifestum: ut primitias Spiritus habentes, ea tibi semper munera dedicemus, per quae introire beatam illam Hierusalem placitis cordibus mereamur, ut tibi mundissimum aurum nostrorum operum deferentes, regni tui mereamur esse participes. Amen.

 

    O Dieu ! Fils de Dieu, ineffable Vertu du Père, qui, par le lever d’un nouvel astre, apparaissez aux Gentils comme le puissant Roi des rois, et manifestez votre gloire dans l’heureuse Cité; vous, devant qui tremblent les îles de la terre, à qui les princes et les nations des Gentils obéissent : en ce jour où tous les royaumes s’abaissent devant vous, et les diadèmes des rois sont déposés à vos pieds, daignez, par votre grâce, vous montrer miséricordieux à nos âmes, et apparaître visible dans nos œuvres, afin que, possédant les prémices de l’Esprit, nous puissions vous offrir les présents par lesquels nos cœurs, devenus agréables à vos yeux, mériteront d’entrer en l’heureuse Jérusalem, où nous pourrons vous présenter l’or très pur de nos œuvres, et devenir participants de votre royaume. Amen.

    La Prose qui suit est tirée du Missel de Paris de 1584 :

    SEQUENCE.

In excelsis canitur Nato Regi gloria,

Per quem terrae redditur In coelo concordia.

Jure dies colitur Christi natalitia,

Quo nascente, nascitur Novae legis gratia.

Mediator nobis datus In salutis praemium, Non naturae, sed reatus Effugit consortium.

Non amittit claritatem Stella fundens radium, Nec Maria castitatem, Pariendo Filium.

Quis de monte lapis caesus Sine manu, nisi Jesus

Qui de Regum linea,

Sine carnis opere, De came puerperae Processit virginea ?

Solitudo gaudeat, Et desertum floreat : Virga Jesse floruit.

Radix virgam, virga florem,

Virgo profert Salvatorem, Sicut Lex praecinuit.

Radix David typum gessit : Virga, matris quae processit

Ex regali semine.

Flos est Puer nobis natus, Jure flori comparatus

Prae mira dulcedine.

In praesepe reclinatur, Cujus ortus celebratur Coelesti praeconio.

Coeli cives jubilant, Dum pastores vigilant Sub noctis silentio.

Cuncta laudes intonant Super partum Virginis.

Lex et psalmi consonant Prophetarum paginis.

Angelorum et pastorum, Stellae simul et Magorum Concordant indicia.

Reges currunt Orientis Ad praesepe vagientis, Gentium primordia.

Jesu puer immortalis, Ex terreno temporalis, Nos ab hujus vitae malis Tu potenter erue.

Tu, post vitam hunc mortalem,

Sive mortem hanc vitalem, Vitam nobis immortalem Clementer restitue. Amen.

 

    Dans les hauteurs on chante : Gloire au Roi nouveau-né, qui vient rétablir la concorde entre le ciel et la terre.

    Tout nous invite à célébrer le jour natal du Christ, jour qui donne naissance à la grâce de la loi nouvelle.

    Le médiateur qui nous est donné pour la rançon de notre salut, veut partager notre nature, sans être pécheur comme nous.

    L’étoile, lançant son rayon, ne diminue pas sa clarté, ni Marie, enfantant son Fils, ne donne atteinte à sa pureté.

    Quelle est cette pierre, sans la main de l’homme, détachée de la montagne? C’est Jésus qui, sortant de la lignée des Rois,

    Sans le secours de la chair, procède du sein d’une Vierge-mère.

    Que la solitude tressaille, que le désert se couvre de fleurs : la tige de Jessé a fleuri.

    La tige produit la branche, et la branche la fleur; la Vierge produit le Sauveur : ainsi la Loi l’avait chanté.

    La tige figurait David, la branche annonçait la Mère qui est sortie du sang royal.

    La fleur est l’Enfant qui pour nous est né, digne d’être comparé à la fleur, pour sa douceur merveilleuse.

    Il est couché dans la crèche, Celui dont la naissance est célébrée par des concerts célestes.

    Les habitants du ciel chantent avec allégresse, et les pasteurs veillent dans le silence de la nuit.

    Tout retentit de louanges sur l’enfantement de la Vierge.

    La Loi et les Psaumes s’unissent dans leurs oracles aux écrits des Prophètes.

    Les Anges et les pasteurs, les astres et les Mages proclament le nouveau-né.

    Prémices des Gentils, les Rois accourent de l’Orient à la crèche de cet Enfant.

    Jésus, enfant immortel, devenu mortel et terrestre, arrachez-nous par votre puissance aux maux de cette vie.

    Après cette vie mourante, cette mort vivante, restituez-nous, par votre clémence, l’immortelle vie. Amen.

    Le saint Diacre d’Edesse continue son admirable dialogue des Mages avec la Mère de l’Enfant divin.

 

HYMNE

Totum mysterium ut actum est apud vos in regione vestra, aperite nunc mihi, ut amici; et quis vocabit vos, ut ad me veniretis ?

Magna stella nobis apparuit, reliquis multo splendidior stellis, cujus lumine nostra terra est inflammata, et quod Rex ortus sit, nobis annuntiavit.

Nollem, vos quaeso, loquamini haec in regione nostra, ne sentientes Reges terrae, machinentur sua invidia adversus puerum.

Ne timeas, Virgo, quia omnia diademata solvet Filius tuus, eaque pessum dabit, nec sua invidia nocumentum inferre illi valebunt.

Herodem timeo, lupum pollutum, ne me perturbet, gladium stringat, quo praecidat dulcem botrum adhuc immaturum.

Herodem ne timeas: per Filium enim tuum subvertetur ejus thronus, et statim atque regnabit, destruetur, et ejus diadema decidet.

Torrens sanguinis est Hierusalem, in eaque optimi quique cadunt : quare si hoc praesenserit, machinabitur in illum; ideoque secreto loquamini, precor, et ne tumultuetis.

Torrentes omnes, et lanceae etiam per manus Filii tui sedabuntur, et Hierosolymae obstupescet gladius, et nisi voluerit, non cadet.

Scribae et sacerdotes Hierusalem, qui sanguinem subdole effundere solent, excitabunt forte lethale litigium adversum me, et adversum puerum : Magi, quaeso, silete.

Scribae et sacerdotes nequaquam valebunt sua invidia Filio tuo nocere; et per ipsum solvetur eorum sacerdotium, et solemnitates eorum cessabunt.

Angelus apparuit mihi, quando concepi puerum; quod Rex sit Filius meus, et quod ab alto sit ejus diadema, et non solvetur, ipse quoque explicavit mihi ut et vobis.

Angelus igitur, quem dicis, ipse venit sub specie sideris et apparuit nobis, atque annuntiavit quod Puer major sit et splendidior stellis.

Coram vobis ecce aperio aliud arcanum, ut confirmemini; scilicet virgo peperi filium, Filiumque Dei; euntes praedicate ipsum.

Jam nos praedocuit stella, nativitatem ejus extra ordinem esse naturae, et super omnia esse Filium tuum, eumdemque etiam Filium esse Dei.

Pacem referte in terram vestram ; pax gliscat in finibus vestris: veraces veritatis nuntii habeamini in toto itinere vestro.

Pax Filii tui nos reducat incolumes in regionem nostram, ut duxit ; et cum imperium ejus mundo manifestabitur, invisat terram nostram, et benedicat

Gaudeat Persis vestro nuntio, exsultet Assyria vestro reditu; et quando regnum Filii mei manifestabitur, in regione vestra suum collocabit vexillum.

 

    Faites-moi connaître, ô Princes! dites-moi, par bienveillance, tout le mystère qui s’est accompli dans votre contrée : quelle voix vous a appelés et vous fait venir jusqu’ici?

    — Une étoile immense nous a apparu, plus éclatante que tous les astres ; sa splendeur a illuminé notre région, et nous a appris que le Roi est né.

    — De grâce, ô Princes ! ne parlez pas de ces choses dans notre contrée, de peur que les Rois de la terre; l’ayant appris, ne dressent des embûches, dans leur envie, à cet enfant.

    — Ne craignez point, ô Vierge ! c’est votre Fils qui brisera tous les diadèmes, il les anéantira ; et l’envie des princes ne lui pourra jamais nuire.

    — Je crains Hérode, ce loup impur, je crains qu’il ne me suscite des chagrins, qu’il ne tire le glaive, et ne coupe cette douce grappe non mûre encore.

    — Ne craignez pas Hérode ; votre Fils renversera son trône ; ce tyran régnera peu, il sera brisé, et son diadème roulera à terre.

    — Un torrent de sang coule à Jérusalem, les hommes les plus vertueux sont immolés : si donc le tyran apprend ces choses, il tendra des pièges à mon Fils. De grâce, ô Princes ! gardez le secret ; évitez le tumulte.

    — Tous les torrents seront arrêtés dans leur cours par votre Fils ; sa main contiendra l’effort des lances ; le glaive de Jérusalem demeurera suspendu, et il ne tombera que si votre Fils le permet.

    — Les scribes et les prêtres de Jérusalem, qui ont coutume de répandre le sang dans leurs intrigues, exciteront peut-être quelque débat sanglant contre moi et mon Fils ; de grâce, Mages, gardez le silence.

    — L’envie des scribes et des prêtres ne saurait nuire à votre Fils ; c’est lui qui doit abolir leur sacerdoce; par lui cesseront leurs solennités.

    — Un Ange m’a apparu, au jour où je conçus cet Enfant ; il me dit, comme à vous, que mon Fils est Roi, que son diadème est d’en haut, et qu’il est indestructible.

    — L’Ange dont vous parlez, ô Vierge, est le même qui nous a apparu sous la forme d’une étoile ; c’est de lui que nous savons que votre Fils est plus grand que les astres, et qu’il les surpasse en splendeur.

    — Je vous déclare un autre mystère pour confirmer votre foi : sachez donc que, demeurant vierge, j’ai enfanté un fils, le Fils de Dieu ; allez et annoncez sa gloire.

    — Déjà l’étoile nous avait instruits; par elle nous savions que la naissance de votre Fils était supérieure à toute chose, et qu’il est le Fils même de Dieu.

    — Rapportez la paix en votre contrée ; que la paix s’étende sur tous vos royaumes ; soyez les fidèles messagers de la vérité sur toute votre route.

    — Que la paix de votre Fils nous ramène sains et saufs dans notre région, comme elle nous a conduits ici ; et quand son empire sera manifesté au monde, qu’il visite notre terre et qu’il la bénisse.

    — Que la Perse se réjouisse à la nouvelle que vous apportez ; que l’Assyrie tressaille à votre retour ; quand le royaume de mon Fils apparaîtra, lui-même il placera son étendard au milieu de votre contrée.

    

    Chantons Marie, et offrons à sa gloire ce cantique de l’Église Grecque, où respire la tendre piété de l’Hymnographe saint Joseph.

 

    XV DIE JANUARII

Molestissimis passionum insultibus, quasi tempestatibus exagitatus, et peccatorum ictibus quasi fluctibus concussus, ad indefessam protectionem tuam confugio cum affectu, o puella omni laude dignissima : miserere mei, et salva me, o Virgo perpetua.

Cum te tamquam rosam redolentem purus ille in convallibus reperisset, o inviolata; in medio tui habitavit, humanum genus suavissimo replens odore.

Dirige motus anima mea, o purissima, ad divina illius praecepta qui ex utero tuo coruscavit, atque a tempestate scandalorum hujus vita eripe me intercessionibus tuis.

Omnium Dominum Emmanuel sine vin i opera peperisti, manens Virgo post partum, o Virgo mater. Eumdem incessanter exora ut ab hostium invasionibus liberentur illi qui confugiunt sub protectionem tuam.

Verbum quod aequale est in operatione et in throno Genitori suo, ex visceribus tuis corporasti, o casta; atque inde propter ineffabilem misericordiam suam, totam naturam nostram assumpsit.

Prolem tuam laudamus, o benedicta, per quam ab antiqua damnatione redempti sumus; te vero beatificamus, o divina felicitate cumulati sima ; quam solam dilexit ille qui est benedictus ac supergloriosus.

Fluvium perennem nobis effundis recurrentibus ad te, o casta; cujus uberem gratiam delibantes, partum tuum laudamus, o inviolatissima, et superexaltamus in omnia saecula.

Lucis habitaculum venter tuus factus est, per quam sedentes in tenebris viderunt lumen: unde te incessabili voce semper laudamus, o Dei Mater ; et cum affectu veneramur te spem animarum nostrarum.

 

    Agité et fatigué par les assauts de mes passions, comme par une tempête, battu par les flots de mes péchés, je me réfugie avec amour sous ton infatigable protection, ô Vierge digne de toute louange! Aie pitié de moi et sauve-moi, ô toujours Vierge !

    Celui qui est la pureté même te rencontra dans le vallon comme une rose odorante, ô immaculée ! il voulut habiter au milieu de toi, lui qui embaume le genre humain de ses suaves parfums.

    Dirige les mouvements de mon âme, ô très pure, selon les divins préceptes de Celui qui s’est levé de ton sein avec splendeur; par ton intercession, sauve-moi de la tempête des scandales de cette vie.

    Vierge-mère, sans le secours de l’homme, tu as enfanté le Seigneur de tous, l’Emmanuel, et tu es demeurée Vierge après l’enfantement ; ne cesse de supplier ton Fils de délivrer de l’ incursion de leurs ennemis ceux qui se réfugient sous ta protection.

    Tu as revêtu d’un corps, ô très chaste, et possédé dans tes entrailles le Verbe égal à son Père en œuvres et en majesté, qui, pour son ineffable miséricorde, a daigné prendre toute notre nature.

    Nous louons, ô bénie! ton Fils, par qui nous sommes rachetés de la damnation éternelle ; nous te proclamons bienheureuse, ô toi qui es comblée des félicités divines, toi qu’a aimée uniquement Celui qui est béni et glorieux par-dessus toutes choses !

    Tu épanches sur nous, qui recourons à toi, un fleuve intarissable, ô très chaste ! Nous nous y désaltérons dans les flots abondants de la grâce ; nous louons ton enfantement, ô immaculée! nous l’exaltons dans tous les siècles.

    Ton sein est devenu le séjour de la Lumière, qui est venue éclairer ceux qui étaient assis dans les ténèbres; c’est pourquoi, d’une voix incessante, nous te louons à jamais, ô Mère de Dieu ! et nous te vénérons avec amour comme l’espoir de nos âmes.

 

    L’Église fait aujourd’hui la mémoire de saint Hygin, Pape et Martyr. Ce saint Pontife occupa la Chaire Apostolique sous le règne d’Antonin, et termina par le martyre un Pontificat de quatre années. La plupart de ses actions nous sont restées inconnues ; mais nous vénérons en lui un des anneaux de cette sublime succession de Pontifes qui nous rattache, par saint Pierre, à Jésus-Christ. Plein de fidélité et de force, il porta tout le poids de l’Église, à cet âge des persécutions durant lequel le Pontife suprême fut constamment une victime vouée à la mort. Il obtint de bonne heure la palme immortelle, et alla rejoindre, aux pieds de l’Emmanuel, les trois Mages qui avaient annoncé le salut à la Grèce, sa patrie. Prions-le d’accompagner de ses vœux l’offrande que nous faisons au divin Enfant, dans ces jours où il ne nous demande pas notre sang par le martyre, mais nos cœurs par la charité.

    Célébrons ce saint Pape, en disant avec l’Église :

    ANT. Iste Sanctus pro lege Dei sui certavit usque ad mortem, et a verbis impiorum non timuit ; fundatus enim erat supra firmam petram.

Ant. Ce saint a combattu jusqu’à la mort pour la loi de son Dieu, et n’a point craint les menaces des impies ; car il était fondé sur la pierre ferme.

    ORAISON.

Infirmitatem nostram respice, omnipotens Deus, et quia pondus propriae actionis gravat, beati Hygini Martyris tui atque Pontificis intercessio gloriosa nos protegat. Per Christum Dominum nostrum. Amen.

 

    Dieu tout-puissant, regardez notre infirmité, et parce que nous sommes accablés sous le poids de nos péchés, faites que nous soyons fortifiés par la glorieuse intercession du bienheureux Hygin, votre Martyr et Pontife. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

XII JANVIER. LE SEPTIÈME JOUR DANS L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE.

