IN SPIRITUETVERITATE par Mme Cécile Bruyère
Son noviciat privé commença le 12 Octobre 1860… Le 13 novembre 1866, Cécile Bruyère rejoignait à Solesmes Dom Guéranger et les trois compagnes de fondation qui l’attendaient au petit monastère provisoire de Sainte-Cécile-la-petite. La vie monastique devait commencer le 16, aux premières Vêpres de sainte Gertrude. Juste avant, Dom Guéranger nomma la Supérieure et Cécile dut consentir, malgré ses répugnances, à devenir la forma gregisd’un troupeau qui ne tarderait pas à s’accroître rapidement.
L’Abbé de Solesmes était rayonnant de joie : l’œuvre tant aimée allait s’épanouir enfin.
Mme Cécile Bruyère à une aspirante (18 05 1881)
De savantes, il n’y en a point ici, mais des âmes qui cherchent vraiment Dieu dans la simplicité, qui le cherchent seulement comme on le cherchait au IVe siècle. Nous apprenons le latin afin de comprendre l’office divin, afin de pouvoir lire, dans la langue où ils les écrivaient pour nos grands-mères, les écrits des Pères et des Docteurs ; afin de nous délecter dans les écrits des saintes vierges qui nous ont précédées, afin de vivre comme vivaient sainte Gertrude et sainte Mechtilde, lesquelles puisaient dans les Saintes Ecritures toute la moëlle de leur oraison mentale, et se sont élevées à une très haute contemplation par la simplicité et la largeur de la Règle bénédictine.
Extraits de la Vita de Dom Guéranger par Mme Bruyère
L’Abbé de Solesmes avait publié sa traduction des « Exercices de sainte Gertrude » et voyait avec joie la propagande [propagation] rapide de cet écrit mystique. Le âmes les plus saintes en faisaient leurs délices et l’admirable M. Dupont lui écrivait :
M. Dupont à dom Guéranger – 23 février 1863
Il me serait difficile, mon bon Père, de vous exprimer la joie et le bonheur que j’ai ressentis à la lecture des « Exercices » que Satan a eu l’audace de cacher pendant si longtemps; produisant sur ce soleil une sorte d’éclipse en s’entendant avec le jansénisme. Mais l’ouvrage vient renaître dans un moment propice et c’est d’un bon augure. Si la grâce ne pleuvait pas sur nous en pluie abondante, Satan se donnerait moins de mouvement. La foi renaît et voilà que vous allez, mon bon Père, donner en quelque sorte aux âmes des ailes pour s’élever dans les sereines régions de l’amour. (23 février 1863)
M. Charles Gay, vicaire général de l’évêque de Poitiers, lui avait promis d’écrire un article pour recommander les « Exercices de sainte Gertrude » à la piété catholique.
L’article de l’abbé Gay se retrouve dans le « Monde » du 12 août 1863.
Mgr Gay sur les Exercices de sainte Gertrude 12 08 1863
…R.P. Dom Guéranger, abbé de Solesmes. Quiconque a lu ces beaux livres qu’on appelle les « Institutions liturgiques », « l’Année liturgique » – j’y joins ce petit chef-d’œuvre de l’Histoire de Sainte Cécile – est en mesure de savoir la part qui revient à ce docte et habile ouvrier dans l’édification contemporaine du temple catholique. On ne lui trouvera pas moins de titres à être rangé parmi nos meilleurs soldats, si l’on regarde tant de polémiques vaillantes que, depuis trente années, il a soutenues contre tant d’erreurs : d’abord contre les préjugés et les ignorances de notre pays en fait de liturgie ; puis contre les formes diverses d’un naturalisme trop détestable, trop répandu et, de nos jours surtout, trop périlleux, pour qu’on s’alarme à tort même de ce qui y tend sans l’établir, et peut servir à diminuer l’horreur qu’il doit régulièrement inspirer aux chrétiens.