    Ayant déposé leurs offrandes aux pieds de l’Emmanuel, comme le signe de Vaillance qu’ils contractent avec lui au nom du genre humain, combles de ses plus chères bénédictions, les Mages prennent congé de ce divin Enfant ; car telle est sa volonté. Ils s’éloignent enfin de Bethléhem; mais désormais la terre entière leur paraît vide et déserte. Comme ils désireraient fixer leur séjour auprès du nouveau Roi, dans la compagnie de son ineffable Mère ! Mais le plan du salut du monde exige que tout ce qui sent l’éclat et la gloire humaine soit loin de Celui qui est venu chercher nos abaissements.

    Il faut d’ailleurs qu’ils soient les premiers messagers de la parole évangélique ; qu’ils aillent annoncer dans la Gentilité que le Mystère du salut est commencé, que la terre possède son Sauveur, que le salut est à la porte. L’Étoile ne marche plus devant eux ; elle n’est plus nécessaire pour les conduire à Jésus ; ils le portent maintenant et à jamais dans leur cœur. Ces trois hommes prédestinés sont donc déposés au sein de la Gentilité, comme ce levain mystérieux de l’Évangile, qui, malgré son léger volume, procure la fermentation de la pâte tout entière. Dieu bénit à cause d’eux les nations de la terre ; à partir de ce jour, l’infidélité diminue, insensiblement la foi monte; et quand le sang de l’Agneau aura été versé, quand le baptême aura été promulgué, les Mages, initiés aux derniers mystères, ne seront plus seulement hommes de désirs, mais chrétiens parfaits.

    Une ancienne tradition chrétienne, que nous voyons déjà rappelée par l’auteur de l’Ouvrage imparfait sur saint Matthieu inséré dans toutes les éditions de saint Jean Chrysostome, et qui paraît avoir été écrit vers la fin du VI° siècle ; cette tradition, disons-nous, porte que les trois Mages furent baptisés par l’Apôtre saint Thomas, et qu’ils se livrèrent à la prédication de l’Évangile. Quand bien même cette tradition n’existerait pas, il est aisé de comprendre que la vocation de ces trois Princes ne devait pas se bornera visiter, eux premiers des Gentils, le Roi éternel manifesté sur la terre : une nouvelle mission, celle de l’apostolat, découlait tout naturellement de la première.

    De nombreux détails sur la vie et les actions des Mages devenus chrétiens sont arrivés jusqu’à nous ; nous nous abstenons cependant de les relater ici, attendu qu’ils ne sont ni assez anciens, ni assez graves, pour que l’Église ait cru devoir en faire usage dans sa Liturgie. Il en est de même de leurs noms, Melchior, Gaspar, Bahhasar : l’usage en est trop récent ; et s’il nous paraît téméraire de les attaquer directement, il nous semblerait aussi trop difficile d’en soutenir la responsabilité.

    Quant aux corps de ces illustres et saints adorateurs du Seigneur nouveau-né, ils furent transportés de Perse à Constantinople sous les premiers Empereurs Chrétiens, et reposèrent longtemps dans l’Église de Sainte-Sophie. Plus tard, sous l’Évêque Eustorge, Milan les vit transférer dans ses murs ; et ils y restèrent jusqu’au XII° siècle, où, avec le concours de Frédéric Barberousse, Reinold, archevêque de Cologne, les plaça dans l’Église cathédrale de cette auguste Métropole. C’est là qu’ils reposent encore aujourd’hui dans une magnifique châsse, le plus beau monument, peut-être, de l’orfèvrerie du moyen âge, sous les voûtes de cette sublime Cathédrale qui, par sa vaste étendue, la hardiesse et le caractère de son architecture, est l’un des premiers temples de la chrétienté.

    Ainsi, nous vous avons suivis, ô Pères des nations, du fond de l’Orient jusqu’en Bethléhem ; et nous vous avons reconduits dans votre patrie, et amenés enfin au lieu sacré de votre repos, sous le ciel glacé de notre Occident. Un amour filial nous attachait à vos pas; et d’ailleurs ne cherchions-nous pas nous-mêmes, sur vos traces, ce Roi de gloire auprès duquel vous aviez à nous représenter ? Bénie soit votre attente, bénie votre docilité à l’Étoile, bénie votre dévotion aux pieds du céleste Enfant, bénies vos pieuses offrandes qui nous donnent la mesure des nôtres! O Prophètes ! qui avez véritablement prophétisé les caractères du Messie par le choix de vos dons; ô Apôtres ! qui avez prêché, jusque dans Jérusalem, la Naissance du Christ sous les langes de son humilité, du Christ que les Disciples n’annoncèrent qu’après le triomphe de sa Résurrection ; ô fleurs de la Gentilité ! qui avez produit de si nombreux et de si précieux fruits ; car vous avez produit pour le Roi de gloire des nations entières, des peuples innombrables : veillez sur nous, protégez les Églises. Souvenez-vous de cet Orient du sein duquel vous êtes venus, comme la lumière ; bénissez l’Occident plongé encore dans de si épaisses ténèbres, au jour où vous partiez à la suite de l’Étoile, et devenu depuis l’objet de la prédilection du divin Soleil. Réchauffez-y la foi qui languit ; obtenez de la divine miséricorde que toujours, et de plus en plus, l’Occident envoie des messagers du salut, et au midi, et au nord, et jusque dans cet Orient infidèle, jusque sous les tentes de Sem, qui a méconnu la lumière que vos mains lui apportèrent. Priez pour l’Église de Cologne, cette illustre sœur de nos plus saintes Églises de l’Occident; qu’elle garde la foi, qu’elle ne laisse point s’affaiblir la sainte liberté, qu’elle soit le boulevard de l’Allemagne catholique, toujours appuyée sur la protection de ses trois Rois, sur le patronage de la glorieuse Ursule et de sa légion virginale. Enfin, ô favoris du grand Roi Jésus, mettez-nous à ses pieds, offrez-nous à Marie ; et donnez-nous d’achever dans l’amour du céleste Enfant, les quarante jours consacrés à sa Naissance, et notre vie tout entière.

    Pour finir cette journée, nous chanterons le grand Mystère de l’Épiphanie, en empruntant, encore une fois, la voix mélodieuse des Églises du Christ. Le grand Fulbert de Chartres nous fournira l’Hymne suivante.

    HYMNE.

Nuntium vobis fero de supernis

Natus est Christus, Dominator orbis,

In Bethlehem Judae; sic enim Propheta

Dixerat ante.

Hunc canit laetus chorus Angelorum,

Stella declarat, veniunt Eoi

Principes, dignum celebrare cultum,

Mystica dona.

Thus Deo, myrrham tribuunt sepulchro,

Auream Regi speciem decenti,

Dum colunt unum, meminere Trino

Tres dare terna.

Gloriam trinae monadi canamus,

Cum Deo divae Genitore Proli,

Flamini nec non ab utroque fuse

Corde fideli. Amen.

 

    Je viens du ciel vous apprendre la nouvelle : « Le Christ, le Seigneur du monde, est né en Bethléhem; ainsi le Prophète l’avait annoncé. »

    Ainsi chante, dans sa joie, le chœur angélique. L’étoile, à son tour, annonce le nouveau-né ; les princes de l’Orient viennent lui rendre leur culte par des présents mystiques.

    A la divinité ils consacrent l’encens , au sépulcre la myrrhe, l’or à la royauté ; en adorant Celui qui est unique, les trois Mages voulurent offrir trois dons au Dieu triple en personnes.

    Chantons d’un cœur plein de foi gloire à la triple Monade, au Dieu Père, au Fils divin, à l’Esprit qui procède et du Père et du Fils. Amen.

    Les deux Oraisons suivantes sont extraites du Bréviaire Mozarabe.

    ORATIO.

Tu es, Domine, stella veritatis oriens ex Jacob, homoque consurgens ex Israel: et in novo sidere ostenderis Deus, et in praesepio positus Deus et homo, unus crederis Christus: propter magnam misericordiam tuam visionis tue nobis proroga gratiam: appareat in nobis lucis tue radiabile signum, quod expellat omnes tenebras vitiorum; ut qui visionis tue desiderio anhelamus, visionis tue praemio consolemur. Amen.

    Vous êtes, ô Seigneur, l’étoile de vérité qui se lève de Jacob, l’homme qui sort du peuple d’Israël ; par ce nouvel astre vous apparaissez Dieu ; dans la crèche vous vous manifestez Dieu et homme; et nous vous croyons un seul Christ. Par votre grande miséricorde, daignez donc nous proroger la grâce de votre vision; que le signe radieux de votre lumière brille en nous, qu’il en chasse toutes les ténèbres des vices, afin que nous qui soupirons du désir de vous voir, nous soyons consolés par la récompense de votre vision. Amen.

    ORATIO.

Fulget, Domine, coelum rutilum serenitate astrorum, terraque ipsa refulgenti lumine serenatur, quia apparere dignatus es mundo de habitaculo sancto tuo; sana ergo cordis nostri moestitiam, quia ad hoc venisti, ut redimas universa: illudque nostris oculis lumen attribue, quo te purificati semper mereamur aspicere : ut qui Apparitionis tue gaudia laetabunda nuntiamus in gentibus, infinita tecum laetitia gaudeamus. Amen.

    Seigneur,le ciel étincelant brille de l’éclat serein de votre étoile, la terre réfléchit sa douce splendeur, en ce jour où, du haut de votre habitation sainte, vous avez daigné apparaître à la terre ; guérissez donc la tristesse de nos cœurs, car vous êtes venu racheter toutes choses; donnez à nos yeux cette lumière par laquelle, devenus purs, nous mériterons de vous voir à jamais, afin que nous, qui annonçons dans les nations la joyeuse allégresse de votre Apparition, nous soyons appelés à nous réjouir avec vous au sein de votre félicité infinie. Amen.

    Nous prenons cette Prose dans les anciens Missels des Églises d’Allemagne.

    SEQUENCE.

Nato nobis Salvatore Celebremus cum honore Diem natalitium.

Nobis datus, nobis natus, Et nobiscum conversatus, Lux et salus gentium.

Eva prius interemit; Sed Salvator nos redemit Carnis sue merito.

Prima parens nobis luctum,

Sed Maria vite fructum Protulit cum gaudio.

Negligentes non neglexit, Sed ex alto nos prospexit Pater mittens Filium.

Praesens mundo, sed absconsus,

De secreto tamquam sponsus Prodiit in publicum.

Gigas velox, gigas fortis, Gigas nostrae victor mortis, Accinctus potentia.

Ad currendam venit viam, Complens in se prophetiam Et Legis mysteria.

Jesu, nostra salutaris Medicina, singularis Nostra pax et gloria;

Quia servis redimendis Tam decenter condescendis, te collaudant omnia.

Amen.

 

    Le Sauveur nous est né ; célébrons avec honneur le jour de sa Naissance.

    A nous il a été donné, pour nous il est né, avec nous il a conversé, lumière et salut des Gentils.

    Ève nous donna la mort; mais le Sauveur nous a rachetés en daignant prendre notre chair.

    La première mère fut le principe de nos tristesses ; Marie nous donne, avec l’allégresse, le fruit de la vie.

    Le Père n’a point délaissé ceux qui s’éloignaient de lui ; du haut du ciel, il nous a regardés, et nous a envoyé son Fils.

    Ce Fils présent au monde, mais caché, a paru à la lumière, semblable à l’Époux qui sort de son sanctuaire.

    Géant agile, géant plein de force, géant vainqueur de la mort, armé de sa puissance,

    Il est venu, il s’est élancé dans sa voie, accomplissant en lui-même la prophétie et les mystères de la Loi.

    O Jésus ! notre salut, notre remède, notre paix, et notre gloire,

    Pour cette condescendance qui vous porte à racheter vos esclaves , que toute créature célèbre vos louanges.

    Amen.

    Ce beau chant à la gloire de l’Enfant Jésus appartient à saint Ephrem, le chantre sublime de l’Église Syrienne.

    HYMNE.

Hebraeae virgines assuetae alias Jeremiae Threnos recantare, pro lugubri suarum Scriptura rura carmine, indidem acceptos hymnos hujusmodi refuderunt, Spiritu ipsarum ora movente:

Laeta jam nunc oculos ab inferis attollat Eva hunc visura diem, in quo ipsius nepos vitae auctor descendit extinctam Matris suae genitricem excitaturus. Adorandus puer caput serpentis contudit, cujus illa olim infecta veneno periit.

A cunis decori Isaac, Sara mater tuam speculabatur infantiam, teque illo adumbratum suo mulcebat cantu; relegensque infantiae tue mysteria in eo puero expressa : Euge, fui, votorum fructus meorum, cantabat; jam nunc video in te, qui latet in te Dominum, omnium piorum vota precesque suscipiens, et ratas efficiens.

Nazaraeus Samson juvenis fortissimus tuae fortitudinis umbra fuit; leonem laceravit, mortis quam concidisti typum; rupisti scilicet mortem, vitamque ex ejus amarissimo ventre exclusisti, cujus usura nobis futura erat jucundissima.

Anna pariter te in Samuele figuratum, suo non semel pectori oppressit, tum primum, quando tuam praesensit justissimam severitatem ab illo repraesentatam eo die, quo regem Agag in frusta dissectum occidit, expressam diaboli imaginem: tum iterum, quando tuam contemplabatur clementiam ab eodem velut rudiore manu descriptam, eo tempore quo Saulis ruinam piis et veris lacrymis lugere non destitit.

 

    Les filles juives, accoutumées jusqu’alors à répéter les Thrènes de Jérémie sur le mode lugubre de leurs Écritures sacrées, aujourd’hui pleines de l’Esprit divin, éclatent en hymnes d’allégresse :

    « Que du fond des demeures souterraines, Ève élève ses regards pour voir ce jour où l’un de ses fils, l’auteur de la vie, descend pour la réveiller du sommeil de la mort, elle l’aïeule de sa Mère. L’adorable enfant a brisé la tête du serpent, dont les poisons causèrent la mort de cette mère des humains.

    « Sara, mère du bel Isaac, contemplait votre enfance, ô Christ ! dans le berceau de son fils; célébrant les mystères de votre enfance, exprimés dans cet enfant, elle songeait à vous quand elle l’endormait par la douceur de ses chants : « Fruit de mes désirs, ô mon fils ! chantait-elle, je vois le Seigneur qui en toi est voilé, lui qui reçoit les vœux et les prières de tous les cœurs pieux, et qui daigne les exaucer. »

    « Samson, le Nazaréen, dans sa vigoureuse adolescence, fut la figure de votre force ; il déchira le lion, symbole de la mort que vous avez écrasée. Cette mort, vous l’avez déchirée ; aussi de son ventre plein d’amertume,vous avez fait sortir la vie, si délicieuse à la bouche des mortels.

    « C’était vous que l’heureuse Anne pressait contre son cœur en la personne de Samuel, de ce Prophète qui deux fois figura votre ministère : la première, en faisant éclater votre juste sévérité, au jour où il mutila le roi Agag, figure du démon; la seconde, en imitant votre miséricorde, quoique sous des traits imparfaits, lorsqu’on le vit déplorer sans relâche la réprobation de Saül, avec des larmes tendres et sincères. »

 

    Les Menées de l’Église Grecque nous offrent encore ces belles strophes à la gloire de la Mère de Dieu.

    XVI DIE JANUARII.

Terra inarata apparuisti, o augustissima, quae spicam nobis protulisti, universi nutritorem Dominum Jesum, ex quo nos comedentes, ad vitam revocamur.

Deum ex te incarnatum videntes, o Virgo casta, Deiparam te proprie confitemur, quae omnium reformationis, absque ulla dubitatione, causa fuisti.

Super essentialis ille, qui carnis erat expers, ex venerandis sanguinibus tuis in- carnatus est, o castissima; et caro sine ulla mutatione factus, cum hominibus conversatus est.

Naturae leges in te, o purissima Virgo, revera innovantur: Virgo quippe post partum manes, velut ante partum, Christum legislatorem enixa.

Miserabilis anima mea passionibus medere, o Dei Genitrix castissima; mentem tranquilla hostilibus invasionibus velut tempestatibus jactatam, et cor meum pacatum redde, o puella.

Rosam in medio spinarum te vere invenit in hujus mundi convallibus, o casta Virgo, Jesus omnium plantator, atque ex utero tuo natus, nos divines cognitionis suavissimo perfudit odore.

Te spirituale candelabrum, qua lucem inaccessibilem suscepisti, agnovimus, o Virgo Maria, qua omnium fidelium animos illuminasti, et peccati tenebras eliminasti.

Vocibus gratiarum actione plenis ad te clamamus : Ave, immaterialis, lucis habitaculum purissimum; ave, causa deificationis omnium; ave, maledictionis dissolutio ; ave, terrigenarum expulsorum revocatio.

 

    Comme une terre vierge, tu nous as produit sans culture le divin épi, auguste Marie, le Seigneur Jésus qui nourrit l’univers, et qui, devenu notre aliment, nous rappelle à la vie.

    Contemplant le Dieu incarné en toi, ô chaste Vierge ! nous te confessons véritablement Mère de Dieu, toi qui, sans aucun doute, es devenue la cause de la régénération de toutes choses.

    Celui qui est au-dessus de toute substance, et qui n’avait rien de commun avec la chair, s’est incarné, et a été formé de ton sang digne de nos hommages, ô très pure ! Il s’est fait chair sans subir aucun changement, et il a conversé avec les hommes.

    Chaste Vierge, les lois de la nature sont interverties en toi; tu demeures vierge après l’enfantement, comme avant l’enfantement par lequel tu as mis au jour le Christ législateur.

    Guéris les passions de ma pauvre âme, Mère de Dieu très pure ; rends la paix à mon âme agitée par les invasions de l’ennemi, comme par une tempête continuelle, et donne la sérénité à mon cœur, ô Vierge !

    Jésus, le jardinier de ce monde, t’a rencontrée comme une rose au milieu des épines, dans les vallons de cette terre, ô Vierge sans tache ! et ayant daigné naître de ton sein, il nous a embaumés des suaves parfums de la doctrine qui fait connaître Dieu.

    Nous te reconnaissons, ô Vierge Marie, pour le candélabre spirituel qui a porté la lumière inaccessible; c’est toi qui as illuminé les âmes de tous les fidèles et dissipé les ténèbres du péché.

    Dans nos cantiques d’actions de grâces, nous réunissons nos voix pour te dire : Salut, ô la très pure demeuré de la lumière immatérielle ! Salut, toi qui es l’auteur de la déification de tous ! Salut, toi qui abolis la malédiction ! Salut, toi qui rappelles de l’exil les habitants de la terre !

 

XIII JANVIER. L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE

    Le second Mystère de l’Épiphanie, le Mystère du Baptême du Christ dans le Jourdain, occupe aujourd’hui tout spécialement l’attention de l’Église. L’Emmanuel s’est manifesté aux Mages après s’être montré aux bergers ; mais cette manifestation s’est passée dans l’enceinte étroite d’une étable à Bethléhem, et les hommes de ce monde ne l’ont point connue. Dans le mystère du Jourdain, le Christ se manifeste avec plus d’éclat. Sa venue est annoncée par le Précurseur ; la foule qui s’empresse vers le Baptême du fleuve en est témoin ; Jésus prélude à sa vie publique. Mais qui pourrait raconter la grandeur des traits qui accompagnent cette seconde Épiphanie ?

    Elle a pour objet, comme la première, l’avantage et le salut du genre humain; mais suivons la marche des Mystères. L’étoile a conduit les Mages vers le Christ ; ils attendaient, ils espéraient ; maintenant, ils croient. La foi dans le Messie venu commence au sein de la Gentilité. Mais il ne suffit pas de croire pour être sauvé ; il faut que la tache du péché soit lavée dans l’eau. « Celui qui a croira et qui sera baptisé sera sauvé 2 » : il est donc temps qu’une nouvelle manifestation du Fils de Dieu se fasse, pour inaugurer le grand remède qui doit donner à la Foi la vertu de produire la vie éternelle.

    Or, les décrets de la divine Sagesse avaient choisi l’eau pour l’instrument de cette sublime régénération de la race humaine. C’est pourquoi, à l’origine des choses, l’Esprit de Dieu nous est montré planant sur les eaux, afin que, comme le chante l’Église au Samedi saint, leur nature conçût déjà un principe de sanctification. Mais les eaux devaient servir à la justice envers le monde coupable, avant d’être appelées à remplir les desseins de la miséricorde. A l’exception d’une famille, le genre humain, par un décret terrible, disparut sous les flots du déluge.

    Toutefois, un nouvel indice de la fécondité future de cet élément prédestiné apparut à la fin de cette terrible scène. La colombe, sortie un moment de l’arche du salut, y rentra, ponant un rameau d’olivier, symbole de la paix rendue à la terre après l’effusion de l’eau. Mais l’accomplissement du mystère annoncé était loin encore.

    En attendant le jour où ce mystère serait manifesté, Dieu multiplia les figures destinées à soutenir l’attente de son peuple. Ainsi, ce fut en traversant les flots de la Mer Rouge, que ce peuple arriva à la Terre promise ; et durant ce trajet mystérieux, une colonne de nuée couvrait à la fois la marche d’Israël, et ces flots bénis auxquels il devait son salut.

    Mais le contact des membres humains d’un Dieu incarné pouvait seul donner aux eaux cette vertu purifiante après laquelle soupirait l’homme coupable. Dieu avait donné son Fils au monde, non seulement comme le Législateur, le Rédempteur, la Victime de salut, mais pour être aussi le Sanctificateur des eaux ; et c’était au sein de cet élément sacré qu’il devait lui rendre un témoignage divin, et le manifester une seconde fois.

    Jésus donc, âgé de trente ans, s’avance vers le Jourdain, fleuve déjà fameux par les merveilles prophétiques opérées dans ses eaux. Le peuple juif, réveillé par la prédication de Jean-Baptiste, accourait en foule pour recevoir un Baptême, qui pouvait exciter le regret du péché, mais qui ne l’enlevait pas. Notre divin Roi s’avance aussi vers le fleuve, non pour y chercher la sanctification, car il est le principe de toute justice, mais pour donner enfin aux eaux la vertu d’enfanter, comme chante l’Église, une race nouvelle et sainte. Il descend dans le lit du Jourdain, non plus comme Josué pour le traverser à pied sec, mais afin que le Jourdain l’environne de ses flots, et reçoive de lui, pour la communiquera l’élément tout entier, cette vertu sanctifiante que celui-ci ne perdra jamais. Échauffées par les divines ardeurs du Soleil de justice, les eaux deviennent fécondes, au moment où la tête sacrée du Rédempteur est plongée dans leur sein parla main tremblante du Précurseur.

    Mais, dans ce prélude d’une création nouvelle, il est nécessaire que la Trinité tout entière intervienne. Les cieux s’ouvrent ; la Colombe en descend, non plus symbolique et figurative, mais annonçant la présence de l’Esprit d’amour qui donne la paix et transforme les cœurs. Elle s’arrête et se repose sur la tête de l’Emmanuel, planant à la fois sur l’humanité du Verbe et sur les eaux qui baignent ses membres augustes.

    Cependant le Dieu-Homme n’était pas manifesté encore avec assez d’éclat ; il fallait que la parole du Père tonnât sur les eaux, et les remuât jusque dans la profondeur de leurs abîmes. Alors se fit entendre cette Voix qu’avait chantée David : Voix du Seigneur qui retentit sur les eaux, tonnerre du Dieu de majesté qui brise les cèdres du Liban, l’orgueil des démons, qui éteint le feu de la colère céleste, qui ébranle le désert, qui annonce un nouveau déluge 3 , un déluge de miséricorde; et cette voix disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui f ai mis toutes mes complaisances.

    Ainsi fut manifestée la Sainteté de l’Emmanuel par la présence de la divine Colombe et par la voix du Père,comme sa Royauté avait été manifestée par le muet témoignage de l’Étoile. Le mystère accompli,l’élément des eaux investi de la vertu qui purifie, Jésus sort du Jourdain et remonte sur la rive, enlevant avec lui, selon la pensée des Pères, régénéré et sanctifié, le monde dont il laissait sous les flots les crimes et les souillures.

    Elle est grande, cette fête de l’Épiphanie, dont l’objet est d’honorer de si hauts mystères ; et nous n’avons pas lieu de nous étonner que l’Église orientale ait fait de ce jour une des époques de l’administration solennelle du Baptême. Les anciens monuments de l’Église des Gaules nous apprennent que cet usage s’observa aussi chez nos aïeux ; et plus d’une fois dans l’Orient, au rapport de Jean Mosch, on vit le sacré baptistère se remplir d’une eau miraculeuse au jour de cette grande fête, et se tarir de lui-même après l’administration du Baptême. L’Église Romaine, dès le temps de saint Léon, insista pour faire réserver aux fêtes de Pâques et de Pentecôte l’honneur d’être les seuls jours consacrés à la célébration solennelle du premier des Sacrements; mais l’usage se conserva et dure encore, en plusieurs lieux de l’Occident, de bénir l’eau avec une solennité toute particulière, au jour de l’Épiphanie.

    L’Église d’Orient a gardé inviolablement cette coutume. La fonction a lieu, pour l’ordinaire, dans l’Église; mais quelquefois, au milieu de la pompe la plus imposante, le Pontife se rend sur les bords d’un fleuve, accompagné des prêtres et des ministres revêtus des plus riches ornements, et suivi du peuple tout entier. Après des prières d’une grande magnificence, que nous regrettons de ne pouvoir insérer ici, le Pontife plonge dans les eaux une croix enrichie de pierreries qui signifie le Christ, imitant ainsi l’action du Précurseur. A Saint-Pétersbourg, la cérémonie a lieu sur la Neva ; et c’est à travers une ouverture pratiquée dans la glace que le Métropolite fait descendre la croix dans les eaux. Ce rite s’observe pareillement dans les Églises de l’Occident qui ont retenu l’usage de bénir l’eau à la Fête de l’Épiphanie.

    Les fidèles se hâtent de puiser, dans le courant du fleuve, cette eau sanctifiée ; et saint Jean Chrysostome, dans son Homélie vingt-quatrième, sur le Baptême du Christ, atteste, en prenant à témoin son auditoire, que cette eau ne se corrompait pas. Le même prodige a été reconnu plusieurs fois en Occident.

    Glorifions donc le Christ, pour cette seconde manifestation de son divin caractère, et rendons-lui grâces, avec la sainte Église, de nous avoir donné, après l’Étoile de la foi qui nous illumine, l’Eau puissante qui emporte nos souillures. Dans notre reconnaissance , admirons l’humilité du Sauveur qui se courbe sous la main d’un homme mortel, afin d’accomplir toute justice, comme il le dit lui-même ; car, ayant pris la forme du péché, il était nécessaire qu’il en portât l’humiliation pour nous relever de notre abaissement. Remercions-le pour cette grâce du Baptême qui nous a ouvert les portes de l’Église de la terre et de l’Église du ciel. Enfin, renouvelons les engagements que nous avons contractés sur la fontaine sacrée, et qui ont été la condition de cette nouvelle naissance.

 

    LA MESSE DE L’OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE.

    L’Introït, l’Epître, le Graduel, le Verset alléluiatique, l’Offertoire, la Communion, sont les mêmes qu’au jour de la Fête.

    INTROÏT.

Ecce advenit dominator Dominus; et regnum in manu ejus, et potestas, et imperium.

Ps. Deus, judicium tuum Regi da, et justitiam tuam filo Regis. V. Gloria Patri. Ecce advenit.

    IL est venu, le dominateur, le Seigneur: le règne est dans sa main, et la puissance, et l’empire.

    Ps. O Dieu ! donnez au Roi votre science du jugement, et au fils du Roi le soin de votre justice. Gloire au Père. Il est venu.

    Dans la Collecte, l’Église demande pour ses enfants la grâce d’être rendus semblables à Jésus-Christ qui a apparu dans le Jourdain, rempli de l’Esprit-Saint, l’objet des complaisances du Père céleste, mais revêtu de notre nature, et fidèle dans l’accomplissement de toute justice.

    COLLECTE.

Deus, cujus Unigenitus in substantia nostrae carnis apparuit: praesta, quaesumus, ut per eum, quem similem nobis foris agnovimus, intus reformari mereamur. Qui tecum vivit et regnat.

    O Dieu ! dont le Fils unique est apparu sur la terre, revêtu de la substance de notre chair; faites, s’il vous plaît, que nous méritions d’être réformés intérieurement par Celui que nous avons reconnu semblable à nous extérieurement ; lui qui, étant Dieu, vit et règne avec vous.

    ÉPÎTRE.

Lectio Isaiae Prophetae. Cap. LX.

    Surge, illuminare, Jerusalem; quia venit lumen tuum, et gloria Domini super te orta est. Quia ecce tenebrae operient terram, et caligo populos; super te autem orietur Dominus, et gloria ejus in te videbitur. Et ambulabunt gentes in lumine tuo, et Reges in splendore ortus tui. Leva in circuitu oculos tuos, et vide: omnes isti congregati sunt, venerunt tibi; filii tui de longe venient, et filiae tuae de latere surgent. Tunc videbis et afflues, et mirabitur et dilatabitur cor tuum, quando conversa fuerit ad te multitudo maris, fortitudo gentium venerit tibi. Inundatio camelorum operiet te, dromedarii Madian et Epha. Omnes de Saba venient, aurum et thus deferentes, et laudem Domino annuntiantes.

 

    Lecture du Prophète Isaïe. CHAP. LX.

    Lève-toi, Jérusalem, sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Les ténèbres couvriront la terre, une nuit sombre enveloppera les peuples ; mais sur toi le Seigneur se lèvera, et sa gloire éclatera sur toi. Et les Nations marcheront à ta lumière, et les Rois à la splendeur de ta clarté naissante. Lève les yeux, considère autour de toi, et vois : tous ceux-ci, que tu vois rassemblés, sont venus pour toi. Des fils te sont venus de loin, et des filles se lèvent à tes côtés. En ce jour tu verras, et tu seras dans l’opulence , et ton cœur i sera dans l’admiration, et il se dilatera en ce jour où la multitude des nations qui habitent les bords de la mer se tournera vers toi. Les chameaux, les dromadaires de Madian et d’Epha arriveront chez toi comme un déluge : la foule viendra de Saba t’apporter l’or et l’encens, en chantant la louange du Seigneur.

    GRADUEL.

Omnes de Saba venient, aurum et thus deferentes, et laudem Domino annuntiantes.

V . Surge et illuminare, Jerusalem, quia gloria Domini super te orta est.

Alleluia, alleluia.

R . Vidimus stellam ejus in Oriente, et venimus cum muneribus adorare Dominum. Alleluia.

 

    La foule viendra de Saba t’apporter l’or et l’encens, en chantant la louange du Seigneur.

    V/. Lève-toi, Jérusalem, sois illuminée, parce que la gloire du Seigneur s’est levée sur toi.

    Alleluia, alleluia.

    V/. Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus, avec des présents, adorer le Seigneur. Alleluia.

    ÉVANGILE.

Sequentia sancti Evangelii secundum Joannem. Cap. I.

    In illo tempore: Vidit Jo-annes Jesum venientem ad se, et ait : Ecce Agnus Dei, ecce qui tollit peccatum mundi. Hic est de quo dixi: Post me venit vir, qui ante me factus est; quia prior me erat. Et ego nesciebam eum; sed ut manifestetur in Israel, propterea veni ego in aqua baptizans. Et testimonium perhibuit Joannes, dicens: Quia vidi Spiritum descendentem quasi columbam de coelo, et mansit super eum. Et ego nesciebam eum, sed qui misit me baptizare in aqua, ille mihi dixit: Super quem videris Spiritum descendentem, et manentem super eum, hic est qui baptizat in Spiritu Sancto. Et ego vidi:et testimonium perhibui, quia hic est Filius Dei.    

 

    La suite du saint Évangile selon saint Jean. CHAP. I.

    En ce temps-là, Jean vit Jésus qui venait à lui, et il dit : Voici l’Agneau de Dieu ; voici Celui qui ôte les péchés du monde. C’est Celui duquel j’ai dit : Il vient après moi un homme qui a été préféré à moi, parce qu’il était avant moi. Je ne le connaissais pas ; mais je suis venu baptiser dans l’eau, afin qu’il soit connu dans Israël. Et Jean rendit alors ce témoignage : J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe, et demeurer sur lui. Pour moi, je ne le connaissais pas ; mais Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est Celui qui baptise dans le Saint-Esprit. Et je l’ai vu, et j’ai rendu témoignage qu’il est le Fils de Dieu.