Le R.P. Abbé vient d’enrichir encore le monde des âmes en traduisant et en publiant un livre admirable. L’œuvre appartient cette fois exclusivement à l’ordre de l’édification chrétienne. Ce livre a plus de cinq siècles ; il a dû jadis être populaire, au moins parmi les religieux qui alors formaient un vrai peuple. De nos jours, hormis quelques érudits, il était à peu près inconnu. Les oublis de l’homme envers Dieu, en expliquent en partie beaucoup d’autres ; mais si ce Maître n’était si magnifique à pardonner ceux-là même que nous faisons de lui, il y en a qu’on serait tenter de trouver impardonnables. Toujours est-il que la réapparition de tels ouvrages est une grâce et un signe ; un signe, parce qu’elle correspond presque toujours à un besoin des esprits, et c’est l’instinct qu’on en a qui pousse à les reproduire ; une grâce aussi, si c’en est une déjà que l’existence d’un si noble besoin, combien plus l’aliment qui vient le satisfaire !
Traduit du latin, ce livre a pour auteur une femme incomparable : sainte Gertrude, abbesse de Heldelfs. La famille bénédictine que ses richesses et son bon goût rendent naturellement discrète en ses louanges, la nomme sans hésitation sainte Gertrude la « Grande ». La plupart des âmes pieuses connaissaient sa vie et ses révélations éditées en latin par le chartreux Lanspergius, sous le titre de « Insinuationes divinae pietatis ». Elles ont été traduites en plusieurs langues. S’il n’y a pas d’autre version française que celle que nous connaissons, c’est une œuvre qui reste à faire et qui revient de droit aux bénédictins de Solesmes.
Le livre publié aujourd’hui, porte le nom d’« Exercices ». Il est très court. Un amour tout divin l’a inspiré. L’amour est sobre de paroles ; en se disant lui-même il dit tout ; il n’a donc besoin que de se dire…
Le savant traducteur a fait précéder l’ouvrage d’une Préface dans laquelle il dessine à grands traits, d’abord le personnage de la chère sainte, puis le caractère propre de sa spiritualité; ces pages sont pleines de faits intéressants, d’observations très justes, d’appréciations très fines et de souhaits auxquels nous avouons nous associer pleinement touchantle retour à des façons de traiter avec Dieu plus vraies et plus simples que beaucoup de celles qu’on trouve indiquées et conseillées dans beaucoup de livres modernes ; à des voies spirituelles plus lumineuse plus vivifiantes, enfin plus dignes de Dieu et plus en harmonie avec l’état et les besoins d’âmes affranchies par Jésus Christ.
Le respectable auteur, après avoir analysé les sept Exercices qui font l’objet de ce petit volume, dans un style en parfaite harmonie avec le sujet, termine ainsi sontravail : « Tel est l’ensemble de ces Exercices, mais il faut lire le livre lui-même » et, que le docte traducteur nous permette de le dire, il faut surtout le lire en latin… Quant au texte, on n’en peut dire le nombre, le plénitude, la rigueur théologique et en même temps la splendide poésie. Il rappelle tout ensemble la richesse de l’Aréopagète et la précision de Saint Thomas. On y trouve aussi beaucoup de ce génie particulier d’écrire qu’a produit, chez plusieurs grands auteurs chrétiens, un sentiment particulièrement développé du rythme et auquel il faut rattacher les antithèses de Saint Augustin, le consonances de S. Bernard et enfin les merveilleuses rimes de nos grande hymnes liturgiques, spécialement de celles de l’incomparable office du Saint Sacrement.