 

    Céleste Agneau ! vous êtes descendu dans le fleuve pour le purifier ; la divine Colombe est venue des hauteurs du ciel unir sa douceur à la vôtre, et vous êtes remonté sur la rive. Mais, ô prodige de votre miséricorde ! les loups sont descendus après vous dans les eaux sanctifiées ; et voilà qu’ils reviennent vers vous transformés en agneaux. Nous tous, immondes par le péché, nous devenons, au sortir de la fontaine sacrée, ces blanches brebis de votre divin Cantique, qui remontent du lavoir, toutes fécondes, pas une stérile ; ces pures colombes qui semblent s’être baignées dans le lait, et qui ont fixé leurs demeures auprès des claires fontaines : tant est puissante la vertu de purification que votre divin contact a donnée à ces eaux ! Conservez en nous cette blancheur qui vient de vous, ô Jésus! et si nous l’avons perdue, rendez-nous-la par le baptême de la Pénitence, qui seul peut nous restituer la candeur de notre premier vêtement. Epanchez plus encore ce fleuve d’amour, ô Emmanuel ! Que ses flots aillent chercher jusqu’au fond de leurs déserts sauvages ceux qu’ils n’ont pas touchés jusqu’ici ; inondez la terre, ainsi que vous l’avez promis. Souvenez-vous de la gloire dans laquelle vous fûtes manifesté au milieu du Jourdain ; oubliez les crimes qui depuis trop longtemps retardent la prédication de votre Évangile sur ces plages désolées ; le Père céleste ordonne à toute créature de vous écouter : parlez à toute créature, ô Emmanuel !

    OFFERTOIRE.

Reges Tharsis et insulae munera offerent, Reges Arabum et Saba dona adducent : et adorabunt eum omnes Reges terra ; omnes gentes servient ei

    Les Rois de Tharsis et des îles lointaines lui offriront des présents ; les Rois d’Arabie et de Saba lui apporteront leurs dons ; tous les Rois de la terre l’adoreront ; toutes les nations lui seront assujetties.

    Dans la Secrète, l’Église proclame encore la divine Apparition, et supplie l’Agneau qui, par son Sacrifice, nous a procuré de pouvoir offrir à Dieu une hostie pure, de vouloir bien agréer cette hostie dans sa miséricordieuse clémence.

    SECRÈTE.

Hostias tibi, Domine, pro nati Filii tui Apparitione deferimus, suppliciter exorantes ; ut sicut ipse nostrorum auctor est munerum, ita sit ipse misericors et susceptor, Jesus Christus Dominus noster. Qui tecum vivit.    

    Nous vous présentons ces hosties , Seigneur, en mémoire de la manifestation de votre Fils incarné, vous suppliant que, comme il est l’auteur de ces dons, il les reçoive avec miséricorde, Jésus-Christ notre Seigneur, qui vit et règne avec vous.

    COMMUNION.

Vidimus stellam ejus in Oriente, et venimus cum muneribus adorare Dominum.    

    Nous avons vu son étoile en Orient , et nous sommes venus , avec des présents , adorer le Seigneur.

 

    En rendant grâces pour la nourriture céleste qu’elle vient de recevoir, la sainte Église implore le secours continuel de cette Lumière divine qui a apparu sur elle, et qui la rendra capable de contempler la pureté de l’Agneau, et de l’aimer comme sa tendresse le mérite.

    POSTCOMMUNION.

Coelesti lumine, quaesumus, Domine, semper et ubique nos praeveni ; ut mysterium, cujus nos participes esse voluisti, et puro cernamus intuitu, et digno percipiamus affectu. Per Dominum nostrum Jesum Christum.        

    Prévenez-nous, en tout temps et en tout lieu de votre céleste lumière, nous vous en supplions, Seigneur; afin que, comme vous avez voulu que nous fussions participants de ce Mystère, nous puissions le contempler d’un œil pur et le recevoir avec une affection digne de sa sainteté. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

 

    Chantons encore la divine Théophanie, en réunissant dans un seul concert la voix de toutes les Églises. Saint Hilaire de Poitiers ouvrira nos cantiques par l’Hymne où il célèbre à la fois les trois Mystères de cette grande Octave.

    HYMNE.

Jesus refulsit omnium Pius Redemptor gentium ; Totum genus fidelium

Laudes celebret dramatum.

Quem stella natum fulgida

Monstrat micans in aethera, Magosque ducit praevia Ipsius ad cunabula.

Illi cadentes parvulum Pannis adorant obsitum Verum fatentur ut Deum, Munus ferendo mysticum.

Denis ter annorum cyclis, Jam parte vivens temporis, Lympham petit baptismatis, Cunctis carens contagiis.

Felix Joannes mergere Illum tremiscit flumine, Potest suo qui sanguine Peccata cosmi tergere.

Vox ergo Prolem de polis Testatur excelsa Patris, Virtus adestque Pneumatis, Sancti datrix charismatis.

Nos, Christe, subnixa prece Omnes, precamur, protege, Qui praecipis rubescere Aquas potenter hydriae.

Laus Trinitati debita, Honor, potestas omnium, Perenniter sint omnia Per saeculorum saecula.

Amen.

 

    Le miséricordieux Rédempteur des peuples, Jésus , brille aujourd’hui d’une triple splendeur. Que la race entière des fidèles lui consacre ses louanges et ses cantiques.

    Une étoile brillante, qui scintille au ciel, annonce sa Naissance; elle précède les Mages et les conduit à son berceau.

    Ils tombent aux pieds de cet enfant ; ils l’adorent dans les langes, ils le confessent pour un Dieu, et lui offrent de mystiques présents.

    Ayant trente fois parcouru le cycle de l’année, et avancé dans les jours de sa vie mortelle, Jésus demande l’eau du baptême, lui qui est exempt de toute souillure.

    L’heureux Jean frémit à la pensée de plonger dans le fleuve Celui dont le sang a la vertu d’effacer les péchés du monde.

    La voix imposante du Père proclame le Fils du haut des cieux, et la vertu de l’Esprit, source des dons sacrés, descend visiblement.

    Vous dont les ordres tout-puissants font rougir l’eau dans les vases du festin, ô Christ, nous vous en supplions , étendez sur nous tous votre protection.

    A la souveraine Trinité, louange, honneur, puissance et gloire, à jamais, dans tous les siècles des siècles.

    Amen.

 

    L’Église Ambrosienne nous prête ses mélodieux accents pour honorer le Baptême du Christ, dans cette belle Préface de son Missel.

    PREFACE.

Vere dignum et justum est, aequum et salutare, nos tibi semper hic et ubique gratias agere, Domine sancte, Pater omnipotens, aeterne Deus, qui te nobis super Jordanis alveum de coelis in voce tonitrui praebuisti, ut Salvatorem coeli demonstrares, et te Patrem aeterni luminis ostenderes, coelos aperuisti, aerem benedixisti, fontem purificasti: et tuum unicum Filium per speciem columbae Sancto Spiritu declarasti. Susceperunt hodie fontes benedictionem tuam, et abstulerunt maledictionem nostram, ita ut credentibus purificationem omnium de- lictorum exhibeant, et Dei filios adoptione faciant ad vitam aeternam. Nam quos ad temporalem vitam carnalis nativitas fuderat, quos mors per praevaricationem ceperat, hos vita aeterna recipiens, ad regni coelorum gloriam revocavit.

 

    IL est véritablement digne, juste, équitable et salutaire, que nous vous rendions grâces partout et toujours, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui vous êtes manifesté à nous du haut du ciel, dans une voix tonnante, sur les eaux du Jourdain; pour nous montrer le Sauveur céleste, et vous manifester à nous comme le Père de la lumière éternelle, vous avez ouvert les cieux, sanctifié les airs, purifié la fontaine, et désigné votre Fils unique par l’Esprit-Saint apparaissant sous la forme d’une colombe. Aujourd’hui les eaux ont reçu votre bénédiction et ont enlevé notre malédiction ; elles ont reçu la vertu de produire dans les croyants la purification de tous les péchés, et d’opérer l’adoption des enfants de Dieu pour la vie éternelle. Ceux que la naissance charnelle avait produits pour la vie du temps, ceux que, par suite de leur prévarication, la mort tenait en sa puissance, la vie éternelle les a reçus et les a rappelés à la gloire du céleste royaume.

 

    Les vénérables Antiennes que nous donnons ci-après, restes précieux de l’antique Liturgie Gallicane, ont une origine orientale, et sont encore conservées au Bréviaire de Cîteaux.

    ANTIENNES

Veterem hominem renovans Salvator venit ad baptismum, ut naturam quae corrupta est, per aquam recuperaret : incorruptibili veste circumamictans nos.

Te, qui in Spiritu et igne purificas humana contagia, Deum et Redemptorem omnes glorificamus.

Baptista contremuit, et non audet tangere sanctum Dei verticem; sed clamat cum tremore: Sanctifica me, Salvator.

Caput draconis Salvator contrivit in Jordane flumine, et ab ejus potestate omnes eripuit.

Magnum Mysterium declaratur hodie, quia Creator omnium in Jordane expurgat nostra facinora.

Baptizat miles Regem, servus Dominum suum, Joannes Salvatorem: aqua Jordanis stupuit, columba protestabatur : paterna vox audita est: Hic est Filius meus.

Fontes aquarum sanctificati sunt, Christo apparente in gloria: orbis terrarum, haurite aquas de fonte Salvatoris : sanctificavit enim tune omnem creaturam Christus Deus noster.

 

    Le Sauveur, voulant renouveler l’homme ancien, vient au Baptême, afin de régénérer par l’eau la nature corrompue ; il nous revêt d’un vêtement incorruptible.

    Vous qui, dans l’Esprit et dans le feu, purifiez l’humaine contagion, nous vous glorifions, notre Dieu et Rédempteur !

    Jean-Baptiste tremble et n’ose toucher la tête sacrée de son Dieu. Dans sa frayeur, il s’écrie : Sanctifiez-moi vous-même, ô Sauveur !

    Le Sauveur a brisé, dans le fleuve du Jourdain, la tête du dragon ; il nous a arrachés tous à sa puissance.

    Un grand Mystère est déclaré aujourd’hui : le créateur de toutes choses lave nos crimes dans le Jourdain.

    Le soldat baptise son Roi, l’esclave son maître, Jean son Sauveur ; l’eau du Jourdain s’est émue, la Colombe a rendu témoignage, la voix du Père s’est fait entendre : Celui-ci est mon Fils.

    Les sources des eaux furent sanctifiées au moment où le Christ apparaissait dans sa gloire. Toute la terre, venez puiser les eaux dans la source du Sauveur ; car le Christ notre Dieu sanctifie aujourd’hui toute créature.

    

    Le moyen âge des Églises d’Occident a produit cette Séquence, que nous empruntons aux anciens Missels de Paris. Elle chante les trois Mystères de l’Épiphanie.

    SÉQUENCE.

Orta lux mirifice, Praevisa prophetice, Nunc lucis deificae Monstrat ortum.

Hac Magus instruitur, Herodes concutitur, Ad Jesum gens ducitur,

Pacis portum.

Stella prodit Puerum, Conditorem siderum, Et ultorem scelerum,

Deum fortem.

Quem mystico munere Monstrat cuncta regere Et tandem redimere Nos per mortem.

Hic aquis abluitur, Et aquis infunditur Virtus qua diluitur Adae noxa.

Columba conspicitur, Vox Patris complectitur Natum, quo dignoscitur Ejus doxa.

Joannis praeconium Profert testimonium, Et sumit initium Lex amoris.

Laetatur convivium Cum facit officium Vini, liquor fontium, Melioris.

In Virginis clausula, Sponsae sine macula, Dulci nubit copula Verbum Patris.

Abluens piacula, Nostra solvat vincula, Protegens in saecula Prece Matris. Amen.

 

    Un astre au lever merveilleux, annoncé par les Prophètes, signale aujourd’hui le lever du divin Soleil.

    Cet astre vient éclairer les Mages ; Hérode en est ébranlé ; la Gentilité aborde à Jésus, le port de la paix.

    L’étoile annonce l’Enfant créateur des astres, vengeur des crimes, le Dieu fort.

    Des présents mystiques le proclament arbitre du monde , et notre Rédempteur par sa mort.

    Il est plongé dans les eaux, et dans les eaux il répand une vertu qui efface le péché d’Adam.

    La Colombe paraît , la voix du Père adopte le Fils, dont la gloire éclate par ces prodiges.

    La parole de Jean rend son témoignage, et la loi d’amour prend commencement.

    Les conviés sont dans la joie, quand l’eau des fontaines vient faire l’office d’un vin généreux.

    Au sein d’une Vierge, épouse sans tache, le Verbe du Père contracte une alliance d’amour.

    Qu’il daigne laver nos crimes, délier nos chaînes,nous protéger à jamais, par les prières de sa Mère. Amen.

 

    L’Église Grecque nous fournit, dans ses Menées, ce magnifique ensemble de poésie, de doctrine et de piété, en l’honneur du Baptême de l’Agneau dans le Jourdain :

    VI DIE JANUARII, IN THEOPHANIA.

Conversus est olim Jordanis fluvius Elisei melota, rapto in altum Elia, et divisae sunt aquae hinc et inde, et ipsi sicca facta est via, et humida in typum vere baptismatis, per quod nos fluidum vite transimus iter. Christus apparuit, omnem volens renovare creaturam.

Hodie aquarum sanctificata natura, scinditur Jordanis, et suorum sistit fluenta fontium, Dominum videns lavatum.

Tamquam homo in flumen venisti, Christe Rex, servile baptisma accipere; festinas, o bone, sub Praecursoris manu, propter peccata nostra, philanthrope.

Ad vocem clamantis in deserto : Praeparate viam Domini, venisti, Domine, formam servi assumens, baptisma flagitans, qui peccatum nescis : viderunt to aquae et tremuerunt; contremiscens effectus est Praecursor, et exclamavit dicens: Quomodo illuminabit lampas lumen ? Quomodo imponet manus servus super Dominum ? Sanctifica me et aquas, Salvator, qui tollis mundi peccatum.

Praecursoris et Baptistae et Prophetae, super omnes Prophetas honorati, tremuit dextera, quia contemplabatur Agnum Dei peccata mundi lavantem, et anxietate sollicitus, exclamabat : Non audeo imponere, o Verbum, manum capiti tuo; tu ipse sanctifica me et illumina, o misericors; ipse enim es vita et lux et pax mundi.

Mira res erat videre coeli terraeque Dominum in fluvio denudatum, baptismum a servo pro nostra salute suscipientem quasi servum; et stupebant Angelorum chori in timore et gaudio: cum illis to adoramus; salva nos.

Manum tuam, quae Domini intactum tetigit caput, cum qua et digito ipsum nobis submonstrasti, eleva pro nobis ad ilium, Baptista, tamquam potestatem habens magnam: nam ab ipso major Prophetis declaratus es, oculosque iterum tuos, qui sanctissimum viderunt Spiritum in columbae specie descendentem, ad ipsum converte, Baptista, misericorditer cum nobis operatus, et hic sta nobiscum approbans hymnum, incipiensque primus panegyriam.

Jordanica flumina te fontem receperunt, et Paraclitus in forma columbae descendit. Inclinat caput, qui coelos inclinavit; ejulat et clamat lutum plasmanti: Cur mihi jubes quae supra me sunt; ego opus habeo tuo baptismate, o impeccabilis.

Inclinasti caput Praecursori, capita contrivisti draconum; in flumina descendisti, illuminasti omnia ad glorificandum te, Salvator, lumen animarum nostrarum.

Qui indutus est lumine sicut vestimento, pro nobis secundum nos fieri dignatus est: fluenta induit hodie Jordanica, istis ipse ad purificationem non indigens, sed nobis in seipso dispensans regenerationem: o prodigium !

Venite, imitemur sapientes virgines; venite, eamus obviam manifestato Domino; quia venit tamquam sponsus ad Joannem. Jordanis te videns conversus est retrorsum; inflexit se et stetit. Joannes clamabat: Non audeo tangere immortale caput; Spiritus descendebat in forma columbae ad sanctificandum aquas; et vox de coelo: Hic est Filius meus veniens in mundum ad salvandum genus humanum. Gloria tibi, Christe.

Baptizatur Christus et ascendit de aqua; sursum effert cum seipso mundum, et videt reseratos coelos, quos Adam sibi suisque clauserat. Et Spiritus confitetur divinitatem, et simul adest vox de coelo; inde enim declaratur Salvator animarum nostrarum.