Le R.P. Abbé de Solesmes a indiqué dans sa Préface quelques-uns des traits les plus saillants de la spiritualité de sainte Gertrude. Ce pourrait être le sujet d’une longue et intéressante étude. Dom Guéranger pouvait moins que tout autre omettre de remarquer ce qu’il y a de saine et puissante doctrine au fond de cette ardente prière et ce que la méditation assidue et intelligente de la sainte Écriture et de la liturgie, donne à ce livre de solidité, de beauté, de vertu sur les âmes. Un des biens principaux qu’il fera à celles qui sont déjà pieuses, sera de les faire monter plus haut que lui,c’est-à-dire jusqu’aux sources d’où lui-même dérive. C’est un bien tout à fait opportun. Si l’on tenait plus près des principes, on verrait mieux et on serait plus libre. C’est vrai en politique, cela l’est surtout en mystique…
Jésus Christ est mal connu, mal compris, souvent mal expliqué : c’est qu’entre lui et l’âme on met beaucoup trop de choses, tandis qu’en réalité, notre loi, notre grâce, notre chemin, nos vertus, notre justice, notre vie, notre amour, notre jugement, notre salut c’est personnellement et substantiellement lui. Voilà ce que savait admirablement sainte Gertrude. On n’a qu’à voir comme Jésus lui est vraiment toutes choses, comme elle le nomme, comme elle l’appelle, comme elle le cherche, comme elle le trouve et comme pour elle enfin toute conversion, tout progrès, toute perfection comme toute félicité, c’est d’aimer cet être adorable et d’être aimé de lui. (Le Monde du 11 août 1863)
Dom Guéranger avait fait cette traduction avec amour, il fut heureux de la voir goûtée et se répandre. Il ne fut pas moins de savoir qu’Halles, le graveur de la maison Marne, s’occupait de préparer une image de sainte Gertrude. Celui-ci, désireux d’arriver à un résultat satisfaisant, demandait à notre Abbé ses conseils:
Halles à dom Guéranger le 11 mars 1863 : « Gertrude »
On est en train de graver pour M. Berthiault, éditeur, une petite image de sainte Gertrude dont j’ai donné le dessin, mon très Révérend Père. J’y ai placé au recto le texte: »In corde Gertrudis invenietis me » que l’on rencontre sur toutes les images analogues et qui est répété plusieurs fois dans l’office de la Sainte que je retrouve à la fin des « Insinuationes » de Dom Mège; ensuite au verso j’aurai à l’expliquer en quelques lignes. Mais où le trouve-t-on ? Il n’est pas dans le texte même des « Insinuationes ».
Je serais vraiment heureux, mon très Révérend Père, de recevoir d’une main aussi autorisée que la vôtre, un mot d’éclaircissement et de réponse à cette question. (11 mars 1863)
Dom Bastide à dom Guéranger sur les reliques de sainte Gertrude que dom Guéranger recherche
Je viens de voir la princesse [Catherine de Hohenzollern], mon très Révérend Père, et e m’a chargé de ses plus vifs remerciements pour votre chère lettre. Elle vous écrira de nouveau lorsqu’elle aura quelque renseignement positif sur les reliques de sainte Gertrude dont elle s’occupe activement. (19 mai 1863)
La princesse Catherine de Hohenzollern à dom Guéranger sur les reliques de Sainte Gertrude
Veuillez me permettre, mon très cher et bien aimé Père, de dire encore un petit mot sur mes recherches (malheureusement encore infructueuses) relatives aux reliques de notre sainte Gertrude. Toutes les reliques qui se trouvaient à Brunswick se trouvent actuellement, et avec la permission de l’évêque de Hildesheim dans un musée de la ville de Hanovre et sont propriété inaliénable de la couronne ; l’évêque même a fait vainement des instances pour obtenir quelques-unes des reliques pour la cathédrale. Il y a donc impossibilité complète d’enlever un pareil trésor.
Mais les détails que j’ai obtenus sur la châsse précieuse que l’on croyait contenir les reliques de « notre » sainte, prouvent qu’elle a été donnée par Gertrude comtesse de Brunswick, morte en 1038***, ainsi près de 300 ans « avant » la mort de notre Gertrude : ce reliquaire ne peut donc contenir que des reliques de sainte Gertrude, Abbesse de Nivelle en Flandre, morte en 806, si je ne me trompe.
J’ai repris mes perquisitions et je n’abandonne pas encore l’espoir de trouver quelques reliques de notre Abbesse de Kelfeda, et vous, mon très cher Père, vous savez dans quel but [Allusion à l’espérance éloignée d’une fondation de moniales.]. Priez bien pour le succès. (23 juin 1863)
La princesse Catherine à dom Guéranger sur les reliques de sainte Gertrude
Les recherches des reliques de sainte Gertrude se continuent par les savants de l’Allemagne; mais hélas ! avec bien peu d’espoir pour un succès final; pourtant il me paraît que ces efforts mêmes sont un signe de vénération pour notre grande Abbesse. En cela aussi je ne puis espérer que dans le secours de Dieu et la protection de saint Benoît.(12 octobre 1863***)
L’abbé de Solesmes, en dépit de sa mauvaise santé, il avait fait l’effort en novembre de donner à ses moines les exercices de la retraite annuelle, et il avait reçu la rénovation de leurs vœux le jour de la fête de sainte Gertrude, 17 novembre [1863***].
Mlle Brusson, future moniale de Sainte-Cécile, à dom Guéranger (après le 21 mars 1866, avant la fondation du monastère féminin de Sainte-Cécile de Solesmes)
Vous avez été choisi pour renouveler la génération du « Juste » et c’est à vous qu’il appartient de compléter cette famille en formant de vraies fille de S. Benoît, de Ste Scholastique, de Ste Gertrude.
Dom Guéranger au chanoine Coulin – 21 octobre 1866
La maison provisoire est prête, et le jour sa Sainte-Gertrude la louange divine y commencera, grâce à vous, mon très cher ami. Marie ne sera pas seule marseillaise…
Réjouissons-nous donc ensemble en cette belle fête de sainte Gertrude dont vous goûtez tous les écrits.(21 octobre 1866)
Abbé Hillereau à dom Guéranger – 23 septemnbre 1867
…à Solesmes… Ces trois visites ont complètement changé mes désirs et j’espère que le changement s’étendra jusqu’à mes actions. J’y ai trouvé la voie qui me convient pour aller à Dieu et à notre dernière retraite, je sentais plus vivement que jamais que ma vie surnaturelle venait de Solesmes, je me trouvais comme un étranger au mileu des prosaïques méthodes de Saint-Sulpice sans mon bréviaire et les Exercices de Sainte Gertrude, je me serais consumé d’ennui. Je ne sais si Solesmes sera un jour ma demeure, mais j’y ai du moins laissé une bonne partie de mon cœur dans celui de mon père. (23 septembre 1867)
Un nouvel essort allait être donné à la fondation du monastère de Sainte-Cécile de Solesmes. Les travaux étaient assez avancés…On espérait que la bénédiction, de l’église provisoire du monastère et l’inauguration de la clôture pour ait avoir lieu en la fête de sainte Gertrude qui, l’année précédente, avait du la réunion des sœurs à la maison Huré… Dom Guéranger…il avait écrit à Mgr Fillion pour obtenir de lui l’autorisation de bénir le chœur qui allait servir d’église aux moniales…
« Je vous autorise bien volontiers à bénir le chœur de nos chères filles en attendant que nous puissions ensemble consacrer leur église. Je me faisais une fête d’aller les surprendre le matin de Sainte Cécile et d’offrir mes vœux à la Mère, en offrant la sainte messe pour elle et pour toute la communauté; mais le prétexte sur lequel j’avais compté m’échappa. Au moins je n’oublierai pas la fête ie sainte Gertrude et le doux anniversaire qu’elle nous rappelle. (11 novembre 1867).
Le jour de sainte Gertrude, le R.P. Prieur de Marseille lui écrivait L’Église célèbre aujourd’hui notre grande sainte Gertrude et pour l’honorer dignement, une denos bienfaitrices m’a fait annoncer que nous pouvions commencer à bâtir la première aile du monastère de Sainte-Madeleine. Comme nous célébrons notre Sainte le 17, je suis heureux de vous faire connaître immédiatement cette nouvelle que je reçois à l’instant; vous pourrez au moins vous unir à nous pour remercier notre grande Abbesse d’une preuve si évidentede sa protection. (l5 novembre 1867).