Domine, adimplere volens quae ab aeterno decrevisti, ab omni creatura mysterii tui ministeria suscepisti: ex Angelis, Gabrielem; ex hominibus, Virginem; e coelis, stellam; ex aquis. Jordanem: peccatum mundi suscepisti. Salvator noster, gloria tibi.

Jordanis flumen, quid ob- stupescis, videns invisibilem nudum ? Vidi, inquis, et exhorrui: et quomodo non tremuissem ? Hunc videntes Angeli, horruerunt: commoti sunt coeli, terra contremuit, et contractum est mare, et omnia visibilia et invisibilia. Christus manifestatus est in Jordane, et aquas sanctificandas.

Maculatum solem quis vidit, clamabat Praeco, natura coruscantem ? quomodo te, splendor gloria, aeterni Patris imago, aquis abluam, cum foenum sim ? Quomodo ignem tangam tua divinitatis ? Tu enim Christus, Dei sapientia et virtus.

Galilaeae gentium, Zabulon regioni, et Naphtalim terra, lumen magnum illuxit Christus, his qui erant in tenebris fulgidus visus est splendor in Bethlehem fulgida. Sed amplius ex Maria Dominus universo orbi terrarum ostendit radios, Sol justitiae.

Ideo qui ex Adam nudi, venite omnes, induamus eum, ut refocillemur; tegumentum enim nudorum, tenebrosorum splendor venisti:     manifestatus es inaccessibile lumen.

 

    Le Jourdain remonta un jour vers sa source à l’attouchement de la melote d’Élisée, lorsqu’Élie fut enlevé au ciel ; les ondes du fleuve se divisèrent, et une voie solide s’ouvrit au Prophète, et cette voie était à travers les eaux en figure du Baptême par lequel nous traversons le fleuve de la vie. Le Christ est apparu : il vient renouveler toute créature.

    Aujourd’hui la nature des eaux est sanctifiée, le Jourdain est divisé ; il suspend le cours de ses sources à l’aspect du Seigneur qui vient s’y baigner.

    O Christ Roi ! tu es venu au fleuve comme un homme, recevoir le Baptême des serviteurs ; tu t’empresses, ô miséricordieux, de te placer sous la main du Précurseur, pour nos péchés, ô ami des hommes !

    A la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie du Seigneur, tu es venu, Seigneur, prenant la forme d’esclave, implorant le Baptême, toi qui ignores le péché.

    Les eaux t’ont vu, et elles ont tremblé. Le Précurseur a été saisi de crainte, et il s’est écrié, disant : « Comment la faible lampe allumera-t-elle la Lumière? Comment le serviteur imposera-t-il la main sur le Maître? Sanctifie-moi, et sanctifie les eaux, ô Sauveur! qui effaces le péché du monde. »

    La main tremblait, la main du Précurseur, du Baptiste, du Prophète, honoré plus que tous les Prophètes ; car il contemplait l’Agneau de Dieu qui lave le péché du monde, et, dans son trouble, il s’écriait: « O Verbe ! je n’ose mettre ma main sur ta tête : sanctifie-moi et m’éclaire, ô miséricordieux ! car tu es la vie, la lumière, et la paix du monde. »

    C’était chose merveilleuse de voirie Seigneur du ciel et de la terre, dépouillé, dans le fleuve, recevant de sa créature le baptême pour notre salut, comme un serviteur ; et les chœurs des Anges étaient muets dans la crainte et l’allégresse : unis à eux, nous t’adorons; sauve-nous.

    Lève vers lui pour nous, ô Baptiste, lève ta main, comme ayant puissance, cette main qui toucha la tête du Seigneur que personne n’avait touchée, cette main dont un doigt nous désigna l’Agneau ; car par lui tu as été déclaré le plus grand des Prophètes.

    Tourne aussi vers lui, ô Baptiste, tes yeux qui ont vu l’Esprit très saint descendre en forme de colombe ; montre-toi miséricordieux envers nous, assiste-nous de ton concours dans nos chants, et entonne le premier l’hymne de louange.

    Le fleuve du Jourdain t’a reçu dans ses eaux, ô Christ, fontaine de vie ! et le Paraclet est descendu en forme de colombe. Il incline la tête, Celui qui a incliné les cieux; la créature, pétrie de terre, se plaint et crie à son auteur : « Pourquoi me commander des choses au-dessus de moi? c’est moi qui ai besoin de ton baptême, ô impeccable ! »

    Tu as incliné la tête devant le Précurseur, ô Christ! Tu as brisé la tête du dragon ; tu es descendu dans le fleuve ; tu as illuminé toutes choses pour ta gloire, ô Sauveur, lumière de nos âmes !

    Celui qui se revêt de la lumière comme d’un vêtement a daigné, pour l’amour de nous, se faire semblable à nous ; il s’est couvert des eaux du Jourdain comme d’un vêtement, lui qui n’avait pas besoin de ces eaux pour se purifier, et qui répand sur nous, de son propre fonds, la grâce de la régénération, ô prodige !

    Venez, imitons les vierges sages ; venez, allons au-devant du Seigneur manifesté ; car, en sa qualité d’Époux, il vient vers Jean, son ami. A ta vue, le Jourdain a remonté vers sa source, il s’est replié sur lui-même et s’est arrêté. Jean s’écriait : « Je n’ose toucher la tête immortelle. » L’Esprit descendait en forme de colombe pour sanctifier les eaux, et la voix du ciel disait : « Celui-ci est mon Fils venu dans le monde pour sauver le genre humain. » O Christ, gloire à toi !

    Le Christ est baptisé, il remonte de l’eau, relevant ‘avec lui le monde entier ; il voit ouverts les cieux qu’Adam avait fermés pour lui-même et sa postérité. L’Esprit proclame la divinité du baptisé, la voix du ciel se fait entendre : il est déclaré Sauveur de nos âmes.

    Seigneur, pour accomplir ton décret éternel, tu as emprunté à toute créature son concours à l’accomplissement de ton mystère. Aux Anges, tu as demandé Gabriel ; aux hommes, la Vierge; aux cieux, l’étoile ; aux eaux, le Jourdain. Tu as pris sur toi le péché du monde : gloire à toi, notre Sauveur !

    Fleuve du Jourdain, pourquoi es-tu ému de voir sans voile Celui qui est invisible ? Tu réponds : « Je l’ai vu, et j’en ai été saisi de crainte. Comment n’aurais-je pas tremblé ? A cette vue, les Anges ont frémi, les cieux ont été ébranlés, la terre a tremblé, la mer s’est soulevée,toutes les choses visibles et invisibles ont été dans l’agitation. »

    « — Qui a vu des taches sur le soleil, sur le plus resplendissant des astres? s’écriait le Précurseur. Comment te laverais-je dans les eaux, splendeur de la gloire, image du Père éternel, moi qui ne suis qu’une herbe faible et desséchée ! Comment porterais-je mes mains sur les feux de ta divinité? Car tu es le Christ, Sagesse et Vertu de Dieu. »

    La grande lumière, le Christ, s’est levée sur la Galilée des nations, sur la région de Zabulon et sur la terre de Nephtali ; une éclatante splendeur a lui en Bethlehem la lumineuse, sur ceux qui étaient dans les ténèbres ; mais avec plus d’éclat encore, le Seigneur, le Soleil de justice, sorti de Marie, a répandu ses rayons sur l’univers entier.

    Vous donc qui étiez nus dans Adam, venez tous, revêtez-vous du Christ pour réchauffer vos membres. O Christ ! tu es venu, vêtement de ceux qui sont nus, splendeur de ceux qui étaient dans les ténèbres ; lumière inaccessible, tu t’es manifestée aujourd’hui.

 

    A la gloire de l’auguste Mère de l’Agneau, consacrons cette ancienne Séquence de nos vieux Missels. C’est l’imitation d’une des Proses de Notker pour la Pentecôte, longtemps attribuée au pieux roi Robert, et que nous donnerons en son lieu :

    SEQUENCE.

Sancti Spiritus adsit nobis gratia,

Quo foecundata Deum peperit Virgo Maria,

Per quem sacrata floret Virginitas in Maria.

Spiritus alme, quo repletur Maria,

Tu rorem sacrum stillasti in Maria.

Amator sancte, quo intacta impraegnatur Maria.

Sub cujus umbra non torretur, dum fovetur Maria.

Tu praeservasti ne prima culpa transfusa sit in Maria.

Tu cellam sacrasti sic benedicti ventris in Maria.

Ut tumeret, et Mater fieret Maria,

Sic pareret, nec florem perderet Maria.

Prophetas tu inspirasti, ut praecinerent quod Deum conciperet Maria.

Apostolos confortasti ut astruerent hunc Deum quem edidit Maria.

Quando machinam Deus mundanam fecit, est praefigurata Maria.

Tellus hominem, virgo virginem fudit primum, sic secundum Maria.

Tu animarum spes afflictarum dulcis Maria.

Tu servulorum tuorum nexus solve, Maria ;

Tu collisum peccatis mundum ad vitam reparasti, Maria.

Idololatras et leges atras enervasti, Maria.

Ergo nos petimus supplices ut ope benigna subleves, Maria.

Et nato pro nobis supplices, qui tibi psallimus: Ave, Maria.

Tu felicibus felicior, Maria.

Tu sublimibus Angelorum coetibus es praelata, Maria.

Ipsum hominem induisti, Maria,

Qui sine semine, rigante nemine, te foecundavit, Maria.

Hunc Deum nobis placa, Maria.

 

    Daigne nous assister la grâce de l’Esprit-Saint,

    Qui, pour la rendre Mère d’un Dieu, féconda la Vierge Marie ;

    Par qui l’auguste Virginité a fleuri en Marie.

    Esprit d’amour, qui daignas remplir Marie,

    Tu répandis la rosée sacrée sur Marie.

    Céleste amant, sans l’offenser tu fécondas Marie.

    Ton ombre sacrée, tes caresses divines sanctifièrent Marie.

    Tu veillas pour que la faute originelle ne fût point transmise à Marie.

    Tu consacras l’habitation du sein béni de Marie,

    Afin qu’elle devînt enceinte et mère, Marie,

    Et qu’elle enfantât sans perdre sa fleur, Marie.

    Tu inspiras les Prophètes qui chantèrent qu’un Dieu serait conçu par Marie.

    Tu donnas ta force aux Apôtres, afin qu’ils prêchassent ce Dieu qu’a enfanté Marie.

    Quand Dieu créa l’ensemble de cet univers, il y figura Marie.

    La terre, vierge encore, fut appelée à produire le premier homme, qui était vierge et pur : ainsi elle a produit le second, Marie.

    Tu es l’espoir des âmes affligées, ô douce Marie !

    Délie les chaînes de tes serviteurs, ô Marie !

    Le monde tout brisé par ses crimes, tu l’as rappelé à la vie, ô Marie !

    Tu as triomphé des idoles et des lois impies, ô Marie !

    Donc, nous te supplions de nous secourir de ta main bénigne, ô Marie !

    Et de prier ton Fils pour nous qui chantons à ta gloire : Salut, ô Marie !

    Ta félicité surpasse toute félicité, ô Marie !

    Ton trône domine les chœurs sublimes des Anges, ô Marie !

    Tu as revêtu du vêtement de la chair un homme, ô Marie!

    Pour lui tu devins féconde, sans le secours humain, ô Marie !

    Il est Dieu ; apaise-le pour nous, ô Marie!

LE DEUXIEME DIMANCHE APRES L’ÉPIPHANIE. LA FÊTE DU TRÈS SAINT NOM DE JÉSUS.

    Le troisième Mystère de l’Épiphanie nous montre la consommation des plans de la divine miséricorde sur le monde, en même temps qu’il nous manifeste une troisième fois la gloire de l’Emmanuel. L’Étoile a conduit l’âme à la foi, l’Eau sanctifiée du Jourdain lui a conféré la pureté, le Festin Nuptial l’unit à son Dieu. Nous avons chanté l’Époux sortant radieux au-devant de l’Épouse ; nous l’avons entendu l’appeler des sommets du Liban ; maintenant qu’il l’a éclairée et purifiée, il veut l’enivrer du vin de son amour.

    Un festin est préparé, un festin nuptial ; la Mère de Jésus y assiste ; car, après avoir coopéré au mystère de l’Incarnation du Verbe, il convient qu’elle soit associée à toutes les œuvres de son Fils, à toutes les faveurs qu’il prodigue à ses élus. Mais, au milieu de ce festin, le vin vient à manquer. Jusqu’alors la Gentilité n’avait point connu le doux vin de la Charité ; la Synagogue n’avait produit que des raisins sauvages. Le Christ est la vraie Vigne, comme il le dit lui-même. Lui seul pouvait donner ce vin qui réjouit le cœur de l’homme (Psalm. CIII), et nous présenter à boire de ce calice enivrant qu’avait chanté David. (Psalm. XXII.)

    Marie dit au Sauveur : « Ils n’ont point de vin. » C’est à la Mère de Dieu de lui représenter les besoins des hommes, dont elle est aussi la mère. Cependant, Jésus lui répond avec une apparente sécheresse : « Femme, qu’importe à moi et à vous ? Mon heure n’est pas encore venue. » C’est que, dans ce grand Mystère, il allait agir, non plus comme Fils de Marie, mais comme Fils de Dieu. Plus tard, à une heure qui doit venir, il apparaîtra aux yeux de cette même Mère, expirant sur la croix, selon cette humanité qu’il avait reçue d’elle. Marie a compris tout d’abord l’intention divine de son Fils, et elle profère ces paroles qu’elle répète sans cesse à tous ses enfants : Faites ce qu’il vous dira.

    Or, il y avait là six grands vases de pierre, et ils étaient vides. Le monde, en effet, était parvenu à son sixième âge, comme l’enseignent saint Augustin et les autres docteurs après lui. Durant ces six âges, la terre attendait son Sauveur, qui devait l’instruire et la sauver. Jésus commande de remplir d’eau ces vases ; mais l’eau ne convient pas pour le festin de l’Époux. Les figures, les prophéties de l’ancien monde étaient cette eau ; et nul homme, jusqu’à l’ouverture du septième âge, où le Christ, qui est la Vigne, devait se communiquer, n’avait contracté l’alliance avec le Verbe divin.

    Mais lorsque l’Emmanuel est venu, il n’a qu’une parole à dire : « Puisez maintenant. » Le vin de la nouvelle Alliance, ce vin qui avait été réservé pour la fin, remplit seul maintenant les vases. En prenant notre nature humaine, nature faible comme l’eau, il en a ménagé la transformation ; il l’a élevée jusqu’à lui, nous rendant participants de la nature divine (II Petr. IV, 1) ; il nous a rendus capables de contracter l’union avec lui, de former ce seul corps dont il est le Chef, cette Église dont il est l’Époux, et qu’il aimait de toute éternité d’un si ardent amour, qu’il est descendu du ciel pour célébrer ces noces avec elle.

    O sort admirable que le nôtre ! Dieu a daigné, comme dit l’Apôtre, montrer les richesses de sa gloire sur des vases de miséricorde » (Rom. IX,23). Les urnes de Cana, figures de nos âmes, étaient insensibles, et nullement destinées à tant d’honneur. Jésus ordonne à ses ministres d’y verser l’eau ; et déjà, par cette eau, il les purifie ; mais il pense n’avoir rien fait encore tant qu’il ne les a pas remplies jusqu’au haut de ce vin céleste et nouveau, qui ne devait se boire qu’au royaume de son Père. Ainsi la divine charité, qui réside dans le Sacrement d’amour, nous est-elle communiquée ; et pour ne pas déroger à sa gloire, l’Emmanuel, qui veut épouser nos âmes, les élève jusqu’à lui. Préparons-les donc pour cette union ; et, selon le conseil de l’Apôtre, rendons-les semblables à cette Vierge pure qui est destinée à un Époux sans tache. (II Cor. XI.)

    Saint Matthieu, Évangéliste de l’humanité du Sauveur, a reçu de l’Esprit-Saint la charge de nous annoncer le mystère de la foi par l’Étoile ; saint Luc, Évangéliste du Sacerdoce, a été choisi pour nous instruire du mystère delà Purification par les Eaux ; il appartenait au Disciple bien-aimé de nous révéler le mystère des Noces divines. C’est pourquoi, suggérant à la sainte Église l’intention de ce troisième mystère, il se sert de cette expression : Ce fut le premier des miracles de Jésus, et il y MANIFESTA sa gloire. A Bethléhem, l’Or et l’Encens des Mages prophétisèrent la divinité et la royauté cachées de l’Enfant ; sur le Jourdain, la descente de l’Esprit-Saint, la voix du Père, proclamèrent Fils de Dieu l’artisan de Nazareth ; à Cana, Jésus agit lui-même et il agit en Dieu : « car, dit saint Augustin, Celui qui transforma l’eau en vin dans les vases ne pouvait être que Celui-là même qui, chaque année, opère un prodige semblable dans la vigne. » Aussi, de ce moment, comme le remarque saint Jean, « ses Disciples crurent en lui », et le collège apostolique commença à se former.

    Nous ne devons donc pas nous étonner que, dans ces derniers temps, l’Église, enivrée des douceurs du festin de l’Emmanuel, et voulant accroître la joie et la solennité de ce jour, l’ait choisi de préférence à tout autre pour recevoir la glorieuse mémoire du très saint Nom de Jésus. C’est au jour nuptial que le nom de l’Époux devient propre à l’Épouse : ce nom désormais témoignera qu’elle est à lui. Elle a donc voulu l’honorer d’un culte spécial, et unir ce cher souvenir à celui des Noces divines.

    L’ancienne alliance avait environné le Nom de Dieu d’une terreur profonde : ce nom était pour elle aussi formidable que saint, et l’honneur de le proférer n’appartenait pas à tous les enfants d’Israël. Dieu n’avait pas encore été vu sur la terre, conversant avec les hommes ; il ne s’était pas encore fait homme lui-même pour s’unir à notre faible nature : nous ne pouvions donc lui donner ce Nom d’amour et de tendresse que l’Épouse donne à l’Époux.

    Mais quand la plénitude des temps est arrivée, quand le mystère d’amour est sur le point d’apparaître, le Nom de Jésus descend d’abord du ciel, comme un avant-goût de la présence du Seigneur qui doit le porter. L’Archange dit à Marie: « Vous lui donnerez le Nom de Jésus » ; or, Jésus veut dire Sauveur. Que ce Nom sera doux à prononcer à l’homme qui était perdu ! Combien ce seul Nom rapproche déjà le ciel de la terre ! En est-il un plus aimable, un plus puissant ? Si, à ce Nom divin, tout genou doit fléchir au ciel, sur la terre et dans les enfers, est-il un cœur qui ne s’émeuve d’amour à l’entendre prononcer ? Mais laissons raconter à saint Bernard la puissance et la douceur de ce Nom béni. Voici comme il s’exprime, à ce sujet, dans son XV° Sermon sur les Cantiques 4 :

    « Le Nom de l’Époux est une lumière, une nourriture, un remède. Il éclaire, quand on le publie ; il nourrit, quand on y pense à part soi ; et quand on l’invoque dedans la tribulation, il procure l’adoucissement et l’onction. Parcourons, s’il vous plaît, chacune de ces qualités. D’où pensez-vous qu’ait pu se répandre, par tout l’univers, cette si grande et si soudaine lumière de la Foi, si ce n’est de la prédication du Nom de Jésus ? N’est-ce pas par la lumière de ce Nom béni, que Dieu nous a appelés en son admirable lumière ? De laquelle étant illuminés, et voyant en cette lumière une autre lumière, nous oyons saint Paul nous dire à bon droit : Vous avez été jadis ténèbres ; mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.

    « Or, le Nom de Jésus n’est pas seulement lumière ; ains encore, il est nourriture. N’êtes-vous donc pas confortés, toutes fois et quantes que vous rappelez à votre cœur ce doux Nom ? Qu’est-il au monde qui nourrisse autant l’esprit de celui qui pense à lui ? Qu’est-ce qui, de la même sorte, répare les sens affaiblis, donne de l’énergie aux vertus, fait florir les bonnes mœurs, et entretient les honnêtes et chastes affections ? Toute nourriture de l’âme est sèche, si elle n’est détrempée de cette huile ; elle est insipide, si elle n’est assaisonnée de ce sel.

    « Quand vous m’écrivez, votre récit n’a pour moi nulle saveur, si je n’y lis le Nom de Jésus. Lorsque vous disputez ou conférez avec moi, le conteste n’a pour moi aucun intérêt, si je n’y entends résonner le Nom de Jésus. Jésus est un miel à ma bouche, une mélodie à mon oreille, une jubilation à mon cœur ; oui même, outre ce, une médecine bienfaisante. L’un de vous est-il triste? Que Jésus vienne en son cœur; que de là il passe en sa bouche, et incontinent, à la venue de ce divin Nom qui est une vraie lumière, tout nuage s’enfuit, la sérénité revient. Quelqu’un tombe-t-il dans le crime ; voire même, court-il, en se désespérant, au lacs de la mort ? S’il invoque le Nom de Jésus, ne recommencera-t-il pas de suite à respirer et à vivre ? Qui jamais oncques demeura dedans l’endurcissement du cœur, comme font tant d’autres, ou bien dedans la torpeur de la fétardie, la rancune, ou la langueur de l’ennui ? Quel est celui qui, par aventure, ayant à sec la source des larmes, ne l’ait sentie soudainement couler plus abondante et plus suave, sitôt que Jésus a été invoqué? Quel est l’homme qui, palpitant et s’alarmant, au fort des périls, puis venant à invoquer ce Nom de vaillance, n’a pas senti tout aussitôt naître en soi la confiance et fuir la crainte ? Quel est celui, je vous le demande, qui, ballotté et flottant à la merci des doutes, n’a pas, sur-le-champ, je le dis sans balancer, vu reluire la certitude, à l’invocation d’un Nom si éclatant ? Qui est-ce qui, durant l’adversité, écoutant la méfiance, n’a pas repris courage, au seul son de ce Nom de bon secours ? Par effet, ce sont là les maladies et langueurs de l’âme, et il en est le remède.

    « Certes, et je puis vous le prouver par ces paroles : Invoque-moi, dit le Seigneur, au jour de la tribulation, et je t’en tirerai, et tu m’honoreras. Rien au monde n’arrête si bien l’impétuosité de la colère, et n’accoise pareillement l’enflure de la superbe. Rien aussi parfaitement ne guérit les plaies de la tristesse, comprime les débordements de la paillardise, éteint la flamme de la convoitise, étanche la soif de l’avarice, et bannit toutes les démangeaisons des passions déshonnêtes. De vrai, quand je nomme Jésus, je me propose un homme débonnaire et humble de cœur, bénin, sobre, chaste, miséricordieux, et, en un mot, brillant de toute pureté et sainteté. C’est Dieu lui-même tout-puissant qui me guérit par son exemple, et me renforce par son assistance. Toutes ces choses retentissent à mon cœur, lorsque j’entends sonner le Nom de Jésus. Ainsi, en tant qu’il est homme, j’en tire des exemples, pour les imiter ; et en tant qu’il est le Tout-Puissant, j’en tire un secours assuré. Je me sers desdits exemples comme d’herbes médicinales, et du secours comme d’un instrument pour les broyer, et j’en fais une mixtion telle que nul médecin n’en saurait faire de semblable.

    « O mon âme ! tu as un antidote excellent, caché comme en un vase, dans ce Nom de Jésus ! Jésus, pour le certain, est un Nom salutaire et un remède qui jamais oncques ne se trouvera inefficace pour aucune maladie. Qu’il soit toujours en votre sein, toujours à votre main: si bien que tous vos sentiments et vos actes soient dirigés vers Jésus. »

    Telle est donc la force et la suavité du très saint Nom de Jésus, qui fut imposé à l’Emmanuel le jour de sa Circoncision ; mais, comme le jour de l’Octave de Noël est déjà consacré à célébrer la divine Maternité, et que le mystère du Nom de l’Agneau demandait à lui seul une solennité propre, la fête d’aujourd’hui a été instituée. Son premier promoteur fut, au XV° siècle, saint Bernardin de Sienne, qui établit et propagea l’usage de représenter, entouré de rayons, le saint Nom de Jésus, réduit à ses trois premières lettres IHS, réunies en monogramme. Cette dévotion se répandit rapidement en Italie, et fut encouragée par l’illustre saint Jean de Capistran, de l’Ordre des Frères Mineurs, comme saint Bernardin de Sienne. Le Siège Apostolique approuva solennellement cet hommage au Nom du Sauveur des hommes ; et, dans les premières années du XVI° siècle, Clément VII, après de longues instances, accorda à tout l’Ordre de saint François le privilège de célébrer une fête spéciale en l’honneur du très saint Nom de Jésus.

    Rome étendit successivement cette faveur à diverses Églises; mais le moment devait venir où le Cycle universel en serait enrichi lui-même. Ce fut en 1721, sur la demande de Charles VI, Empereur d’Allemagne, que le Pape Innocent XIII décréta que la Fête du très saint Nom de Jésus serait célébrée dans l’Église entière, et il la fixa au deuxième Dimanche après l’Épiphanie, dont elle complète si merveilleusement les mystères.

    Nous donnons maintenant les diverses parties de l’Office de cette fête auxquelles les fidèles prennent part plus généralement.

 

    A TIERCE.

    L’Hymne et les trois Psaumes dont se compose l’Office de Tierce se trouvent ci-dessus, page 29.

Ant. Scitote quia Dominus ipse est Deus, cujus Nomen in aeternum.

Ant. Sachez que le Seigneur, c’est Dieu lui-même; Celui dont le Nom est à jamais !

    CAPITULE. (Philipp. II.)

Fratres, Christus humiliavit semetipsum, factus obediens usque ad mortem, mortem autem Crucis : propter quod et Deus exaltavit illum, et donavit illi Nomen quod est super omne nomen : ut in Nomine Jesu omne genu flectatur.

R. br. Sit Nomen Domini benedictum: * Alleluia, alleluia. Sit Nomen.

V. Ex hoc nunc et usque in saeculum. * Alleluia, alleluia.

Gloria. Sit Nomen.

V. Afferte Domino gloriam et honorem. Alleluia.

R. Afferte Domino gloriam Nomine ejus. Alleluia.

 

Mes Frères, le Christ s’est humilié lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la Croix; c’est pourquoi Dieu l’a exalté, et lui a donné un Nom qui est au-dessus de tout nom, afin que, au Nom de Jésus, tout genou fléchisse.

    R/. br. Que le Nom du Seigneur soit béni : * Alleluia, alleluia. Que le Nom du Seigneur.

    V/. Aujourd’hui et jusque dans l’éternité. * Alleluia, alleluia.

    Gloire au Père. Que le Nom du Seigneur.

    V/. Apportez au Seigneur la gloire et l’honneur. Alleluia.

    R/. Apportez au Seigneur la gloire pour son Nom. Alleluia.

Pour conclure, on dit l’ Oraison, Deus, qui, dessous, à la Messe.

 

    A LA MESSE.

    Dès l’Introït, l’Église annonce la gloire du Nom de son Époux. Ciel, terre, abîme, tressaillez au bruit de ce Nom adorable ; car le Fils de l’Homme qui le porte est aussi le Fils de Dieu.

INTROIT

In Nomine Jesu omne genu flectatur, coelestium, terrestrium et infernorum; et omnis lingua confiteatur, quia Dominus Jesus Christus in gloria est Dei Patris.
Ps. Domine, Dominus noster, quam admirabile est Nomen tuum in universa terra V. Gloria Patri. In Nomine Jesu.

    Au Nom de Jésus, que tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et dans les enfers ; et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père.

    Ps. Seigneur, notre Seigneur, que votre Nom est admirable par toute la terre ! Gloire au Père. Au Nom de Jésus.

    Dans la Collecte, l’Église, qui trouve dans le Nom de son Époux la consolation de son exil, demande de jouir bientôt de la vue de Celui que ce Nom chéri lui représente.

    COLLECTE

Deus, qui unigenitum Filium tuum constituisti humani generis Salvatorem, et Jesum vocari jussisti: concede propitius, ut cujus sanctum Nomen veneramur in terris, ejus quoque aspectu perfruamur in coelis. Per eumdem.

    O Dieu, qui avez établi votre Fils unique Sauveur du genre humain, et avez ordonné qu’on l’appelât Jésus; daignez nous accorder, a nous qui vénérons son saint Nom sur la terre, de jouir de sa vue dans les cieux. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

    Mémoire du II° Dimanche après l’Épihanie.

Omnipotens sempiterne Deus, qui coelestia simul et terrena moderaris: supplicationes populi tui clementer exaudi, et pacem tuam nostris concede temporibus. Per Dominum nostrum Jesum Christum.

    Dieu tout-puissant et éternel, qui gouvernez les choses du ciel et de la terre, exaucez , dans votre clémence, les supplications de votre peuple, et accordez votre paix à nos temps. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

    EPÎTRE.

Lectio Actuum Apostolorum. Cap. IV.

    In diebus illis, Petrus Spiritu Sancto repletus, dixit: Principes populi, et seniores, audite: Si nos hodie dijudicamur in benefacto hominis infirmi, in quo iste salvus factus est; notum sit omnibus vobis, et omni plebi Israel, quia in Nomine Domini nostri Jesu Christi Nazareni, quem vos crucifixistis, quem Deus suscitavit a mortuis, in hoc iste adstat coram vobis sanus. Hic est lapis qui reprobatus est a vobis aedificantibus, qui factus est in caput anguli; et non est in alio aliquo salus. Nec enim aliud nomen est sub coelo datum hominibus, in quo oporteat nos salvos fieri.

    Lecture des Actes des Apôtres. CHAP. IV.

    En ces jours-là, Pierre, rempli du Saint-Esprit, dit : Princes du peuple et anciens, écoutez: puisque aujourd’hui nous sommes appelés en jugement pour un bienfait à l’égard d’un homme infirme, qui a été guéri par nous, sachez, vous tous, et tout le peuple d’Israël, que c’est au Nom de notre Seigneur Jésus-Christ, le Nazaréen, crucifié par vous, et ressuscité par Dieu d’entre les morts, que cet homme est devant vous en santé. Jésus est la pierre rejetée par vous qui bâtissez, laquelle est devenue la principale pierre de l’angle; et il n’y a pas de salut dans un autre que lui. Car il n’a point été donné aux hommes, sous le ciel, un autre nom dans lequel nous puissions être sauvés.

 

    Nous le savons, ô Jésus ! nul autre nom que le vôtre ne pouvait nous donner le salut: ce Nom, en effet, signifie Sauveur. Soyez béni d’avoir daigné l’accepter; soyez béni de nous avoir sauvés ! Cette alliance ineffable que vous nous annoncez aujourd’hui dans les Noces mystérieuses, est tout entière exprimée dans votre doux et admirable Nom. Vous êtes du ciel, et vous prenez un nom de la terre, un nom qu’une bouche mortelle peut prononcer; vous unissez donc pour jamais la divine et l’humaine nature. Oh! rendez-nous dignes d’une si sublime alliance, et ne permettez pas qu’il nous arrivé jamais de la rompre.

    La sainte Église célèbre ensuite, par ses chants, la louange de ce divin Nom que bénissent toutes les nations ; car il est le Nom du Rédempteur de toute chair.

    GRADUEL.

Salvos fac nos, Domine Deus noster; et congrega nos de nationibus: ut confiteamur Nomini sancto tuo, et gloriemur in laude tua.
V. Tu, Domine, Pater noster, et Redemptor noster; a saeculo nomen tuum. Alleluia, alleluia.
V. Laudem Domini loquetur os meum, et benedicat omnis caro Nomen sanctum ejus.
Alleluia.

    Sauvez-nous , Seigneur , notre Dieu , et rassemblez-nous tous du milieu des nations, afin que nous confessions votre saint Nom, et que nous célébrions votre gloire.

    V/. Seigneur, notre Père, notre Rédempteur , votre Nom est à jamais.

    Alleluia, alleluia.

    V/. Que ma bouche fasse entendre la louange du Seigneur; que toute chair bénisse son saint Nom. Alleluia.

    Après la Septuagésime, on chante le Trait suivant, en place de l’Alleluia.

    TRAIT.

Domine, Deus virtutum, converte nos; et ostende faciem tuam et salvi erimus: sonet vox tua in auribus meis.

V. Vox enim tua dulcis, et facies tua decora nimis.
V. Oleum effusum Nomen tuum, Jesu; ideo adolescentulae dilexerunt te.