Peu de mois après son élection, Dom Guéranger donnait à la nouvelle Prieure ces conseils solides et d un ordre général
« Un seul but dans notre vie, ma chère fille: répondre à l’amour de l’Époux.Vous voyez combien le but simplifie la vie. Que l’on perd de temps à essayer les méthodes des livres de spiritualité ! Vous savez que je tiens pour vous à ceux de votre sainte Mère, mais aussi comme elle est simple. Usez de sainte Gertrude car elle a éminemment ce cachet. Quand on a le bonheur d’être arrivé à Notre Seigneur, il faut s’y tenir. Ne cherchez plus : seulement gardez énergiquement la position par une guerre incessante à la nature et au moi. Dans le ciel, la position se gardera toute seule. (15*** février 1867)
Dans cette lettre même [à Philippe Guignard, du 27 mars 1868], il faisait allusion à l’arrivée de Cologne d’une petite peinture du XVI° siècle qui l’avait comblé de joie. Mais nous tenons à en faire toute l’histoire d’autant plus qu’elle se trouve étroitement liée à l’édition qui fut faite par Solesmes des œuvres de sainte Gertrude et de sainte Melchtilde, par Dom Paquelin.
Au mois de février 1868, ce Père reçut l’obédience d’aller rechercher chez les Bollandistes et dans les bibliothèques d’Allemagne tout ce qui pouvait concerner les deux sainte moniales… Deces recherches assez étendues.. est sortie une œuvre assez considérable.
Dom Paquelin à dom Guéranger – 10 mars 1868
En fait de manuscrits, voici ce que j’ai trouvé : les Chapitres (seulement) concernant l’abbesse Gertrudequi se trouvent en plus dans 1’édition allemande de 150*, que vous venez d’acheter…
Puis une lettre du P. Gamans, grand fournisseur allemand des vieux Bollandistes, concernant une autre Gertrude, patronne de la ville d’Offenburg-sur-Brisgau, veuve et tertiaire de saint François, Mais l’auteur dit avoir trouvé sa vie en compagnie d’autres qui témoignent du mérite de la patronne d’Offenburg, attendu que entre autres sont sainte Gertrudela Saxonne et sainte Catherine de Sienne. Puis, il continue à dire qu’il y a eu plusieurs saintes Gertrude presque contemporaines : l’abbesse Gertruded’Helpida, sœur de sainte Melchtilde; ensuite celle de Saxe « supra citadem ». On ne peut mieux les distinguer l’une del’autre. Mais ce qu’il reste de plus remarquable dans ces lignes, c’est qu’il y a une Vie de sainte Gertrude de Saxe, ne faisant qu’un volume avec celle de sainte Catherine de Sienne et la bienheu euse Gertrude, veuve. C’est donc une Vie différente du livre des « Insinuations » et des chapitres consacrés ailleurs à l’abbesse Gertrude, puisque l’auteur les distingue. Malheureusement on ne voit aucun indice du lieu où le volume se trouvait, ni par conséquent où l’on le pourrait trouver aujourd’hui. Comme Offenburg est tout près de Strasbourg, je verrai dans ce pays si on n’aurait pas conservé quelque chose del’une ou de l’autre…
A Bruxelles… (10 mars 1868)
[Dom Paquelin] continuait sespérégrinations… et en adressait… la narration à son Abbé :
Dom Paquelin à dom Guéranger 6 avril 1868
Il paraît qu’à Hoiie***, entre Leipzig et Eisleben, il y a des documents. Donc sainte Gertrude en l’honneur de laquelle est consacrée la petite église d’Eisleben, est représentée en noir et avec la croisse !…
Savez-vous qu’avant Lanspergius, il y a eu un éditeur de sainte Gertrude ? Le même qui fit imprimer à Leipzig sainte Mechtilde en 150*, et fait imprimer en 1505 sainte Gertrude. Monsieur Volk qui a beaucoup écrit en faveur de l’église, sous le pseudonyme de Clavos, en a un exemplaire à Erfürt et je lui en ai demandé communication et même davantage…
J’ai reçu de S.Ém. le cardinal Pitra une lettre qui m’assure qu’il y a à Vienne un manuscrit de sainte Gertrude ; il m’a donné le numéro et m’indique un catalogue où en effet je l’ai trouvé. De plus, j’ai reçu ce matir du bibliothécaire de Vienne l’assurance que ce manuscrit s’y trouve. (6 avril 1868).