 

    Seigneur , Dieu des armées, convertissez-nous; montrez-nous votre face, et nous serons sauvés : que votre voix retentisse à nos oreilles.

    Car votre voix est douce, et votre visage éclatant de beauté.

    Votre Nom, ô Jésus ! est une huile répandue : c’est pourquoi les jeunes filles vous ont aimé.

 

    ÉVANGILE.

Sequentia sancti Evangelii secundum Lucam. Cap. II.

    In illo tempore: Postquam consummati sunt dies octo, ut circumcideretur Puer, vocatum est Nomen ejus Jesus; quod vocatum est ab Angelo, priusquam in utero conciperetur.

    La suite du saint Évangile selon saint Luc. CHAP. II.

    En ce temps-là, le huitième jour étant venu, auquel l’Enfant devait être circoncis, on lui donna le Nom de Jésus, qui était le Nom que l’Ange lui avait donné, avant qu’il fût conçu dans le sein de sa mère.

 

    C’est au moment de la première effusion de votre sang dans la Circoncision, ô Jésus, que vous avez reçu votre Nom; et il en devait être ainsi, puisque ce nom veut dire Sauveur, et que nous ne pouvions être sauvés que par votre sang. Cette alliance fortunée que vous venez contracter avec nous vous coûtera un jour la vie ; l’anneau nuptial que vous passerez à notre doigt mortel sera trempé dans votre sang, et notre vie immortelle sera le prix de votre cruelle mort. Votre Nom sacré nous dit toutes ces choses, ô Jésus ! ô Sauveur ! Vous êtes la Vigne, vous nous conviez à boire votre Vin généreux, mais la céleste grappe sera durement foulée dans le pressoir de la justice du Père céleste ; et nous ne pourrons nous enivrer de son suc divin qu’après qu’elle aura été violemment détachée du cep et broyée. Que votre Nom sacré, ô Emmanuel, nous rappelle toujours ce sublime mystère; que son souvenir nous garde du péché, et nous rende toujours fidèles.

    Durant l’Offrande, la sainte Église continue de chanter le Nom divin qui fait l’objet de la présente solennité ; elle célèbre les miséricordes qui sont réservées à tous ceux qui invoquent ce Nom adorable.

    OFFERTOIRE

Confitebor tibi, Domine Deus meus, in toto corde meo; et glorificabo Nomen tuum in aeternum. Quoniam tu, Domine, suavis et mitis es, multae misericordiae omnibus invocantibus te. Alleluia.

    Je vous louerai de tout mon cœur, Seigneur mon Dieu ; je glorifierai votre Nom à jamais; car vous êtes, Seigneur, rempli de suavité et de douceur, et vos miséricordes sont grandes pour tous ceux qui vous invoquent. Alleluia.

    SECRETE.

Benedictio tua, clementissime Deus, qua omnis viget creatura, sanctificet, quaesumus, hoc sacrificium nostrum, quod ad gloriam Nominis Filii tui Domini nostri Jesu Christi offerimus tibi: ut majestati tuae placere possit ad laudem, et nobis proficere ad salutem. Per eumdem Dominum nostrum Jesum Christum.

 

    Dieu très clément , que votre bénédiction, qui donne la vie à toute créature, sanctifie, nous vous en prions, ce Sacrifice qui est le nôtre, et que nous vous offrons à la gloire du Nom de votre Fils notre Seigneur Jésus-Christ , afin qu’il puisse honorer votre Majesté et lui plaire, et profiter à notre salut. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

    Mémoire du deuxième Dimanche après l’Épiphanie.

Oblata, Domine, munera sanctifica: nosque a peccatorum nostrorum maculis emunda. Per Dominum.

    Sanctifiez, Seigneur, les dons qui vous sont offerts, et purifiez-nous des taches de nos péchés. Par notre Seigneur Jésus-Christ.

 

    Les fidèles ayant reçu le céleste aliment qui contient le Corps et le Sang du Sauveur Jésus, l’Église, dans sa reconnaissance, convie toutes les nations à chanter et à glorifier le Nom de Celui qui les a faites et qui les a rachetées.

    COMMUNION.

Omnes gentes quascumque fecisti venient, et adorabunt coram te, Domine, et glorificabunt Nomen tuum: quoniam magnus es tu, et faciens mirabilia; tu es Deus solus. Alleluia.

    Toutes les nations que vous avez faites viendront et adoreront en votre présence, Seigneur ! Elles glorifieront votre Nom ; car vous êtes grand, vous opérez les prodiges, vous êtes le seul Dieu. Alleluia.

    Il ne reste plus maintenant à la sainte Église qu’un vœu à former : c’est que les noms de tous ses enfants soient écrits à la suite du glorieux Nom de Jésus, sur le livre de l’éternelle prédestination. Ce bonheur nous est assuré, si nous savons toujours goûter ce Nom de salut, et rendre notre vie conforme aux devoirs qu’il impose.

    POSTCOMMUNION.

Omnipotens, aeterne Deus, qui creasti et redemisti nos: respice propitius vota nostra, et sacrificium salutaris hostiae, quod in honorem Nominis Filii tui Domini nostri Jesu Christi, majestati tuae obtulimus, placido et benigno vultu suscipere digneris; ut gratia tua nobis infusa, sub glorioso Nomine Jesu, aeternae praedestinationis titulo, gaudeamus nomina nostra scripta esse in coelis. Per eumdem Dominum nostrum Jesum Christum.

 

    Dieu tout-puissant et éternel, qui nous avez créés et rachetés, regardez avec bonté nos hommages, et daignez recevoir, d’un visage serein et bienveillant, le Sacrifice de l’hostie salutaire que nous avons offerte à votre Majesté, en l’honneur du Nom de votre Fils notre Seigneur Jésus-Christ ; afin que votre grâce étant répandue en nous, nous puissions nous réjouir de voir nos noms écrits dans les cieux au-dessous du glorieux Nom de Jésus, titre de l’éternelle prédestination. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

    Mémoire du deuxième Dimanche après l’Épiphanie.

Augeatur in nobis, quaesumus Domine, tuae virtutis operatio: ut divinis vegetati sacramentis, ad eorum promissa capienda tuo munere praeparemur. Per Dominum nostrum Jesum Christum.

    Daignez augmenter en nous, Seigneur, l’opération de votre puissance, afin que, nourris des divins Sacrements, nous soyons préparés par votre grâce à goûter l’effet qu’ils nous promettent. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

 

    En place de la lecture ordinaire de l’Évangile de saint Jean, l’Église lit, à la fin de la Messe, le passage où le même Évangéliste raconte le mystère des Noces de Cana.

 

    ÉVANGILE

Sequentia sancti Evangelii secundum Joannem. Cap. II.

    In illo tempore: nuptiae factae sunt in Cana Galilaeae, et erat Mater Jesu ibi. Vocatus est autem et Jesus et discipuli ejus ad nuptias. Et deficiente vino, dicit Mater Jesu ad eum: Vinum non habent. Et dicit ei Jesus: Quid mihi et tibi est, mulier? nondum venit hora mea. Dicit Mater ejus ministris: Quodcumque dixerit vobis, facite. Erant autem ibi lapideae hydriae sex, positae secundum purificationem Judaeorum, capientes singulae metretas binas vel ternas. Dicit eis Jesus: Implete hydrias aqua. Et impleverunt eas usque ad summum. Et dicit eis Jesus: Haurite nunc, et ferte architriclino. Et tulerunt. Ut autem gustavit architriclinus aquam vinum factam, et non sciebat unde esset, ministri autem sciebant qui hauserant aquam; vocat sponsum architriclinus, et dicit ei: Omnis homo primum bonum vinum ponit, et cum inebriati fuerint, tunc id quod deterius est; tu autem servasti bonum vinum usque adhuc. Hoc fecit initium signorum Jesus in Cana Galilaeae, et manifestavit gloriam suam, et crediderunt in eum discipuli ejus.
R. Deo gratias.

    La suite du saint Évangile selon saint Jean. CHAP. II.

    En ce temps-là, il se fit des noces à Cana, en Galilée, et la Mère de Jésus y était. Jésus fut aussi invité aux noces avec ses Disciples. Et le vin venant à manquer, la Mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont point de vin ». Et Jésus lui répondit : « Femme, qu’importe à moi et à vous ? Mon heure n’est pas encore venue. » Sa Mère dit à ceux qui servaient : « Faites tout ce qu’il vous dira. » Or, il y avait là six grands vases de pierre, pour servir aux purifications des Juifs, et dont chacun tenait deux ou trois mesures. Jésus leur dit: « Emplissez d’eau ces vases. » Et ils les remplirent jusqu’au haut. Et Jésus leur dit : « Puisez maintenant, et portez-en au maître d’hôtel » ; et ils lui en portèrent. Le maître d’hôtel ayant goûté de cette eau qui avait été changée en vin, et ne sachant d’où venait ce vin, quoique les serviteurs qui avaient puisé l’eau le I sussent bien, appela l’époux et lui dit: « Tout homme sert d’abord le bon vin, et après qu’on a beaucoup bu, il en sert de moindre ; mais vous, vous avez réservé jusqu’à cette heure le bon vin ». Ce fut là le premier des miracles de Jésus, qui se fit à Cana en Galilée ; et par là, il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

 

    A SEXTE.

    L’Hymne et les trois Psaumes dont se compose l’Office de Sexte se trouvent ci-dessus, page 32.

Ant. Sitivit anima mea ad Nomen sanctum tuum, Domine.    

Ant. Mon âme a soif de votre saint Nom, ô Seigneur !

    CAPITULE. (Philipp. II.)

In Nomine Jesu omne genu flectatur, coelestium, terrestrium et infernorum: et omnis lingua confiteatur, quia Dominus Jesus Christus in gloria est Dei Patris.

R. br. Afferte Domino gloriam et honorem: * Alleluia, alleluia. Afferte.

V. Afferte Domino gloriam Nominis ejus. * Alleluia, alleluia. Gloria. Afferte.

V. Magnificate Dominum mecum. Alleluia.

R. Et exaltemus Nomen ejus in idipsum. Alleluia.

 

    Au Nom de Jésus, que tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et dans les enfers ; que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père.

    R/. br. Apportez au Seigneur la gloire et l’honneur : * Alleluia, alleluia. Apportez.

    V/. Apportez au Seigneur la gloire pour son Nom. * Alleluia, alleluia. Gloire au Père. Apportez.

    V/. Glorifiez le Seigneur avec moi. Alleluia.

    R/.Exaltons ensemble son Nom. Alleluia.

    Pour conclure, on dit l’Oraison Deus, qui, ci-dessus, à la Messe,page 119.

 

    A NONE.

    L’Hymne et les trois Psaumes dont se compose l’Office de None se trouvent ci-dessus, page 34.

    Ant. Juvenes et virgines, senes cum junioribus, laudate Nomen Domini, quia exaltatum est Nomen ejus solius.

    Ant. Jeunes hommes et jeunes filles, vieillards et enfants, louez le Nom du Seigneur; car son Nom seul est grand.

    CAPITULE. (Col. III).

Omne quodcumque facitis in verbo aut in opere, omnia in Nomine Domini Jesu Christi facite, gratias agentes Deo, et Patri per ipsum.

R. br. Magnificate Dominum mecum: * Alleluia, alleluia. Magnificate.

V. Et exaltemus Nomen ejus in idipsum. * Alleluia, alleluia. Gloria. Magnificate.

R. Qui fecit coelum et terram. Alleluia.

 

    Tout ce que vous faites, soit en paroles, soit en œuvres, faites-le au Nom du Seigneur Jésus-Christ, rendant grâces, par lui, à Dieu et au Père.

    R/. br. Glorifiez le Seigneur avec moi: * Alleluia, alleluia. Glorifiez.

    V/. Exaltons ensemble son Nom. * Alleluia, alleluia. Gloire au Père. Glorifiez.

    V/. Notre secours est dans le Nom du Seigneur. Alleluia.

    R/. Qui a fait le ciel et la terre. Alleluia.

    Pour conclure, on dit l’Oraison Deus, qui, ci-dessus, à la Messe, page 119.

 

    A VEPRES.

 

1. ANT. Omnis qui invocaverit Nomen Domini salvus erit.

1. Ant. Tout homme qui invoquera le Nom du Seigneur sera sauvé.

    Psaume CIX. Dixit Dominus, page 37.

2. ANT. Sanctum et terribile Nomen ejus: initium sapientiae timor Domini.

2. Ant. Son Nom est saint et terrible ; la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.

    Psaume CX. Confitebor tibi, Domine, page 38.

3. ANT. Ego autem in Domino gaudebo, et exsultabo in Deo Jesu meo.

3. Ant. Pour moi, je me réjouirai dans le Seigneur, et je tressaillirai en Jésus, mon Dieu.

    Psaume CXI. Beatus vir, page 38.

4. ANT. A solis ortu usque ad occasum, laudabile Nomen Domini.

4. Ant. Du lever du soleil à son couchant, le Nom du Seigneur est digne de nos louanges.

    Psaume CXII. Laudate, pueri, page 39.

5. ANT. Sacrificabo hostiam laudis, et Nomen Domini invocabo. 

5. Ant. Je sacrifierai une hostie de louange, et j’invoquerai le Nom du Seigneur.

    Psaume CXV.

Credidi, propter quod locutus sum: * ego autem humiliatus sum nimis.
Ego dixi in excessu meo: * Omnis homo mendax.
Quid retribuam Domino, * pro omnibus, qua retribuit mihi?
Calicem salutaris accipiam: * et Nomen Domini invocabo.
Vota mea Domino reddam coram omni populo ejus: * pretiosa in conspectu Domini mors sanctorum ejus.
O Domine, quia ego servus tuus: * ego servus tuus et filius ancilla tua.
Dirupisti vincula mea: * tibi sacrificabo hostiam laudis, et Nomen Domini invocabo.
Vota mea Domino reddam in conspectu omnis populi ejus: * in atriis domus Domini, in medio tui Jerusalem.

 

    J’ai cru : c’est pourquoi j’ai parlé; cependant j’ai été affligé à l’excès.

    Dans mon trouble, j’ai dit : Tout homme est trompeur.

    Que rendrai-je au Seigneur pour les biens qu’il m’a faits ?

    Je prendrai le calice du salut, et j’invoquerai le Nom du Seigneur.

    Je m’acquitterai de mes vœux envers le Seigneur, en présence de tout son peuple.

    Elle est précieuse aux yeux du Seigneur la mort de ses saints.

    O Seigneur! parce que je suis votre serviteur, moi, votre serviteur et le fils de votre servante,

    Vous avez brisé mes liens. Je vous sacrifierai donc une hostie de louange, et j’invoquerai le Nom du Seigneur.

    Je m’acquitterai de mes vœux envers le Seigneur, en présence de son peuple, sous le portique de la maison du Seigneur, au milieu de toi, ô Jérusalem !

    CAPITULE. (Philipp. II.)

Fratres, Christus humiliavit semetipsum, factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis: propter quod et Deus exaltavit illum, et donavit illi Nomen quod est super omne nomen: ut in Nomine Jesu omne genu flectatur.

    Mes Frères, le Christ s’est humilié lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la Croix ; c’est pourquoi Dieu l’a exalté, et lui a donné un Nom qui est au-dessus de tout nom, afin que, au Nom de Jésus, tout genou fléchisse.

    HYMNE.

    Jesu, dúlcis memória, Dans véra córdis gáudia: Sed super mel et ómnia Ejus dúlcis præséntia.

    Nil cánitur suávius, Nil audítur jucúndius, Nil cogitátur dúlcius, Quam Jésus Déi Fílius.

    Jésu, spes pæniténtibus, Quam píus es peténtibus ! Quam bónus te quæréntibus ! Sed quid inveniéntibus ?

    Nec língua válet dícere, Nec líttera exprímere: Expértus pótest crédere, Quid sit Jésum dilígere.

    Sis, Jésu, nóstrum gáudium, Qui est futúrus praémium Sit nóstra in te glória, Per cúncta semper saécula.

    Amen.

V. Sit Nomen Domini benedictum. Alleluia.

R. Ex hoc nunc et usque in saeculum. Alleluia.

 

    Jésus ! Nom de douce souvenance, qui donne au cœur les joies véritables ; mais plus suave que le miel et toutes les douceurs, est la présence de Celui qui le porte.

    Nul chant plus mélodieux, nulle parole plus agréable, nulle pensée plus douce, que Jésus, le Fils de Dieu.

    Jésus ! espoir des pénitents, que vous êtes bon pour ceux qui vous implorent ! bon pour ceux qui vous cherchent ! Mais que n’êtes-vous pas pour ceux qui vous ont trouvé !

    Ni la langue ne saurait dire, ni l’écriture ne saurait exprimer ce que c’est qu’aimer Jésus; celui qui l’éprouve peut seul le croire.

    Soyez notre joie, ô Jésus, vous qui serez notre récompense : que notre gloire soit en vous, durant tous les siècles, à jamais. Amen.

    V/. Que le Nom du Seigneur soit béni. Alleluia.

    R/. Aujourd’hui et jusque dans l’éternité. Alleluia.

    ANTIENNE DE MAGNIFICAT.

    Ant. Vocabis Nomen ejus Jesum: ipse enim salvum faciet populum suum a peccatis eorum. Alleluia.

    Ant. Vous lui donnerez le Nom de Jésus ; car il sauvera son peuple des péchés qu’il a commis. Alleluia.

    

    ORAISON.

Deus qui unigenitum Filium tuum constituisti humani generis Salvatorem, et Jesum vocari jussisti: concede propitius, ut, cujus sanctum Nomen veneramur in terris, ejus quoque aspectu perfruamur in coelis. Per eumdem Dominum nostrum Jesum Christum.

    O Dieu , qui avez établi votre Fils unique Sauveur du genre humain, et avez ordonné qu’on l’appelât Jésus; daignez nous accorder, à nous qui vénérons son saint Nom sur la terre, de jouir de sa vue dans les cieux. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

    Mémoire du deuxième Dimanche après l’Épiphanie.

ANT. Deficiente vino, jussit Jesus impleri hydrias aqua, quae in vinum conversa est. Alleluia.

V. Dirigatur, Domine, oratio mea.
R. Sicut incensum in conspectu tuo.

    Ant. Le vin venant à manquer, Jésus ordonna qu’on emplît d’eau les vases, et cette eau fut changée en vin. Alleluia.

    V/. Que ma prière monte vers vous, Seigneur,

    R/. Comme l’encens en votre présence.

    ORAISON.

Omnipotens sempiterne Deus, qui coelestia simul et terrena moderaris: supplicationes populi tui clementer exaudi, et pacem tuam nostris concede temporibus. Per Dominum nostrum Jesum Christum.

    Dieu tout-puissant et éternel, qui gouvernez les choses du ciel et celles de la terre, exaucez, dans votre clémence, les supplications de votre peuple, et accordez votre paix à nos temps. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

    Les deux Hymnes que nous donnons ici, et qui sont employées par l’Église aux Matines et aux Laudes de la fête, sont du même auteur que celle des Vêpres, Jesu dulcis memoria. On les a attribuées longtemps à saint Bernard ; mais des manuscrits incontestables les revendiquent pour une pieuse Abbesse de l’Ordre de saint Benoît, qui vivait au XIV° siècle.

    HYMNE.

Jesu, Rex admirabilis, Et triumphator nobilis, Dulcedo ineffabilis, Totus desiderabilis,

Quando cor nostrum visitas, Tunc lucet ei veritas, Mundi vilescit vanitas, Et intus fervet charitas.

Jesu, dulcedo cordium, Fons vivus, lumen mentium, Excedens omne gaudium, Et omne desiderium.

Jesum omnes agnoscite; Amorem ejus poscite; Jesum ardenter quaerite, Quaerendo inardescite.

Te nostra, Jesu, vox sonnet, Nostri te mores exprimant, Te corda nostra diligant, Et nunc et in perpetuum.
Amen.

 

    Jésus, Roi adorable, noble triomphateur, ineffable douceur, Jésus tout aimable;

    Quand vous visitez notre cœur, la vérité brille pour lui, la vanité du monde lui semble méprisable, et il s’enflamme de charité.

    Jésus, douceur des cœurs, source vive, lumière des esprits, vous dépassez toute allégresse et tout désir.     

    Venez tous connaître Jésus, demandez son amour; cherchez Jésus avec ardeur ; en le cherchant, embrasez-vous.

    Que notre voix, ô Jésus ! vous proclame; que notre vie exprime vos vertus, que nos cœurs vous aiment, et maintenant, et toujours.

    Amen.

    HYMNE.

Jesu decus Angelicum, In aure dulce canticum, In ore mel mirificum, In corde nectar coelicum.

Qui te gustant esuriunt; Qui bibunt adhuc sitiunt; Desiderare nesciunt Nisi Jesum, quem diligunt.

O Jesu, mi dulcissime, Spes suspirantis animae! Te quaerunt piae lacrymae, Te clamor mentis intimae.

Mane nobiscum, Domine, Et nos illustra lumine; Pulsa mentis caligine, Mundum reple dulcedine.

Jesu, flos Matris virginis, Amor nostrae dulcedinis, Tibi laus, honor Nominis, Regnum beatitudinis.
Amen.

 

    Jésus, gloire des Anges, harmonie douce à nos oreilles, miel admirable dans notre bouche, nectar céleste pour notre cœur.

    Ceux qui vous goûtent ont faim encore; ceux qui vous boivent ont soif encore; ils ne savent désirer que Jésus, objet de leur amour.

    O mon très doux Jésus, espoir de l’âme qui soupire ! nos larmes pieuses vous implorent, le cri intime de notre cœur vous appelle.

    Demeurez avec nous, Seigneur ! éclairez-nous de votre lumière; chassez de notre âme les ténèbres, remplissez le monde de votre douceur.

    Jésus, fleur de la Vierge-Mère, douceur de notre amour, à vous la louange, l’honneur d’un glorieux Nom, le royaume de la béatitude.

    Amen.

    La Séquence que nous donnons ensuite est de la composition du pieux franciscain Bernardin de Bustis, qui rédigea, sous Sixte IV, un Office et une Messe du saint Nom de Jésus.

    SÉQUENCE.

Dulcis Jesus Nazarenus, Judaeorum Rex amoenus, Pius, pulcher, floridus.

Pro salute sua gentis Subit mortem cum tormentis, Factus pallens, lividus.

Dulce Nomen et cognomen, Hoc transcendens est praenomen Omnibus nominibus.

Mulcet reos, sanat eos; Fovet justos, munit eos; Servans ab insultibus.

Hujus Regis sub vexillo Statu degis in tranquillo: Hostes tui fugiunt.

Nomen Jesu meditatum Belli fugat apparatum, Hostes victi fugiunt.

Hoc est Nomen recolendum, Quod sic semper est tremendum Malignis spiritibus.

Hoc est Nomen salutare, Et solamen singulare, Quod succurrit tristibus.

Hoc nos decet honorare, Arca cordis inserare, Cogitare, peramare, Amore sed heroico. Ignatius hoc docuit, Hoc passus insonuit, Cor ejus scissum patuit Inscriptum Jesu coelico. Ut quid majora cupimus Quasi quod Jesus sit intimus: Qui est praeamantissimus, Et quaerit nos amare.

Amat ferventissime, Amat constantissime, Amat fidelissime, Et suos vult juvare.

Nomen suum fecit tale, Ut sit cunctis cordiale, Capitale, principale, Dilectum ex intimis.

Habent hoc natura jura: Ut amantem tota cura Redamemus, placitura Praestantes ex animis.

Jesu Nomen omne bonum Tenet, dulcem facit sonum: Promeretur regni thronum, Auditum laetificat.

In hoc lucet splendor Patris, In hoc patet decor Matris: In hoc fulget honor Patris, Hoc fratres magnificat.

Ergo si quis velit scire Quare Nomen Jesu mire Facit bonos concupire Sui inhaerentia.

Jesu, pulcher in decore, Summe bonus in valore, Mitis, lenis, cum dulcore Pronus ad clementiam.

Jesus est Rex gloriosus, Jesus forma speciosus: Jesus lingua gratiosus, Et mirandus opere.

Jesus fortis, animosus, Jesus pugil vigorosus, Jesus donis copiosus, Et gaudet tribuere.

Jesus pie viscerosus, Jesus ductor luminosus, Jesus est deliciosus, Et sapit dulcissime.

Jesus fama gloriosus, Jesus cunctis fructuosus, Jesus totus virtuosus, Fovet suos optime.

Summe celsus in honore, Summe gratus in amore, Omnem laudem obtinet.

In sciendo omne sapit, Ambiendo cuncta capit, Diligendo corda rapit, Et illata detinet.

Eia nobis Nomen gratum, Dulcis Jesus appellatum: Sit in corde sic firmatum, Ut non possit erui.

Hoc reatum peccatorum Tollat, praestet jubilorum Odas: sede beatorum Donet nobis perfrui.
Amen.

 

    Le doux Jésus de Nazareth, Roi des Juifs, gracieux, débonnaire, beau et florissant :

    Pour le salut de son peuple, il a subi la mort et les tourments, pâle et livide sur la croix.

    Doux Nom, doux surnom; c’est le Nom par excellence, qui surpasse tous les noms.

    Il calme les pécheurs, il réchauffé les justes, il les fortifie, il les garde contre les attaques.

    Sous l’étendard de ce Roi, tu vis dans un état tranquille, et tes ennemis s’éloignent.

    Le Nom de Jésus, quand on le médite, dissipe l’appareil de la guerre ; l’adversaire vaincu s’enfuit.

    C’est un Nom qu’il faut révérer, un Nom redoutable aux malins esprits.

    C’est un Nom de salut, une consolation singulière qui soulage les affligés.

    Il nous le faut honorer, le placer dans le trésor de notre cœur, le méditer, l’aimer, mais d’un héroïque amour.

    Ce Nom, Ignace l’a publié, il l’a fait retentir au milieu des tourments; son cœur ouvert a laissé voir Jésus, écrit en caractères célestes.

    Que pouvons-nous souhaiter de plus que d’avoir Jésus pour intime? De tous il est le plus aimant, et il désire nous aimer.

    Il aime avec ardeur, il aime avec constance, il aime avec fidélité, et veut secourir les siens.

    Tel il a fait son Nom, qu’il puisse être pour tous le charme du cœur, l’objet excellent et principal d’un amour intime.

    Les droits de la nature l’exigent: nous devons aimer de toutes nos forces celui qui nous aime, prévenir ses désirs avec empressement.

    Le Nom de Jésus renferme tout bien, il résonne avec douceur, il nous vaut un trône au royaume du ciel, il réjouit notre oreille.

    En lui brille la splendeur du Père, en lui éclate la beauté de sa Mère ; en lui se reflète la gloire de son Père, il fait la grandeur de ses frères.

    Si donc quelqu’un veut connaître pourquoi le Nom de Jésus fait si vivement souhaiter aux justes de s’attacher à lui :

    C’est que Jésus est beau dans son éclat, que sa bonté est souveraine, qu’il est doux-, facile, plein de mansuétude, porté à la clémence.

    Jésus est le Roi de gloire; Jésus est brillant de beauté, Jésus est plein de grâce dans ses paroles, admirable dans ses œuvres.

    Jésus est fort et vaillant; Jésus est un athlète vigoureux; Jésus est magnifique dans ses dons, il aime à les distribuer.

    Jésus est tendre et compatissant, Jésus est un guide lumineux ; Jésus est rempli de délices et de la plus douce saveur.

    Jésus est illustre et glorieux ; Jésus est pour tous abondant en fruits; Jésus est la source des vertus ; aux siens il donne ses faveurs.

    Le plus élevé dans les honneurs, le plus chéri dans l’amour ; toutes les gloires sont à lui.

    Par sa science il connaît tout, dans son immensité il embrasse tout, par son amour il ravit les cœurs, et les retient dans ses liens.

    Que ce Nom, le Nom du doux Jésus, nous soit donc toujours cher ; qu’il soit fixé dans notre cœur, et que rien ne l’en puisse arracher.

    Qu’il enlève le mal du péché, qu’il inspire des chants d’allégresse, qu’il nous donne de jouir de la demeure des bienheureux!

    Amen.

 

    Nous empruntons aux anciens Missels d’Allemagne l’Hymne suivante, qui reproduit souvent les sentiments et les expressions de la Séquence de Bernardin de Bustis :

    HYMNE.

Nomen jure sublimatum, In excelsis adoratum, Nomen summae gloriae:
Gabrieli revelatum, Et in terris nunciatum Genitrici gratiae.

Haec octavo die natum, Circumcisum more patrum, Salvatorem nominat.
Universo publicatum Mundo Nomen hoc beatum Credentes salvificat.

In hoc lucet Trinitatis Splendor atque unitatis; Hoc coelum laetificat.
In hoc fulget honor Patris, In hoc patet decor Matris, Hoc fratres glorificat.

Hoc est Nomen salutare, Et solamen singulare, Quod succurrit tristibus.
Hoc nos decet honorare, Benedicere, laudare Semper laetis mentibus.

Hoc est melos praedicatum, Dulce mel est invocatum, Servat ab insultibus.
Jubilus est cogitatum, Nomen mire formidatum Malignis spiritibus.

Ecce Nomen gratiosum, Fructuosum, virtuosum Prae cunctis nominibus.
Vultum Dei gratiosum, Speciosum, amorosum, Ostendit hominibus.

Nomen pulchrum in decore, Summe bonum in valore, Intus sapit dulciter;
Summe potens in vigore, Summe celsum in honore Delectat feliciter.

Ergo Pastor animarum, Bone Jesu, et earum Lumen indeficiens,

Propter Nomen tuum carum Tetrum chaos tenebrarum Obstrue, nos muniens.

O Reformator cunctarum Nationum humanarum, Vita mortem auferens,
Restaurator ruinarum Virtutum angelicarum, Te ipsum sis largiens. Amen.

    Il est un Nom digne de tout honneur, adoré au plus haut des cieux, un Nom de gloire souveraine ; révélé à Gabriel, par lui sur terre il fut annoncé à la Mère de grâce.

    Marie donne le nom de Sauveur à son Fils circoncis le huitième jour, selon la coutume de ses pères. Publié dans le monde entier, cet heureux Nom sauve ceux qui croient en lui.

    En ce Nom brille la splendeur de la Trinité et de l’Unité ; il fait la joie du ciel. En ce Nom resplendit l’honneur du Père ; en ce Nom éclate la beauté de la Mère ; ce Nom fait la gloire des frères du Sauveur.

    C’est là le Nom salutaire, la consolation singulière qui vient au secours des cœurs affligés. C’est le Nom qu’il nous faut honorer, bénir et louer, dans la joie constante de nos âmes.

    Si on le prononce, c’est une mélodie ; si on l’invoque, c’est un doux miel ; il nous garde contre nos ennemis. Le cœur jubile, en songeant à ce Nom si formidable aux esprits de malice.

    C’est le Nom plein de grâce, abondant en fruits, fécond en vertus, par-dessus tous les noms. C’est lui qui fait connaître aux hommes la face d’un Dieu toute gracieuse, remplie de beauté et d’amour.

    Ce Nom est beau dans son éclat; il est le souverain bien lui-même ; sa saveur intime est la plus douce. Tout-puissant en sa force, sublime en ses honneurs, il est le principe des délices et de la félicité.

    Donc, ô Pasteur des âmes, leur lumière incessante, ô bon Jésus ! par votre Nom si cher, protégez-nous, et fermez sous nos pas le noir chaos des ténèbres.

    Réformateur de toutes les nations humaines, Vie qui avez détruit la mort, restaurateur de la ruine qu’avaient soufferte les tribus angéliques, daignez vous donner à nous.

    Amen.

 

    Les Messes et les Vêpres des IIIe et IVe Dimanches après l’Épiphanie, de Septuagésime, Sexagésime et Quinquagésime, se trouvent à la fin du volume, où on les a placées, pour ne pas interrompre la série des quarante jours de la Naissance du Sauveur, et pour éviter aux fidèles l’embarras que le mélange de ces Offices aurait pu produire, au milieu des Fêtes du Propre des Saints.

  1.     Psalm. LXXI.[]
  2.     Marc, XVI, 16.[]
  3.     Psalm. XXVIII.[]
  4.     Nous empruntons la traduction de ce beau fragment, dont l’Église a inséré une partie dans l’Office du saint Nom de Jésus, aux Méditations sur la Vie de Notre-Seigneur,par saint Bonaventure, traduites par le R. P. Dom François Le Bannier.[]

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