Il arriva à Solesmes, à l’adresse de Dom Guéranger, une touchante requête concernant les lieux que le Père Paquelin avait visités quelques mois auparavant; et adressée par la Prieure des bénédictines du Saint Sacrement d’Osnabruck.
Prieure bénédictine d’Osnabruck à dom Guéranger – 23 octobre 1868
…Je me permets de m’adresser à vous… Il s’agit de la gloire de Jésus, notre divin Époux, dans le sacrement de son amour. Il s’agit aussi de la gloire de son Épouse bien-aimée, le grande sainte Gertrude, cette sainte abbesse si aimée et si vénérée dans tout l’Ordre. C’est tout juste ce dernier point qui nous a inspiré la confiance de nous adresser à vous, Monseigneur, ayant appris d’un livre intitulé « Livre de sainte Gertrude » écrit par le B.P. Maurus Wolter, prieur au monastère bénédictin de Beuron, que dans votre monastère, cette grande abbesse jouit d’une vénération toute spéciale, et cela nous encourage dans la pensée qu’il vous tient fort à cœur de procurer la gloire de cette âme si chère au Cœur de Jésus, de cette amante du Sacrement d’amour…
Il y a quelque temps que nous apprîmes par une permission spéciale de la divine Providence, que le monastère et l’église d’Eisliben, en Saxe, où cette grande sainte reçut tant de grâces, étaient encore en bon état et en possession d’un particulier protestant; la belle église changée en grange ! mais quel bonheur: le sanctuaire vénérable peut être regagné à l’Église, peut être rendu à l’Ordre ; le propriétaire est prêt à la vendre pour la somme de 30 000 francs. Vous pouvez juger combien nos cœurs tressaillirent à cette nouvelle; mais comment décrire notre joie lorsqu’on désire de nouspauvres indignes Réparatrices, d’y aller commencer nos adorations et réparations, dans ce lieu, le berceau du protestantisme (lieu de la naissance de Luther) où les profanations contre le T.S. Sacrement ont, en grande partie, pris leur commencement.
Quoique nous sentions notre grande indignité pour une œuvre si sainte… le bon Dieu semble manifester sa volonté en inspirant à une pieuse veuve la pensée de nous faire le don d’une certaine somme pour le commencement d’une fondation de l’adoration perpétuelle. Mgr l’évêque de Paderborn (Eisleben appartenant à son diocèse) nous écrit que, d’après son avis, Eisleben est tout juste la place pour un Ordre contemplatif… il désire donc ardemment que ne tre communauté puisse bientôt s’y établir…
D’après Monseigneur et le curé d’Eisleben, les protestants se montrent favorables aux catholiques ; ils visitent souvent la belle église que ces derniers se sont acquise et le nombre des catholiques s’augmente chaque année. Mgr l’évêque de Paderborn [et d’autres…], tous y voient une Providence spéciale, et nous encouragent à poursuivre cette œuvre… Nous prenons la liberté d’implorer en toute humilité le secours de vos saintes prières…
Ne connaissant pas votre adresse, je me suis permis de vous faire pai venir cette lettre par le R.P. Maur Wolter, car c’est en lisant son livre, comme je vous l’ai dit, que nous avons fait la connaissance de votre honorée Communauté et appris la dévotion qui y règne pour la grande sainte Gertrude…
